C’est un peu court, jeune Homme…
Augustin Petit n'a pas eu beaucoup de chance dans la vie, petit dernier d'une fratrie normande, il a tué sa mère en naissant et est un nabot au sens strict du terme. Lorsque la France entre en guerre en 1914, il est le seul à être envoyé au Front, il connaîtra la boue, les moqueries et les affres de la défaite en 1918. Gueule cassée mais fort en gueule, notre petit coq va se rebeller contre tout et tous, et entamer une longue marche qui le mènera à la charge suprême afin de pouvoir débarrasser notre beau pays du véritable problème... Les Grands, ceux qui dépassent 1m70, qui sont blonds, qui ont droit à tous les honneurs, qui prennent toute la place et bouffent tout... Ah ! Que le monde serait mieux sans eux !
Signe particulier : PETIT
Ce diptyque, dont la suite paraîtra début 2016, fait de sa principale faiblesse sa plus grande force : inutile de préciser de qui l'auteur s'est inspiré pour créer son mini-Guide, pour qui connaît la vie d'Adolf Hitler, la transposition est parfaite dans les moindres détails (pour les autres nous vous renvoyons au roman La part de l'autre d'Éric-Emmanuel Schmidt), c'est ce qui fait à la fois son charme pour un lecteur néophyte, et sa faiblesse pour un amateur exigeant en matière d'uchronie.
Pourtant, celui-ci aurait tort de bouder son plaisir : la richesse de la langue employée et la mise en scène d'une France à la fois Fasciste et Nazie permet à l'auteur de nous régaler avec bon nombre de situations hautement ridicules, mais qui font néanmoins réfléchir.
Derrière l’ironie glaçante, une critique des extrêmes
L'humour grinçant, le personnage principal auquel on s'attache pour finalement mieux le détester, et bon nombre de scènes vous feront rire jaune, et au final, en refermant ce roman vous vous direz que vous avez passé un moment agréable, certes court, mais agréable... tout au long de ma lecture, je me suis répété inconsciemment que ce livre serait parfait pour expliquer à des enfants toute l'horreur du totalitarisme, du fait que ce n'était pas des gens qui naissaient méchants, mais qui le devenaient par la force des circonstances, en blâmant les autres, en estimant que le monde entier leur en voulait, puis en finissant par trouver un bouc émissaire à leur colère... L’auteur réussit à faire des passages terribles, où il montre qu'il faut peu de mots pour enflammer une foule, et leur permettre de repartir tranquillement chez eux, non pas avec du poison dans les veines, mais plutôt avec des pensées haineuses qui résonnent à leurs oreilles comme la plus douce des musiques, à rendre également le côté absurde des lois et des dénigrements à l'encontre des boucs-émissaires trouvés montre la logique terrifiante et horrible des dictatures.Le pire est que nous savons comment tout cela va se terminer, mais pouvoir se dire que la bête est là, en chacun de nous, prête à surgir si des circonstances favorables s'y prêtent... Voilà la réussite de ce livre.
Le diptyque de la Petite France participe au Prix ActuSF de l’Uchronie 2016, dans la catégorie Prix Littéraire
https://www.lepeupledemu.fr/…/mort-aux-grands-pierre-leaute/