Né à Lvov le 12 septembre 1921, Stanislaw Lem est le fils d'un médecin aisé, et est élevé dans l'ambiance confortable de la bourgeoisie juive d'avant-guerre. Enfant surdoué, du moins c'est ce qu'il a prétendu toute sa vie, il suit à son tour des études de médecine que vont venir interrompre la guerre et l'occupation de la Pologne par les Nazis.
Un peu par chance, il échappe à la déportation, mais doit survivre en étant tour à tour mécanicien et soudeur. Lorsque la Pologne est libérée par l'Armée Rouge, Lem reprend ses études, mais en 1946 doit s'installer à Cracovie, Lvov ayant été annexée à l'Ukraine voisine par décision de l'administration soviétique. Pour éviter d'être enrôlé comme médecin militaire, il ne passera jamais ses diplômes (qu'il n'obtiendra que bien des années plus tard à titre honorifique), et va devenir assistant de recherche. Un travail ennuyeux qui lui laisse assez de temps de libre pour s'essayer à l'écriture. Il commence rapidement à publier des poèmes et des nouvelles, mais son premier roman écrit en 1948 va lui attirer les foudres de la censure. Exclu de l'Union des écrivains, il n'a d'autre choix, s'il veut être publié, que de contraindre sa fiction à rentrer dans les limites acceptables du communisme stalinien. Ce qu'il fait, et l'oblige à développer un imaginaire très personnel qui deviendra vite sa marque de fabrique. Ce ne sera toutefois que sous le régime de Krouchtchev, en 1961, que son plus célèbre roman – Solaris – verra le jour. L'histoire de Kris Kelvin, astronaute et psychologue, dépêché en mission de sauvetage sur un vaisseau orbitant autour d'une planète aquatique qui s'avèrera être une forme d'intelligence extra-terrestre, va le faire connaître bien au-delà du rideau de fer. Ses œuvres vont être traduites en plus de quarante langues, et Solaris sera adapté deux fois au cinéma, d'abord par Andreï Tarkovsky en 1972, et trente ans plus tard par Steven Soderbergh.
Admis membre honoraire de la prestigieuse SFWA (Science Fiction Wirter of America) en 1973 il en est exclu trois ans plus tard, après avoir fait connaître le peu de respect que lui inspirait ses confrères américains. Et de fait Stanislas Lem n'a jamais mâché ses mots, n'hésitant pas à dire qu'il trouvait l'immense majorité de la littérature de SF de piètre qualité, pauvrement écrite et plus intéressée par l'aventure que par les nouvelles idées ou l'exploration littéraire. Ce genre de petites phrases, le relatif isolement de la Pologne aussi peut-être, et une personnalité assez sèche ont largement contribué à la mauvaise réputation de Lem. Hautain, antipathique et assez désagréable sont des qualificatifs qui reviennent souvent à son propos. Philip K.Dick alla même jusqu'à l'accuser d'être un espion communiste, ce qui ne manque pas de sel lorsqu'on sait que toute sa vie Stanislas Lem a regardé avec envie le modèle occidental. C'est tout juste du bout des lèvres qu'on lui reconnaît un sens de l'humour. Et pourtant les nouvelles qu'il écrit à partir de 1966 et qui mettent en scène Ijon Tichy, sorte de dilettante interstellaire parcourant le cosmos à la recherche de savants tous plus fous les uns que les autres, sont des bijoux de causticité grinçante. Moins désinvolte que Sheckley, plus pointu qu'Adams, Le Congrès de futurologie, Les Nouvelles aventures d'Ijon Tichy, Les Mémoires d'Ijon Tichy et Les Voyages éléctriques d'Ijon Tichy sont à rapprocher de la pertinence acide d'Andrew Weiner.
Retiré depuis plusieurs années, malade du cœur, Stanislas Lem s'est éteint hier, lundi 27 mars 2006, à Cracovie. Il avait 84 ans.
La chronique de 16h16 !