Etant donné le nombre de volumes que compte la série du Disque-Monde, on pourrait croire que Terry Pratchett va finir par être à court de choses à dire sur son monde fétiche. Mais peut-être que justement, l'une des marques d'un monde qui a réussi à prendre une épaisseur et une vie propre, c'est le foisonnement et le renouvellement des idées qui en découlent. Et si les lecteurs assidus de la série ont appris quelque chose, c'est bien que Terry Pratchett est toujours capable de vous sortir une idée fantastique de son chapeau (il en porte un sur presque toutes les photos de quatrième de couverture, ce qui légitime tout à fait que je pose cette hypothèse, à mon avis), de sorte que même les volumes les moins réussis de la série ont quelque chose.
The Wee Free Men, donc...
Les petits hommes libres n'est peut-être pas le meilleur de la série, mais de toutes manières, les avis divergent notablement quand au titre qui mérite ce titre (c'est bon, j'arrête), et je ne me hasarderai pas de nouveau dans ce guêpier. Mais assez étrangement, bien qu'il soit à l'origine destiné à un jeune public, c'est l'un de ceux qui présentent et discutent le plus longuement certains aspects philosophiques du Disque-Monde, et en particulier, ce qu'est être une sorcière. J'avoue que les sorcières sont l'un des aspects qui me fascinent le plus dans cet univers, et je crois pouvoir dire que je ne suis pas la seule. Les mages et l'Université Invisible sont une hilarante parodie d'un fonctionnement universitaire presque classique. Le Guet est digne de figurer dans n'importe quel roman policier de qualité, et ne détonnerait pas dans n'importe quel commissariat de roman sous réserve de quelques modifications mineures. Vetinari semble tout droit tiré du Prince de Machiavel. Les religions et les dieux sont un medley réussi de choses qui nous sont bien familières. Mais les sorcières ? Terry Pratchett a créé là une entité à la fois totalement originale et parfaitement logique. Une entité qui a donné vie à des personnages inoubliables, tels Mémé Ciredutemps. Nous avions déjà assisté à la formation de plusieurs futures sorcières, dans La Huitième Fille et dans les volumes mettant en scène Agnès Nitt. Mais il restait visiblement des choses à dire pour faire comprendre la nature de ces créatures à la fois totalement humaines et qui sont plus que cela.
Revenons à nos moutons
Tiffany est une petite fille qui a les pieds bien sur terre. Petite-fille de bergère, fille de fermiers, elle sait ce qu'elle est censée faire et comment le faire. Mais elle a aussi une soif d'apprendre qui la distingue du reste de sa famille, et elle voit des choses. Enfin, pour être plus précise, elle est la seule à voir ce qui est sous son nez. Et elle risque d'avoir fort à faire, car des phénomènes étranges se produisent dans les environs. Si elle est la seule à pouvoir les remarquer, c'est à elle de s'en occuper, non ? A commencer par ces petits gredins de Nac Mac Feegle, des lutins violents, buveurs et sans vergogne, qui la considèrent comme une sorcière de très grande puissance. Et surtout leur ennemie commune, la Reine des Fées, qui décide de kidnapper le petit frère de Tiffany. Il a beau l’énerver et être tout à fait inutile, c’est son frère à elle, et ce n’est pas une entité immortelle à la puissance incommensurable qui va le lui prendre.
Première Vue et Pensées Secondes
Comme le faisait justement remarquer Laszlo C., il y a de quoi se construire une philosophie personnelle rien qu'en se basant sur les bouquins de Pratchett. Je sais de source sûre que ce roman était l'un de ceux auxquels il pensait, mais je vous laisse découvrir pourquoi. Si l'histoire est presque classique, avec des éléments de contes de fées et quelques références à C. S. Lewis pour faire bonne mesure, il y a comme toujours quelques passages jubilatoires, et surtout ces quelques éléments supplémentaires sur les sorcières, qui valent à eux seuls la lecture. Un roman à morale, au meilleur sens du terme.
La chronique de 16h16 !