Kookaburra Universe a pour but de retracer l’enfance des héros de la série mère Kookaburra, dont le quatrième tome qui s’est fait longtemps attendre devrait enfin paraître en août. Pour patienter, il nous reste donc cette série parallèle qui n’a rien à envier à sa grande sœur. Dans le premier tome, Le Secret du Sniper, nous avions suivi l’histoire de Dragan. Crisse s’était cantonné au scénario et avait confié les dessins à Mitric. Les deuxième et troisième tomes dévoilent l’origine de Taman Kha, la guerrière télépathe. Cette fois, ce sont Ange et Paty qui sont aux commandes. Le couple Anne et Gérard Guero se cache sous le pseudonyme d’Ange lorsqu’ils scénarisent des bandes dessinées, sous celui de G.E.Ranne lorsqu’ils développent des scénarios de jeux de rôles et G. Elton Ranne lorsqu’ils écrivent des polars S-F à quatre mains. Auteurs notamment de Paradis Perdu (Soleil) et de La Geste des Chevaliers-Dragons (Soleil), séries sur lesquelles notre chroniqueur Laurent Deneuve ne tarit pas d’éloges, ils ont rencontré Christian Paty sur la série La Cicatrice du Souvenir (Soleil) qui vient de s’achever avec le troisième tome : Le Livre d’Erkor.
Les deux chemins sont appelés à se rejoindre…
Dans le tome précédent, la planète Lilith subissait une attaque extrêmement meurtrière de la flotte dakoïde. Le frère jumeau de Taman Kha responsable de ce désastre parvient à s’enfuir alors qu’elle-même est laissée pour morte. Les filles de Lilith se remettent du raid des Dakoïdes qui a causé la mort d’un million d’entre elles et détruit une partie de leurs infrastructures. Taman Kha après s’être remise de sa blessure à la tête intègre les commandos d’élite de l’unité Phœnix. Durant l’enquête qui cherche à déterminer comment les Dakoïdes ont pu briser les lignes de défense de Lilith, elle tait volontairement la présence de son frère jumeau, Mano. Elle veut le retrouver et le tuer de ses propres mains. Dans le même temps, Mano se venge de son ancienne condition et des femmes en montant un trafic d’esclaves. Il recrée un camp à l’image des fermes d’hommes de Lilith. Son commerce est florissant mais son désir de vengeance n’est pas encore assouvi.
Du scénario à la narration graphique, un excellent space opera
Quel lourd fardeau pour Ange que de narrer les origines de Taman Kha, une des principales protagonistes de Kookabura. Prendre la relève de Crisse n’est pas chose aisée et pourtant ils s’en sortent une nouvelle fois avec les honneurs. Ce troisième tome qui clôt l’histoire de Taman Kha est tout simplement très bon, sur la forme autant que sur le fond. Ange et Paty se sont totalement appropriés l’univers de Crisse, ils en ont respecté les règles tout en y ajoutant leur inventivité et leur propre patte. Au niveau du scénario, Ange a su créer un passé à la hauteur de l’héroïne si secrète de Kookaburra. Sa gémellité est le pilier du récit et lui confère une certaine originalité. Il creuse le personnage de Taman, ses aspirations, ses tendresses ou sa dureté, ses angoisses et ses actes qui la transforment. Non content d’avoir étoffé le personnage, il approfondit l’univers qu’avait créé Crisse, montre les faiblesses d’une société basée uniquement sur le matriarcat, ses limites et sa violence.
La narration graphique de Paty rend plus perceptible encore la proximité et la dureté des univers masculins et féminins, seule change la forme, le fond est identique. Ainsi les planches 22 à 26 qui sont au cœur du récit, mettent-elles en parallèle les vies et les sociétés de Taman et de Mano. Le monde raffiné des Amazones de Lilith est tout aussi cruel que celui, barbare, du camp d’esclaves de Mano. Par un jeu de miroir et de dialogues identiques, les auteurs en font un des propos majeurs de ce tome. A cet instant, il faut souligner le travail graphique de Paty qui s’est affranchi du style de La Cicatrice du Souvenir pour coller au mieux à l’univers de Crisse, et il témoigne depuis d’une certaine maturité dans la composition de ses cases qu’il ne possédait pas avant. Ce cycle sur Taman Kha est sans conteste un des meilleurs space opera du moment en bande dessinée. Espérons maintenant que nos trois auteurs ne s’arrêteront pas là et qu’il nous feront découvrir l’histoire d’un autre personnage de Kookaburra, pourquoi pas celle de Skullface ?
Utopiales 2024