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Lombres

Langue d'origine : Anglais UK
Aux éditions : 
Date de parution : 30/09/2009  -  jeunesse
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Lombres

China Mieville est connu, outre-Manche et dans le monde entier, pour son style, sa littérature alternative largement primée. On lui doit des ouvrages comme Perdido Street Station ou Les Scarifiés. Atypique, se réclamant différent, geek et lucide, il se refuse au conformisme, mais aime à déranger. Ainsi qu'à transmettre des messages dans son écriture.


 

Une même lutte pour deux villes

Zanna et Deeba, deux amies qui vont en cours ensemble, se retrouvent à la suite d'une série d'événements bizarres, à pénétrer dans un monde étrange, différent du Londres où elles habitent. Mais en même temps, si proche de ce qu'elles connaissent... Ici les parapluies se déplacent seuls, les maisons sont construites de matériaux de récupération, et une boite de lait vide peut faire un très bon animal de compagnie.

Les deux filles cherchent à ressortir de Lombres, cette ville- poubelle qui accueille tous les objets usés ou abandonnés de Londres. Mais c'est sans compter sur la Prophétie du Grimoire ! Zanna est la Schwazzy, celle qui va lutter contre le terrifiant Smog, dévoreur de fumée à l'appétit féroce. En tout cas, c'est ce que tout le monde dit et croit.

Mais les choses ne vont pas se passer comme prévu, même si, au final, le Smog doit bien être vaincu afin de sauver Lombres d'une destruction totale et Londres des vélléités de ses dirigeants. Dans une quête initiatique à travers des lieux tous plus étonnants les uns que les autres, la Paschwazzy va rencontrer toute une galerie de monstres impossibles, d'alliés peu rassurants et de personnages incompréhensibles.


 

Une histoire à plusieurs niveaux

Cet ouvrage s'adresse aux adolescents, nous reviendrons sur ce point plus tard, mais l'auteur n'en a pas pour autant abandonné ses idées, sa vision du monde et le besoin qu'il a de parler de ce qui lui semble important.

Lu rapidement, Lombres est un rappel de Lewis Caroll, un passage derrière le miroir, mais plus sombre, dans le style de Neverwhere (de Neil Gaiman). Il y a aussi du Voyage de Shihiro dans ce texte, un parcours chaotique, frisant souvent l'absurde et le démentiel. Des poubelles-ninjas aux fenêtres-araignées en passant par les girafes carnivores, tout peut surgir des ombres de la cité.

Mais c'est aussi un roman écologique, une fable sur notre propre comportement vis-à-vis des déchets, du gaspillage et de la pollution. Lombres est une ville de recyclage, qui donne une nouvelle vie à tout ce qui y arrive pour en faire des animaux, des hommes ou des maisons. L'ennemi est une émanation toxique, qui brûle et tue, déforme et pervertit, incarnation de la contamination de notre air, de notre eau et de notre environnement par notre laisser-aller. Une vision presque tragique de notre futur en ressort.

Mais ce qui est encore plus profond, c'est de regarder comment l'auteur fait lutter son héroïne contre ses opposants. Tout, dans ce texte fait référence à la littérature, aux mots. Depuis le couturier qui fait des habits avec des pages de livres jusqu'aux bibliothécaires de l'extrême et au Grimoire, les lettres, les mots, les phrases sont partout, prenant même vie dans certains cas. Comme si, pour Mieville, la lutte contre le noir futur qui nous est annoncé passait par la connaissance et son partage.


 

Mais une langue si pauvre...

Le propos est riche, profond et complexe. Il est donc d'autant plus étonnant de remarquer, dès les premières pages, une sécheresse de la langue, un dénuement qui frise la pauvreté de langage. Phrases courtes, dépouillées, sans style, le texte paraît plus s'adresser à de jeunes enfants qu'à des adolescents. Ce n'est pas en soi un défaut, mais cela entre en contradiction avec les niveaux d'interprétation du livre, avec les habitudes littéraires de l'auteur et la collection qui publie l'ouvrage.

Alors ? Est-ce dû à un travail de traduction a minima ou le texte original était-il déjà ainsi ? Le résultat est un désintérêt qui s'installe peu à peu chez le lecteur, conforté par la lenteur de l'action surtout sur la seconde partie, à partir du moment où la découverte de Lombres ne surprend plus et que le chemin de l'héroïne ronronne dans des rues qui ne font plus vraiment peur, parmi des découvertes qui semblent se répéter.


 

En fait, il se peut qu'à vouloir trop en faire, glisser trop de messages et attaquer de trop nombreuses couches de lecture, l'auteur se soit perdu en chemin. Mais, pour le lecteur qui s'accroche et refuse de se laisser lasser par la langue ennuyeuse, répétitive et infantilisante, il y a dans cet ouvrage beaucoup à penser, à réfléchir et à comprendre. Juste un peu trop masqué par les mots, ce qui est dommage pour un livre dont ils sont l'un des sujets principaux.

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