Laurent Whale, « jeune » auteur français de 46 ans (sa première nouvelle, Hélas, Elias !, a reçu le prix Merlin en 2005), publie ici son deuxième roman après Le Chant des Psychomorphes, sorti en 2006 chez Rivière Blanche (voir la chronique). Avec Les Pierres du rêve, paru aux éditions Eons (après une première sortie en e-book fin 2006), Whale poursuit dans la veine populaire et exotique qu’il affectionne.

Cet ouvrage comporte également deux nouvelles : Cinquante-cinquante, de Raymond Milési, et Le Grand Chapardement, d’Alain le Bussy.

Une affaire qui tourne mal

Nelson Burett est détective privé. Nostalgique de l’ancien temps où l’homme n’avait pas encore conquis l’espace, il tente de suivre les traces de son modèle Humgart Bophrey, héros des vieux films noirs avant l’apparition du tridi. Engagé par Vera N’Gurjila pour retrouver son mari disparu (héritier d’une des plus grosses fortunes de la galaxie), et accessoirement une gemme de grande valeur, Burett se retrouve embarqué dans un imbroglio qui l’enverra sur une station spatiale martienne puis sur une planète dévastée. Et il aura la mauvaise surprise de voir les morts se multiplier sur son chemin.

Space polar

Avec Le Chant des Psychomorphes, Laurent Whale composait un space opera efficace bien que peu original. Il reprend la même recette ici, mais sous l’angle du polar teinté d’humour. Les personnages sont très stéréotypés, mais c’est voulu et Whale ne cache pas ses références. On sait immédiatement dans quel type d’histoire on se trouve, et, qu’on aime ou pas, l’auteur est plutôt bon dans l’exercice. Son ton humoristique et ironique atteint son objectif, Whale a le sens de la formule et le roman se lit vite et bien.

Côté intrigue, Les Pierres du rêve n’a rien d’exceptionnel. L’histoire est classique et, malgré des rebondissements bien placés (dont un au milieu qui relance le récit), elle n’offre que peu de surprises. Comme pour Le Chant des Psychomorphes, le ressort principal de l’intrigue est dévoilé tard et finalement peu exploité malgré son potentiel, laissant une légère impression d’inachevé et un sentiment de frustration. Les arguments SF du livre ne sont que le prétexte à un récit d’aventure certes bien mené mais sans véritable substance, comme si l’auteur n’osait pas développer ses idées par crainte de ne pas répondre aux exigences du genre.

L’une de ces exigences est un rythme soutenu et de ce point de vue, Whale n’a rien à envier à ses modèles. Burett est pris dans une course effrénée qui laisse peu de place à la réflexion, les événements s’enchaînent bien et sans incohérence. Mais ce procédé est à double tranchant : l’action et les informations défilent parfois trop vite, sans laisser le temps au lecteur de se poser, et sans laisser le temps à l’auteur de développer convenablement ses personnages et leur environnement. On regrettera ainsi que Burett, qu’on sent complexe et intéressant, soit constamment submergé par l’action et que son passé ou ses sentiments ne soient évoqués que rapidement et de façon superficielle. Dommage, car Whale ménage quelques moments d’émotion assez justes qui auraient mérité plus de développements. De même pour l’univers dans lequel se déroule le récit, peu décrit, faisant appel à nos propres références en la matière. Whale parvient tout de même à imposer certaines ambiances, notamment dans les décors de jungle qu’il affectionne tout particulièrement.

Les limites du genre

Au final, Les Pierres du rêve est un polar rythmé et un space opera classique qui ravira les fans d’aventures et de voyages, mais qui souffre peut-être des limites imposées par les codes du genre. Laurent Whale a choisi sciemment de suivre cette voie et a rempli son contrat. On le sent toutefois capable de s’extraire de ce cadre et de proposer des histoires plus approfondies et originales.