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Morts - Les secrets d'écriture de Philippe Tessier
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Morts - Les secrets d'écriture de Philippe Tessier

A l'occasion de la parution le 19 avril dernier, de Morts, aux éditions Léha, Philippe Tessier revient sur l'écriture de ce roman.

Actusf : Morts est paru il y a peu aux éditions Léha. Quelle a été l’idée à l’origine de ce roman ?

"Et puis j’ai griffonné « Alors qu’il venait de mourir, Simon (le héros s’appelait ainsi au début) se réveilla ». Et pouf, c’était parti."

Philippe Tessier : L’idée de ce roman m’est venue alors que je participais à un festival littéraire durant lequel je n’avais pas vu grand monde… quasiment personne en fait et je m’ennuyais comme un rat mort. J’étais à ce festival avec un ami (Jacques Martel, l’auteur, entre autres, de La Voie Verne, pour ne pas le nommer) et il avait lu un de mes précédents livres, le tome deux de Sélénie des Terres Mortes, Le Voleur d’histoires. Dans ce roman, j’avais présenté un groupe de héros assez particuliers, les Dragons noirs de Vélastie, de joyeux lurons ayant la particularité d’être des squelettes qui, après une vie passée à servir un tyran, ont décidé de revenir d’entre les morts pour sauver la veuve et l’orphelin. Jacques avait particulièrement apprécié ces morts-vivants un peu loufoques et m’avait dit que j’avais un certain don pour les squelettes.
Aussi, pendant ce festival durant lequel je n’avais pas grand-chose d’autre à faire que de réfléchir, je me suis dit que ça pourrait être intéressant d’écrire un livre avec des cadavres. Et puis j’ai griffonné « Alors qu’il venait de mourir, Simon (le héros s’appelait ainsi au début) se réveilla ». Et pouf, c’était parti.

Actusf : Pouvez-vous nous dire quelques mots sur son intrigue ?

Philippe Tessier : Difficile d’en dire beaucoup sans trop dévoiler les « surprises » du roman. J’avais réalisé une courte présentation pour le dossier de presse (qui a en partie servi pour la 4e de couverture) et, à mon sens, ça résume bien l’esprit du livre sans trop en dire. Ce que je peux ajouter, par contre, c’est que c’est un roman que j’ai voulu assez court pour qu’il reste dynamique du début à la fin. Une sorte d’apéritif littéraire avec beaucoup d’humour, même si j’y aborde des sujets pas toujours réjouissants.
« Comme le dit fort justement Jean de LF « Rien ne sert de vivre, il faut mourir à point ! »
Et c’est d’ailleurs alors qu’il venait de mourir, que Joseph se réveilla…
Imaginez son étonnement en reprenant conscience six pieds sous terre entre quatre planches. C’est le début d’une aventure improbable où il est question de trépas, d’ossements et de poussière… beaucoup de poussière. Joseph est confronté à des questions existentielles dont la plus ardue est certainement de savoir s’il est vivant ou mort. A moins qu’il ne soit une sorte de chat de Schrödinger, pas de son point de vue bien entendu, mais de celui d’une divinité au sens de l’humour particulièrement tordu.
Joseph va découvrir, entre autres, pourquoi il ne faut jamais évoquer la bataille de Bull’s Run avant une cérémonie officielle, que, oui, la Pravda faisait aussi des erreurs, que la mort n’est plus véritablement ce qu’elle était, que notre cerveau peut être notre pire ennemi et que la vie devient très, très compliquée pour qui sonne le Glas !
Et que dire des singuliers personnages qu’il va rencontrer ? Sont-ils aussi trépassés que lui ou le fruit d’un délire psychédélique ? D’une pitoyable expérience de mort imminente ? Ou tout simplement d’une indigestion de champignon ?
La fréquentation de cette galerie d’individus aussi célèbres que décédés, aux opinions très tranchées sur notre société, va amener Joseph à se poser une question fondamentale : mais où diable est passée la Vie ? »

Actusf : Votre héros, Joseph, a un destin plutôt improbable. Pouvez-vous nous parler de lui ? Comment l’avez-vous créé ?

"Il me fallait un individu à peu près normal, un candide, un témoin des événements qui puisse nourrir l’histoire de ses réflexions. Je ne voulais pas un vivant et j’ai alors pensé à l’embaumement Baumont !"

Philippe Tessier : Très improbable même. Quand j’ai rédigé les premières lignes de mon récit, je me suis rendu compte que je ne parvenais pas à faire ce que je voulais avec uniquement des tas d’os. Il me fallait un individu à peu près normal, un candide, un témoin des événements qui puisse nourrir l’histoire de ses réflexions. Je ne voulais pas un vivant et j’ai alors pensé à l’embaumement Baumont ! A partir de là, tout le récit découle de ce qu’il va découvrir alors que le pauvre malheureux est totalement paumé et ne comprend absolument pas ce qui se passe autour de lui. C’est principalement sur ce personnage que je me base pour les réflexions sur notre société abordées dans le livre.

Actusf : Avez-vous dû faire beaucoup de recherches pour créer votre univers ? Comment avez-vous travaillé ?

Philippe Tessier : Pour créer mon univers… aucune recherche ! (rires) Je ne pense pas qu’il soit possible de faire un monde plus dépouillé ! Ce qui m’a demandé un peu de temps, en revanche, c’est de faire le tri parmi tous les personnages que je voulais évoquer. Pour certains, comme Charles, Karl ou Winston, ça a été assez rapide car ils m’inspiraient particulièrement. Mais pour d’autres, j’ai dû faire des choix… et c’est ainsi que Ahmed Chah M., Charles A., Peter C. et Christopher L. et bien d’autres ne sont pas parvenus à s’immiscer dans ce récit. Il est probable qu’ils y parviendront dans une éventuelle suite. Ensuite, pour certains personnages, j’ai compilé des pages de citations pour pouvoir puiser dedans à loisir en fonction de mes besoins.
Je me suis aussi procuré plusieurs planches très détaillées sur le squelette humain ! (rires)

Actusf : Avez-vous eu des sources d’inspirations en particulier ? Littéraires, cinématographiques ?

Philippe Tessier : Des tonnes ! Comme je pouvais me permettre à peu près n’importe quoi avec mon récit, j’en ai profité pour glisser des références à des livres, des musiques, des personnages, des films, des séries, des jeux, etc. Comme pour les personnages, je n’ai pas pu tout caser mais je me suis fait plaisir ! Les références sont plus ou moins évidentes mais il y en a une qui est bien évidemment omniprésente, c’est celle à Terry Pratchett. Même si ce n’est pas la seule chose dont je me suis inspiré, il est difficile aujourd’hui d’avoir la Mort comme personnage sans immédiatement penser aux Annales du disque monde.

Actusf : Écrire de la littérature de l’imaginaire, vous permet-il d’aborder certains sujets qui vous tiennent à cœur ? De dénoncer certaines choses ?

"Il est cependant vrai que le fantastique, la science-fiction ou la fantasy sont de formidables instruments pour parler de certains sujets, notamment les plus graves."

Philippe Tessier : Aborder des sujets qui me tiennent à cœur, pousser un lecteur à réfléchir à tel ou tel sujet, très certainement, dénoncer beaucoup moins.
Je ne suis pas persuadé que d’écrire un récit fantastique me permette spécifiquement d’aborder certains thèmes, disons plutôt que c’est la manière qui me convient le mieux pour le faire. Il est cependant vrai que le fantastique, la science-fiction ou la fantasy sont de formidables instruments pour parler de certains sujets, notamment les plus graves. Les exemples ne manquent pas, qu’il s’agisse de 1984, du Meilleur des mondes, de Demain les chiens. C’est assez fascinant quand on pense à un chef-d’œuvre comme Des fleurs pour Algernon, comme l’utilisation d’une petite touche de science-fiction permet à Daniel Keyes de donner une telle puissance à son récit, une dimension si universelle.

Actusf : Morts n’est pas votre seule publication chez Léha et nous pouvons aussi découvrir Les Chroniques hérétiques, un diptyque de fantasy. Pouvez-nous en parler un peu ?

Philippe Tessier : Les deux livres des Chroniques hérétiques (Les Loups d’Uriam et Une saison de cendres) racontent les aventures d’un petit être en bois nommé Tire-d’Aile créé par un magicien et qui se retrouve être l’enjeu d’un conflit qui le dépasse complètement. Il découvre un monde magique où absolument tout est vivant, le feu, la terre, l’eau, etc. Quand vient la nuit une dame recouvre les terres de son manteau et le soleil est embrasé par un phénix. Les saisons sont des entités, on peut marcher sur les nuages et la rosée est bien naturellement déposée chaque matin par des fées, etc. C’est un univers de magie, en partie inspiré de Fantasia, dans lequel les Hérétiques ont détruit les divinités et veulent régner sans partage sur la création. Ils sont en guerre contre les growls, des hommes-loups qui vivent dans la grande forêt d’Uriam. Tire-d’Aile va faire la rencontre de plusieurs personnages assez singuliers comme Nacre, un loup dont la Mort ne veut pas, Rose, une fée de la rosée qui fait des rimes sans vraiment être très douée pour ça, Ombre, une jeune femme dont on oublie très rapidement l’existence ou bien encore Cristal, une petite araignée en… cristal. Dans ce livre, j’ai voulu m’appuyer sur un contraste assez fort entre la violence ainsi que la cruauté de la guerre et l’innocence, la poésie et la magie.

Actusf : Sur quoi travaillez-vous actuellement ?

Philippe Tessier : J’ai plusieurs projets en cours. Tout d’abord, Léha devrait publier l’intégrale de Sélénie des Terres Mortes qui comportera le troisième et dernier livre de la trilogie, Le Maréchal. Ensuite, je travaille sur plusieurs autres romans. Le premier est situé dans l’univers de Polaris (le jeu de rôles que j’ai publié aux éditions Black Book et qui se déroule dans un univers post-apocalyptique sous-marin) et s’intitule Le Point Nemo. Il devrait être suivi par Exode ainsi que d’autres titres toujours situés dans ce monde sous-marin.
J’ai deux autres livres bien avancés sur le feu. Tout d’abord, un recueil d’histoires qui se déroulent dans l’univers présenté dans la nouvelle « Qui se souvient des hômlas », l’anthologie 2019 des Imaginales. Enfin, un roman de fantasy humoristique.
Je réfléchis également à une éventuelle suite à Morts.
Dans le domaine du jeu de rôles, je travaille avec Black Book Editions pour relancer la gamme Polaris avec, notamment, le gros supplément Hégémonie 2 et la préparation de l’avenir de cet univers : Polaris Oméga qui offrira un nouveau système plus moderne et un nouveau background situé un siècle dans le futur.

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