Avec quelques auteurs comme Francis Carsac, Stefan Wul, B. R. Bruss et autres Jimmy Guieu, Richard Bessière fut l'un de ceux qui firent les belles heures de la mythique collection Anticipation du Fleuve Noir. A l'origine de ce nom de plume, François Richard, directeur de cette même collection Anticipation et qui participa probablement à la rédaction (ou à la révision) des premiers ouvrages du "duo", mais surtout Henri Bessières, auteur plus que prolifique. Celui-ci, par bonheur, avait Richard en deuxième prénom, et il conserva le nom pour voir publier une profusion de livres (une bonne centaine rien que dans le domaine de la SF !) dans des genres aussi variés que la fiction historique, le roman d'espionnage ou la parapsychologie. En décembre 2011, Henri Richard Bessières vient de passer définitivement de l'autre côté du miroir...
Joyeux Noël à tous, et des Borloks dans vos petits souliers !
C'est le lendemain de Noël à New York, les rues sont couvertes de neige et tout le monde a reçu des cadeaux. Seulement, tous ces jouets ne sont pas aussi innocents qu'ils le devraient. Ce sont des Borloks, d'après les étiquettes qui les accompagnent, et ils proviennent tous de la même source, un mystérieux M. Si les Borloks ressemblent à des jouets ordinaires, ils possèdent cependant d'étranges propriétés, comme s'il s'agissait d'objets issus d'une technologie plus avancée que la nôtre. Tout ceci ne serait pas forcément inquiétant s'ils se contentaient d'être d'inoffensifs joujoux mais... Le Père Noël ne serait-il finalement pas ce bon vieux Grand-Père que l'on connait, à la trogne joviale et rubiconde et « au cœur débordant du lait de la tendresse humaine » ? Afin de déjouer le sinistre complot qui semble menacer non seulement l'humanité mais aussi la totalité de l'Univers que nous connaissons, Sydney Gordon, le fameux reporter du New Sun, devra enquêter jusque dans... une autre dimension !
Never mind the Borloks !
Taxé de littérature populaire, voire vulgaire il y a à peine un demi-siècle, ou encore de romans de gare par quelques taxonomistes pressés et un rien méprisants, les livres du Fleuve Noir faisaient plutôt mauvais genre. Parfois vite écrits, souvent vite lus, ces romans ont pourtant procuré d'agréables heures de lecture sans prétention à des milliers de fans, tout en contribuant largement à la légende de la science-fiction française grâce à quelques textes remarquables. Si Ne touchez pas aux Borloks n'en fait pas partie, il est cependant intéressant à plus d'un titre et en premier lieu parce qu'il se lit d'une traite, comme un verre de vin chaud après une longue virée nocturne en traineau. Ensuite, parce que le Père Noël est un personnage relativement sous-exploité en science-fiction alors qu'il vaut bien toute une escouade de cadets de l'espace. Enfin, parce que le détournement d'une institution pour enfants sages constitue un pied-de-nez espiègle et salutaire aux vieux snobinards qui ne jurent que par Ailleurs et demain ou Présence du futur.
Certes, il n'y a rien de vraiment original dans ce récit qui envoie pourtant le vieux-à-la-houppelande revisiter Alice aux pays des merveilles et la théorie des univers parallèles, mais cette reprise du mythe nous rappelle également que la comparaison que l'on fait parfois entre la science-fiction et le rock'n'roll est des plus justifiées, le but n'étant pas forcément de produire une œuvre géniale mais de s'exprimer en se fichant bien de la valeur que daigneront lui attribuer les critiques officiels. Avec l'enthousiasme juvénile d'un punk accordant approximativement sa première guitare pour brailler une énième version de Louie Louie dans un micro, on imagine sans peine le jeune Henri Bessière, en fan de dix-huit ans, s'emparer d'un stylo et griffonner avec une équivalente ferveur Les créateurs d'univers, un récit qui devint le premier titre de la collection Anticipation. Dix-sept ans plus tard, il n'a rien perdu de l'énergie sans apprêts dont il faisait preuve à ses débuts et avec Ne touchez pas aux Borloks, il évoque la passion un peu puérile des hommes pour le jeu, lorsqu'ils espèrent une de ces trop rares retrouvailles avec le sentiment d'immersion au sein de l'univers parallèle enchanté dans lequel semblent souvent plongés les enfants qui s'amusent. Ainsi, malgré quelques défauts, Ne touchez pas aux Borloks possède l'âpre beauté d'un solo de guitare noyé par un larsen qu'aucun preneur de son ne parviendra jamais à éliminer. Pour continuer à croire au Père Noël, il est peut-être nécessaire d'en renouveler la tradition et après avoir lu ce roman, nombreux sont ceux qui feront figurer au moins un Borlok sur leur liste de cadeaux...