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Montès - Les secrets d'écriture d'Isabelle Bauthian
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Montès - Les secrets d'écriture d'Isabelle Bauthian

A l'occasion de la sortie de Montès, 3ème volet des Rhèteurs, Isabelle Bauthian revient sur la création de ce nouvel ouvrage paru aux éditions Actusf.

Actusf : Montès est le 3ème volet de votre pentalogie sur l’univers des Rhéteurs, dont le premier volet Anasterry est sorti en 2016, et le deuxième Grish-Mère en 2018. Est-ce que sur un projet aussi long vous avez déjà tout planifié ?

Isabelle Bauthian : Je sais où je vais depuis le début, et j’ai mes grandes étapes, mais je m’autorise pas mal d’improvisation entre chaque. J’ai un grand respect pour les auteurs capables de prévoir dans les moindres détails (et je m’épargnerais de longues heures de retouches si je suivais leur exemple) mais je fais partie de ceux qui non seulement sont infichus de suivre un plan mais s’ennuient en écrivant s’ils connaissent déjà toute l’histoire.

Actusf : Pouvez-nous dire quelques mots sur l’intrigue de Montès ?

Isabelle Bauthian : La guerre qui menaçait Civilisation après plusieurs décennies de paix a enfin éclaté, et Montès, la baronnie-frontière, est, comme toujours, aux premières loges pour repousser les invasions des mi-hommes. Manque de chance, le baron est décédé et son héritier n’est, pour le dire diplomatiquement, pas à la hauteur de la tâche (moins diplomatiquement : c’est un profond sociopathe.) Face au risque d’annihilation auquel se couple celui d’une épidémie, et ses alliés historiques prêts à la lâcher, Montès la martiale se voit contrainte de faire appel à des solutions moins chevaleresques qu’à son habitude : ils mandatent officieusement Oditta d’Anoss, leur naïve ministre des Frivolités, et Thélban Acremont, le chef de guilde retors que l’on a découvert dans Anasterry et Grish-Mère, pour négocier avec l’ennemi. S’ensuit un récit de guerre en marge des batailles, durant lequel les belles valeurs théoriques d’Oditta vont être mises à l’épreuve de la réalité.

Actusf : Les romans de cette pentalogie ne sont pas à proprement parler des suites les uns des autres, ils sont assez indépendants, même s’ils se croisent parfois. Comment est-ce que vous avez eu l’idée de construire cette saga de cette façon et pourquoi ?

Isabelle Bauthian : J’ai imaginé cette série il y a près de quinze ans, à une époque où j’étais une grande fana de sagas de fantasy. Lorsqu’Anasterry a été publié, d’abord à compte d’auteur puis chez ActuSF, je ne savais pas quel temps je pourrais consacrer à la suite, et je voulais que les lecteurs n’aient pas à attendre jusqu’à plusieurs années entre chaque volume, lâchés en plein cliffhanger. J’aurais pu me contenter d’une longue histoire avec des intrigues intermédiaires mais je trouvais plus intéressant de profiter de l’aspect fédéral de mon monde, avec ces cinq états très différents, pour aborder des thématiques variées avec chaque fois un nouveau héros et de nouveaux enjeux. Ce n’est pas toujours simple à écrire : je tiens à ce que chaque tome puisse être lu seul, et l’ensemble dans n’importe quel ordre, mais en ayant une continuité pour les lecteurs qui les liraient tous… et sans que ceux qui n’en liraient qu’un ne s’aperçoivent que quelques éléments font partie d’une intrigue plus générale (vous suivez ?) Ça a été particulièrement complexe sur Grish-Mère, car le héros n'est pas membre du « petit cercle professionnel, familial et amical » auquel appartiennent les autres. Mais c’est très intéressant d’imaginer des moyens de s’en sortir en évitant à la fois les détails inutiles et les redites.

Actusf : D’où vient le nom Les Rhéteurs ?

Isabelle Bauthian : Du fait que les héros causent beaucoup !
En fait, toute la saga est axée sur cette transition entre une époque guerrière et l’ère des intellectuels, des scientifiques et des réformateurs que trente années de paix ont permis de générer.

Actusf : Est-ce que vous pouvez nous expliquer un peu ce que c’est que la fantasy introspective dont vous qualifiez vos romans ?

Isabelle Bauthian : À la base, c’est une boutade. J’aime dire que j’apprécie la fantasy introspective et la littérature générale efficace, alors que le monde éditorial français préfère le contraire. Mais en y réfléchissant, c’est un qualificatif qui convient bien à mon écriture. J’adore mêler l’action et une immersion très forte dans l’esprit de mes personnages. Je trouve que c’est une bonne façon de faire dans une littérature de l’imaginaire qui a des prétentions sociopolitiques. Je pousse parfois ça assez loin, mais je n’ai pas la maternité de la chose.

Actusf : Chaque roman prend place dans une baronnie différente, avec un « régime politique » différent. De quoi vous inspirez-vous pour les créer ?

Isabelle Bauthian : Pas mal de l'Histoire européenne, avec Anasterry en plein siècle des Lumières, Landor encore féodale, la martialité de Montès très inspirée de l'Antiquité gréco-romaine… Après, il faut donner de la cohérence et une unité à tout ça, justifier ces différences marquées dans un si petit pays. Je ne suis pas une grande créatrice de mondes et ça me surprend toujours quand on me complimente à ce sujet. Honnêtement, je choisis beaucoup mes univers en fonction de ce que je souhaite raconter.

Actusf : Est-ce qu’on va retrouver Renaldo, Sylve, et Oditta l’héroïne de Montès plus tard ?

Isabelle Bauthian : Oui, mais je n’en dirai pas plus (rires).

Actusf : Le prochain tome se passera où ? Avec quel personnage ou quel angle l’avez-vous prévu ?

Isabelle Bauthian : Il se passera à Landor, avec un protagoniste dont je dirai juste à ce stade que ce sera une femme. Ce sera un tome pivot pour les personnes qui les liraient tous, mais aussi un axe de traitement très différent puisqu’on sera presque dans un univers de Whodunit.

Actusf : Vous êtes autrice de romans, mais aussi scénariste de bd, Vous avez un lien avec l’audiovisuel, puisque vous avez joué et scénarisé des courts métrages. Enfin, vous avez également fait du journalisme. Est-ce que tout ça se traduit dans votre écriture ? Est-ce que cela l’influence dans la forme, le fond, l’enjeu ?

Isabelle Bauthian : Je pense être avant tout romancière. Même si j’ai débuté comme scénariste, il m’a fallu du temps pour me débarrasser d’habitudes très « romanesques », accepter de faire passer beaucoup d’informations par l’image, alléger mes dialogues, jouer avec les contraintes de format qui sont bien plus nombreuses en BD, notamment, qu’en roman.
Ceci étant dit, j’adore avoir plusieurs casquettes. Ça me permet d’aborder plus de thématiques, de manières plus variées. Jamais je n’aurais eu l’idée de faire Les Rhéteurs en BD. Ces livres reposent trop sur l’introspection, les digressions, le sous-texte… j’ai besoin de place, de liberté. À l’opposé, j’ai écrit Versipelle, un conte horrifique sur le mélange d’intellectualité et d’animalité chez l’humain, en jouant beaucoup sur les allégories visuelles, notamment les paysages qui évoluent avec les saisons. C’était bien plus intéressant en BD, surtout que la dessinatrice, Anne-Catherine Ott, a un talent particulier pour mettre en scène les animaux.
Sur le fond, par contre, le média ne change rien : j'aborde mes récits de la même façon, en « vivant » avec mes personnages et mes thématiques pendant des semaines, des mois, voire des années avant d’écrire. C’est comme ça qu’émergent mes scènes-clefs et que je parviens à écrire de manière rapide, avec un sentiment d’improvisation, alors que la préparation a été très longue.

Actusf : Avez-vous d’autres projets en cours ou à venir ?

Isabelle Bauthian : Mon dernier album, L’Esprit Critique, avec Gally au dessin, est sorti il y a quelques semaines aux éditions Delcourt. C’est une bande dessinée humoristique et didactique qui parle d’esprit critique (donc), de méthode scientifique, mais surtout de comment discuter de bonne foi, en faisant la distinction entre son ressenti et la réalité, sans pour autant s’interdire la subjectivité et l’engagement. Pour l’instant, on a des retours assez impressionnants, je suis ravie.
En fantasy, le second volume de Dragon & Poisons, mon diptyque d’aventure plus légère, avec Rebecca Morse, sortira le 28 avril chez Drakoo, et nous embrayons en ce moment sur une autre série. Et, bien sûr, j’avance Landor, le tome 4 des Rhéteurs !

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