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Lothar blues

Langue d'origine : Français
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 31/03/2008  -  livre
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Lothar blues

Né en 1929, deux mois après le Jeudi Noir, Philippe Curval a 38 ans en mai 1968. Journaliste et auteur de science-fiction, c'est du côté de ceux qui pensent l'avenir qu'il vit cette révolution politique, sociale et culturelle qui influencera profondément son œuvre, reconnue comme essentielle à la SF française et traduite dans plusieurs langues.
Encore aujourd'hui, âgé de 78 ans, Curval poursuit sa réflexion sur l'humanité et ses expérimentations littéraires.
Lothar Blues, dont il signe à la fois le texte et l'illustration de couverture, est son dernier roman publié chez Robert Laffont dans la prestigieuse collection Ailleurs et Demain.

Une histoire de robots et de famille

Fin du XXIème siècle, Noura M'Salem est un artiste hors-pair. Il crée les meilleurs envirtuels, œuvres électroniques interactives. À peine vient-il, contraint et forcé, de récupérer Lothar, que le robot tombe en panne. Noura, lié affectivement au simili qui l'a éduqué, entreprend de le faire réparer et se retrouve confronté, d'une part au monde réel dont il s'est jusque là désintéressé, d'autre part aux énigmes de son passé. Pourquoi son père narcopsychiatre s'est-il désactivé en 2047 ? Sur quoi travaillait-il réellement avant de disparaître ? Pourquoi sa mère s'est-elle désincarnée pour s'isoler dans un monastuel ? Où son esprit se trouve-t-il enfermé ? Pouquoi tant de gens semblent-ils s'intéresser à sa famille ? Pouquoi des robots demandent-ils leur émancipation ?

Un faisceau dense de réflexions

Sur les traces de Noura, qui semble sortir de chez lui pour la première fois, et celles de Lothar qui se découvre une marge d'autonomie, le lecteur de Lothar blues parcourt un univers-laboratoire dans lequel l'auteur explore des futurs hypothétiques de l'Europe, de l'art, des relations sociales, du travail, des machines, de l'éducation, de la psychanalyse, de l'humanité, etc.

Que deviennent les États sous la coupe souveraine de Bruxbourg ? Jusqu'où l'Europe peut-elle s'élargir ? Quel avenir pour une pratique artistique affranchie des supports matériels ? Comment imaginer une société où « la communication a remplacé la relation » ? Les robots sont-ils une solution aux problèmes liés au travail et à l'éducation ? S'ils développent une conscience de soi et une forme d'inconscient, ne sont-ils pas des individus à part entière ? Voici quelques-unes des questions que se pose Curval dans ce roman.

Futur et nostalgie

Malgré un récit clairement situé dans le futur de l'Europe, malgré un effort visible pour délaisser les schémas du passé et imaginer un nouvel ordre social, Lothar Blues résonne comme une chanson teintée de nostalgie. On y retrouve en filigrane, un parfum de mai 68 avec ses revendications venues des mondes ouvrier, intellectuel et artistique, sa crise sociale, familiale et économique et ses manifestations plus ou moins pacifistes.
Même les parents de Noura, couple d'amoureux instruits et fusionnels, jouisseurs à la fois peu préoccupés de leur enfant et soucieux de son devenir, semblent tout droit tirés de cette période.
Les robots, bien que très évolués, sont soumis à des lois qui rendent hommage à celles d'Asimov.

Dans ce contexte futuriste, les valeurs qui triomphent sont celles du temps passé : les liens familiaux, les amitiés d'enfance et de jeunesse, qui ne semblent pas avoir souffert de la définition renouvelée des liens sociaux.
Enfin, Noura, au terme de sa maturation personnelle, n'accède à l'harmonie qu'en acceptant une jouissance amoureuse, culinaire et olfactive à l'ancienne.

Entre essai déguisé et explosion délirante

Lothar blues apparaît d'abord comme un cube fermé dans lequel il s'agit de pénétrer. Les divers questionnements qui traversent le roman sont lisibles et accessibles, mais ils ne s'articulent à l'histoire de Noura qu'en l'écrasant quelquefois. Le style de l'auteur est assez agréable mais le récit n'a souvent qu'une fonction d'alibi et les dialogues, prétextes à l'énonciation de discours, semblent peu naturels. Il faut donc pouvoir surmonter cette première impression, s'y habituer, avant de constater que, finalement, Lothar blues peut captiver.

Pour autant, le lecteur restera prudent et gardera sa ceinture attachée parce qu'en approchant de sa fin, le roman ayant livré toutes ses réflexions métaphysiques, éclate dans un délire grisant. Se révèlent les faux semblants, des robots apparaissent où l'on croyait trouver des hommes, la magie, la télépathie, l'amour, et des révélations venues du passé, viennent tout bouleverser, jusqu'aux théories sur l'origine de l'homme.

En définitive, on ressort de cette lecture globalement plaisante, tête pleine et étourdie, comme d'une somme un peu dense des thèmes classiques de la SF, une expérience d'anticipation à conseiller avant tout à l'amateur de SF averti.

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