Tout à la fois conducteur et passager dans la grande aventure de la littérature de SF en France, Gérard Klein a publié des romans sous le nom-masque de Gilles d'Argyre à une époque où le pseudonyme se portait aisément. Il dirige la collection science-fiction du Livre de poche ainsi que la collection Ailleurs et Demain des Éditions Robert Laffont, dans laquelle paraît le présent recueil de nouvelles : Mémoire vive, mémoire morte.
L'ensemble des textes regroupés dans ce volume paraît, de prime abord, très hétérogène. De tailles diverses, de thèmes et de tons variés, ils finissent cependant par dessiner les contours d'un même territoire. Ces vingt textes, initialement parus entre 1958 et 2007, se nourrissent de préoccupations proches, probablement celles de l'auteur. Ils se complètent en tissant la toile d'un imaginaire terriblement vaste, un peu désespéré, parfois.
Des histoires de voyages
Comme souvent dans les récits de science-fiction, tout commence, ou se termine par un voyage. Voyages imaginaires vers les merveilles ou les horreurs du futur, presque toujours, mais des voyages réels, physiques aussi ; celui de ces hommes qui partent au loin, laissant derrière eux une terre entretenue par des robots (les servants), et un témoignage vivant, un seul, celui qui joue Le Rôle de l'homme. Autre voyage, autre sacrifice que celui de ce télépathe, las d'entendre nuit et jour les pensées les plus futiles de ses semblables et qui accepte de partir s'installer sur Mars, avide de comparer enfin, Bruit et Silence. Si le chemin est long et beau, à son bout, le vide, l'absurde ou un savoir mortel peuvent seuls accueillir l'explorateur.
Mais il arrive que les voyages aboutissent sur notre Terre : que peut faire ce voyageur finalement revenu des étoiles et qui, en orbite autour de la planète bleue, n'y capte pas la moindre onde d'espoir ? Lorsque ce sont des étrangers, des « autres », qui abordent, approchant nos vies et nos villes, le problème s'avère encore plus ardu.
De la difficulté de rencontrer
L'arrivée dans l'atmosphère terrestre de créatures inconnues prend ici des formes originales, loin du petit homme vert ou du petit gris. La confrontation de l'autre est l'occasion pour les héros de mieux comprendre leur solitude, leur difficulté d'être avec leurs semblables.
« Jamais, nulle part, deux flammes ne se mêlaient. » constate Clara, déplorant l'impossibilité d'une vraie rencontre, le jour même où elle croise la route d'un être de cristal échoué près de sa ville.
Vincent, lui, ne rêve que des étoiles. Il se sent étranger, où qu'il soit et se porte volontaire pour aller dans la boule de feu tombée du ciel qui menace de brûler la ville et la Terre avec elle.
Dans Le Monstre, la rencontre véritable s'avère possible, mais à un prix que refuserait de payer le plus grand nombre.
À chaque carrefour, ce qui paraît inéluctable, c'est le malentendu.
Ce que vient confirmer Civilisation 2190, qui raconte la rencontre des hommes du XXIIe siècle avec des témoignages de leur passé.
Le malentendu ou la compétition : La dernière Idylle en donne un exemple amusant. Moins drôle est l'histoire de Léonard Fluck, écrivain, qui croise son double amélioré, venu d'un monde parallèle. Il s'en réjouit, avant de constater qu'un jeu les oppose. Comment gagner ?
Un recueil sur l'écriture
Si tous les héros de ces nouvelles ne sont pas écrivains, on en retrouve quelques-uns : Léonard, Vincent, Gérard (qui fait partie des maîtres du monde dans Pour en finir avec l'an 2000), le narrateur des Trois Belles de Bréhat. Ce dernier exprime de façon claire la difficulté d'écrire, d'attraper l'instant, la beauté. « Trucs d'écrivain incapable de dire la vérité du monde » se lamente-t-il, jugeant sévèrement ses métaphores. Mais il n'est pas le seul à souffrir de l'insuffisance du mot. Mémoire vive, mémoire morte qui donne son titre à ce recueil raconte aussi, à sa façon la quête sans fin de l'écrivain. « Il n'y a pas de mot juste », pas de mot efficace. « Vous trouvez qu'on peut fixer quelque chose, représenter quelque chose avec des mots ? »
Même constat dans L'écume du soleil. Vincent n'écrit plus. La poésie n'est pour lui que l'écriture du sens de ce qui n'en a pas, l'invention d'un destin pour une humanité qui n'en a pas, qui ne s'en trouve pas. Alors il attend tout d'ailleurs, de demain, d'un endroit qui se trouve au-delà des étoiles.
Ce recueil, fort, qu'on lira idéalement en prenant son temps, parle d'une SF qui rêve de science et d'une vision de l'humanité pleine d'espoir : les nouvelles les plus sombres laissent passer un rayon de soleil. Mémoire vive, mémoire morte est aussi un plaidoyer pour la reconnaissance de la nouvelle, et de la forme courte en général : écrire des nouvelles, ce n'est pas faire moins, mais faire autrement.
C'est enfin une preuve que le statut de « pilier de la SF française » n'est pas tout à fait usurpé par Gérard Klein.
L'ensemble des textes regroupés dans ce volume paraît, de prime abord, très hétérogène. De tailles diverses, de thèmes et de tons variés, ils finissent cependant par dessiner les contours d'un même territoire. Ces vingt textes, initialement parus entre 1958 et 2007, se nourrissent de préoccupations proches, probablement celles de l'auteur. Ils se complètent en tissant la toile d'un imaginaire terriblement vaste, un peu désespéré, parfois.
Des histoires de voyages
Comme souvent dans les récits de science-fiction, tout commence, ou se termine par un voyage. Voyages imaginaires vers les merveilles ou les horreurs du futur, presque toujours, mais des voyages réels, physiques aussi ; celui de ces hommes qui partent au loin, laissant derrière eux une terre entretenue par des robots (les servants), et un témoignage vivant, un seul, celui qui joue Le Rôle de l'homme. Autre voyage, autre sacrifice que celui de ce télépathe, las d'entendre nuit et jour les pensées les plus futiles de ses semblables et qui accepte de partir s'installer sur Mars, avide de comparer enfin, Bruit et Silence. Si le chemin est long et beau, à son bout, le vide, l'absurde ou un savoir mortel peuvent seuls accueillir l'explorateur.
Mais il arrive que les voyages aboutissent sur notre Terre : que peut faire ce voyageur finalement revenu des étoiles et qui, en orbite autour de la planète bleue, n'y capte pas la moindre onde d'espoir ? Lorsque ce sont des étrangers, des « autres », qui abordent, approchant nos vies et nos villes, le problème s'avère encore plus ardu.
De la difficulté de rencontrer
L'arrivée dans l'atmosphère terrestre de créatures inconnues prend ici des formes originales, loin du petit homme vert ou du petit gris. La confrontation de l'autre est l'occasion pour les héros de mieux comprendre leur solitude, leur difficulté d'être avec leurs semblables.
« Jamais, nulle part, deux flammes ne se mêlaient. » constate Clara, déplorant l'impossibilité d'une vraie rencontre, le jour même où elle croise la route d'un être de cristal échoué près de sa ville.
Vincent, lui, ne rêve que des étoiles. Il se sent étranger, où qu'il soit et se porte volontaire pour aller dans la boule de feu tombée du ciel qui menace de brûler la ville et la Terre avec elle.
Dans Le Monstre, la rencontre véritable s'avère possible, mais à un prix que refuserait de payer le plus grand nombre.
À chaque carrefour, ce qui paraît inéluctable, c'est le malentendu.
Ce que vient confirmer Civilisation 2190, qui raconte la rencontre des hommes du XXIIe siècle avec des témoignages de leur passé.
Le malentendu ou la compétition : La dernière Idylle en donne un exemple amusant. Moins drôle est l'histoire de Léonard Fluck, écrivain, qui croise son double amélioré, venu d'un monde parallèle. Il s'en réjouit, avant de constater qu'un jeu les oppose. Comment gagner ?
Un recueil sur l'écriture
Si tous les héros de ces nouvelles ne sont pas écrivains, on en retrouve quelques-uns : Léonard, Vincent, Gérard (qui fait partie des maîtres du monde dans Pour en finir avec l'an 2000), le narrateur des Trois Belles de Bréhat. Ce dernier exprime de façon claire la difficulté d'écrire, d'attraper l'instant, la beauté. « Trucs d'écrivain incapable de dire la vérité du monde » se lamente-t-il, jugeant sévèrement ses métaphores. Mais il n'est pas le seul à souffrir de l'insuffisance du mot. Mémoire vive, mémoire morte qui donne son titre à ce recueil raconte aussi, à sa façon la quête sans fin de l'écrivain. « Il n'y a pas de mot juste », pas de mot efficace. « Vous trouvez qu'on peut fixer quelque chose, représenter quelque chose avec des mots ? »
Même constat dans L'écume du soleil. Vincent n'écrit plus. La poésie n'est pour lui que l'écriture du sens de ce qui n'en a pas, l'invention d'un destin pour une humanité qui n'en a pas, qui ne s'en trouve pas. Alors il attend tout d'ailleurs, de demain, d'un endroit qui se trouve au-delà des étoiles.
Ce recueil, fort, qu'on lira idéalement en prenant son temps, parle d'une SF qui rêve de science et d'une vision de l'humanité pleine d'espoir : les nouvelles les plus sombres laissent passer un rayon de soleil. Mémoire vive, mémoire morte est aussi un plaidoyer pour la reconnaissance de la nouvelle, et de la forme courte en général : écrire des nouvelles, ce n'est pas faire moins, mais faire autrement.
C'est enfin une preuve que le statut de « pilier de la SF française » n'est pas tout à fait usurpé par Gérard Klein.