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Lettres - Tome I (1914 - 1926)

Langue d'origine : Anglais US
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 30/06/1978  -  livre
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Lettres - Tome I (1914 - 1926)

Sans Howard Philips Lovecraft, la littérature fantastique en serait peut-être encore aujourd'hui à ressasser les mêmes histoires de spectres et autres suceurs de sang. Heureusement, ce n'est pas le cas ! A l'origine d'une mythologie très personnelle que bon nombre d'auteurs ont reprise et encore étoffée, il fait un peu figure de messager d'une religion révélée et imaginaire vouée à un culte abominable. Comme tous les prophètes, Lovecraft est devenu l'objet d'un certain nombre de légendes tenaces. Qui était vraiment cet homme au talent exceptionnel ? Quel était son quotidien et quelle fut l'influence de celui-ci sur son œuvre (ou vice versa) ? C'est à travers sa correspondance monumentale qu'une chance nous est offerte de faire plus ample connaissance et d'approcher le créateur de Cthulhu par ses facettes les plus humaines. Il avait une prédilection pour les sucreries et les films de Chaplin, de nombreux amis qu'il ne vit jamais mais aussi quelques autres qu'il rencontra, fut amoureux (à sa manière)... Et pourtant, la légende du reclus de Providence n'est pas totalement dénuée de fondements, comme en témoignent certaines lettres d'une indéniable couleur misanthropique. Mais plus que tout, si l'on s'accorde sur une définition du terme geek, HPL fut certainement aussi l'un des individus les plus représentatifs de ce rameau divergent de l'espèce humaine.
 
Le travail, cette abomination cosmique !
 
Il faut bien le reconnaître, hormis la littérature il est peu d'activités véritablement dignes d'être exercées par un gentleman. Même si, dans une lettre de 1923 à Frank Belknap Long, Lovecraft avait mentionné avec vigueur sa répugnance à se livrer à un travail littéraire destiné au grand public, il n'en envoya pas moins l'année suivante une circulaire à divers éditeurs afin de trouver un emploi honorable dans ce secteur. De cette lettre de motivation faisant office de curriculum vitae, il ressort principalement qu'HPL n'envisageait de monnayer son génie qu'à contrecœur. De quelle façon convaincre un recruteur quand on n'a pour arguments que du talent et des manières aristocratiques ? Si HPL condescend à proposer ses services contre rémunération, il ne s'avilit cependant pas au point de laisser croire qu'il aura la servilité requise de la part d'un employé ordinaire. La fin de sa lettre est éloquente et sans ambigüité : ce demandeur d'emploi est un cas très particulier... Par bonheur, il n'eut pas à subir l'humiliation de devoir se livrer à une activité aussi vulgaire puisque ses sollicitations ne reçurent aucune réponse favorable. Il n'en reste pas moins que peu de chômeurs ont été capable de saborder avec un tel style toute velléité de recrutement de la part d'un employeur potentiel...
 
Un courrier du cœur indiciblement Meethyc !
 
Puisque Lovecraft fut à deux doigts d'intégrer le monde du travail, précisons tout de même que ce non-évènement eut lieu durant la brève période où il vécut à New York, et l'on peut raisonnablement supposer que l'amour lui troublait alors la raison. En effet, comme bien des hommes pourtant moins remarquables, HPL fut probablement amoureux, se maria et vécut en couple durant quelques mois. Nous n'aurons pas l'indécence d'émettre la moindre hypothèse sur la vie intime de ce géant de la littérature mais lorsque l'on convole, la question du sexe finit immanquablement par être abordée et s'il est un thème que le parfait gentleman se doit d'aborder avec tact et délicatesse, c'est sans aucun doute celui-ci. Lovecraft prit les devants dans une lettre à Sonia Greene, celle qui allait devenir sa femme, où il donne toute la mesure de sa parfaite éducation et lui fait part d'un certain nombre de remarques sur la biologie, la psychologie des couples et les transports intellectuels ineffables procurés par l'union de deux âmes sensibles et parfaitement compatibles. C'est malheureusement la seule lettre de Lovecraft que la dame de ses pensées n'ait pas brûlée...
 
HPL et son réseau tentaculaire de correspondants
 
C'est dans son courrier que Lovecraft a parfois noté, au réveil, les rêves et cauchemars qui sont à l'origine de plusieurs de ses nouvelles. Quelques exemples de ces lettres figurent dans ce recueil, où nous pouvons lire dans des versions plus ou moins élaborées Le témoignage de Randolph Carter ou La chose dans la clarté lunaire. Ses seuls véritables amis, comme il l'écrit dans une lettre de 1918, étaient aussi ses plus fidèles correspondants, et il leur livrait parfois la primeur de son travail. S'il ne connut la plupart d'entre eux que par courrier interposé, la relation qu'il fait de sa rencontre avec l'un d'eux, Alfred Galpin, est particulièrement émouvante. On y voit un jeune Lovecraft de trente-deux ans, excité comme un adolescent à l'idée de se livrer à tous les excès avec ses amis Alfredus et Loveman... Qu'on en juge un peu : le vieux gentleman ira même à cette occasion jusqu'à porter des cols de chemise mous et sortir sans chapeau ! Au-delà de l'anecdote, ce premier tome d'une série dont la suite ne devait jamais voir le jour nous en apprend énormément sur l'auteur, sur l'homme, et jette un regard très intéressant sur son œuvre, celle d'un vieil adolescent un peu timbré, rebelle à sa façon et coincé selon des critères plus modernes, mais malgré tout plutôt sympathique.

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