Arthur Qwak est surtout connu pour sa série parue chez Vents d’Ouest, Le Soleil des Loups, sur un scénario de Gilles Gonnort, dont le troisième et dernier tome a été publié il y a de cela dix ans. Depuis Mémoires d’un incapable (Vents d’Ouest), paru en 1998, nous étions sans nouvelles de lui dans le monde des bulles, plus exactement sans projet personnel. Le voilà qui revient en grande pompe dans la collection Un Monde de Casterman avec un album de science-fiction déroutant et loin d’être banal.
« Les Seigneurs m’expliquent que les humains sont des rebuts de cellules mononucléiques balbutiant dans leur arrogance. […] Les Seigneurs m’expliquent que Lola peut faire échouer leur plan : le programme d’extermination de la race humaine. »
Lola est pute de profession, c’est grâce à cela qu’elle se paye ses doses. Un soir qu’elle travaillait tranquillement, elle est enlevée par les extraterrestres qui découvrent par la même occasion les joies du sexe, faut toujours finir ce qu’on a commencé... D’abord examinée comme un rat de laboratoire, elle s’évade rapidement grâce à ses nouveaux potes aliens devenus des accros du sexe et découvre une drogue encore plus puissante que l’héro. Elle se shoote maintenant à la connaissance et au savoir. En un instant, elle sait piloter un vaisseau spatial dernier cri ou retrouver sa route dans l’univers. C’est en se faisant un trip avec une capsule volée qu’elle a vent par hasard du projet des Seigneurs, les plus puissants des extraterrestres, qui n’est autre que détruire la Terre. C’est pas qu’elle porte l’ensemble de l’humanité dans son cœur mais bon, quand même, il y a les copines. Elle parvient donc à retourner sur notre bonne vieille planète mais là les choses se compliquent, elle est accusée de meurtre et qui va bien pouvoir croire à son histoire ?
« Il fallait que je revienne… Pour les copines… Revenir et sauver le monde… Ca m’a pris comme une envie de pisser »
La bande dessinée est tout à la fois un hommage aux récits de SF les plus fous et une parodie des sagas héroïco-épiques de l’âge d’or du genre. Les fausses couvertures de numéros de Galaxie des années 60-70 qui étayent l’album gardent leur côté kitch tout en citant des grands auteurs de science-fiction tels que Vance, Leiber, Dick, Poul Anderson ou bien encore Robert F. Young. Si le scénario vaut son pesant d’or, ce n’est rien à côté des planches que Qwak compose avec brio. Cet album est bourré de pépites graphiques osées qui prouvent que son auteur est un virtuose du découpage. La composition suivant la narration est tour à tour éclatée, extrêmement carrée et réaliste (ah la scène d’ouverture avec les deux flics est d’anthologie) ou encore sous acides. L’album tout entier est un trip psychédélique parfaitement maîtrisé tout comme les couleurs d’ailleurs réalisées à l’ordinateur. La retranscription graphique hallucinante des délires en technicolor de l’héroïne totalement shootée et borderline est non seulement inventive, déjantée mais en plus franchement audacieuse. Objet tout aussi insolite que son héroïne, un véritable OBNI (Objet Bédétesque non Identifié), Lola Cordova vous éclatera la tête plus sûrement que les drogues, légales ou non.