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Les Racines du Mal

Langue d'origine : Français
Aux éditions : 
Date de parution : 28/02/1999  -  livre
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Les Racines du Mal

"Andreas Schaltzmann s'est mis à tuer parce que son estomac pourrissait."

"Le phénomène n'était pas isolé, tant s'en faut. Cela faisait longtemps que les ondes cosmiques émises par les aliens faisaient changer ses organes de place, depuis que les nazis et les habitants de Vega s'étaient installés dans ses quartiers.''

Objectivement, lorsque vous choisissez d'ouvrir ainsi votre second roman, vous avez intérêt à très sérieusement assurer la suite. Et en l'occurrence, Maurice G. Dantec s'y est appliqué avec un tel succès, que je vous mets littéralement au défi de reposer Les Racines du Mal avant d'avoir éclusé les 130 premières pages. Lorsqu'il est allé voir son vieux pote Jean-Bernard Pouy en 1992, Dantec lui a proposé un manuscrit fourre-tout, touffu et "impubliable". C'est celui-là même, largement remanié, qui pose les fondations de ce deuxième roman.

Schizophrénie et paranoïa

Tout commence en banlieue parisienne, dans la tête d'Andreas Schaltzmann, ci-devant schizophrène à tendance paranoïaque. S'il a échappé à un suivi psychiatrique sérieux, c'est du fait de sa double nationalité franco-allemande, qui l'a amené durant toute son enfance à séjourner des deux côtés du Rhin. Lorsque, enfin la pression se fait trop forte, Schaltzmann se lance dans une dernière course sanglante, un baroud d'horreur, qui laissera dans son sillage une dizaine de morts.

Cavale psychotique

Voilà qui engendrera 130 pages de promiscuité dérangeante avec un psychopathe. Pages qui, si elles renvoient directement à Ellroy et à Ellis, imposent définitivement Dantec en maître du récit.
Puis le roman entier prend une toute autre tournure lorsque, enfin, la cavale psychotique de Schaltzmann s'achève. On reste dans la noirceur, mais insensiblement, au fil d'une enquête en deux temps, du policier on glisse vers l'anticipation. De l'analyse du "cas Schaltzmann", naîtra grâce à Arthur Darquandier - un jeune scientifique -, la neuromatrice, IA expérimentale, qui aidera les protagonistes à remonter aux Racines du Mal.

Un roman ambitieux

Dense, touffu, tout en tension encore une fois, Les Racines du Mal, reste, à ce jour, l'œuvre la plus intéressante de Maurice G. Dantec. De ce polar prospectif, largement nourri des théories les plus récentes se rapportant aux sciences cognitives, imprégné de la pensée des philosophes nietzschiens qui ont grandement étayé le parcours personnel de Dantec, on ressort lessivé. Empruntant à la série noire, à la SF, ce second roman, ambitieux, est un bréviaire du questionnement sur la nature humaine. L'auteur prend ses distances avec la littérature de genre, quitte à se retrouver seul, fer de lance d'une littérature des genres, concept syncrétique dont il mettra plusieurs années à accoucher.

La tentation de l'essai, est forte, comme en témoigne le long interlude australien qui ouvre la dernière partie de l'enquête, et qui ne trouve guère sa justification que dans les propres réflexions que Dantec mènent en prolégomène à son travail de fiction. C'est malgré tout plus réjouissant que prétentieux, car il n'est pas une page où l'on ne sente bouillonner l'envie d'écrire. L'envie d'écrire et l'envie de dire aussi. Et si, de ce fait, l'intrigue s'embrume parfois, cela n'en reste pas moins une expérience de lecteur enthousiasmante, qui transcende la noirceur de l'univers. Noirceur, car une fois encore, c'est par l'exploration de la face sombre de l'humain que Dantec entreprend de le mettre en lumière. Un tableau peu reluisant au final, servi dans une urgence brutale, mais salutaire. Une œuvre fascinante aux limites des genres, et qui ouvre sur l'avenir littéraire des perspectives que l'on avait crues à jamais bouchées.

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