Avec le foisonnement des nouveaux auteurs et des nouvelles collections, on a vu certaines d’entre elles se bâtir une très sérieuse réputation. Notamment Poisson Pilote chez Dargaud. Mais la politique de Soleil est tout autre : quand une série fonctionne dans une ‘petite collection’ (et ce fut le cas ici), on lui autorise une réédition en grand format. Un peu comme si c’était une promotion interne quoi. Soit. Il s’avère en tout cas que cette promotion de Daffodil est associée à un profond remaniement de la série. On le devine dès la couverture de ce Nosferatu : Olivier Brrémaud et Giovanni Rigano ne sont plus là pour rigoler ! Enfin si, mais plus seulement. Dans ce deuxième tome de Daffodil, les auteurs ont opté pour un changement de ton net et avec dégoulinures : ça va saigner.
"Fausse alerte, papa ! Finalement, elle mange quelqu’un d’autre !"
Avant de devenir l’odieux chef de la police que l’on sait, le commodore Jerk avait nourri dans son enfance des ambitions d’archéologue. Jusqu’au jour où, presque par hasard, il avait découvert Le Livre des Morts et ainsi la possibilité d’invoquer La Luz. Mais l’émanation des ténèbres lui a toujours refusé le privilège de l’immortalité, et elle expie depuis cette faute, prisonnière des souterrains de la villa du général. Pourtant, Nosferatu est sur sa trace, car le vampire espère bien s’unir au pouvoir démoniaque de La Luz. Cette quête l’a mené jusque là dans les souterrains de la ville, où les hommes du Commodore l’attendent déjà.
Daffodil, Globuline et Achille sont donc prises entre les feux croisés des deux groupes : les têtes volent, les gorges se déploient et les balles fusent, reportant l’affrontement entre Daffodil et Nosferatu. Tandis que les agents du Parlement des vampires tâchent de sauver leur peau, Nosferatu parvient à mettre la main sur La Luz et tente de s’accoupler avec elle. Mais c’est sans compter sur les facéties de Milan et Roman, les deux adorables otages de Daffodil, et la résistance cybernétique du Commodore Jerk. Comme si, en fin de compte, le Mal devait s’annihiler lui-même.
Comme un allongement de dent chez les vampires
On l’a déjà dit : ce deuxième tome de Daffodil marque un tournant à quatre-vingt-dix degrés dans la série. Nouvelle collection, et donc nouveau public attendu : plus adulte, plus gore. Du coup, les auteurs ont mis le paquet sur la sanguinolence. Ce tome enchaîne pourtant parfaitement avec Addio-Colonnello et vient clore l’épisode de la dissidence de Nosferatu. D’un point de vue scénaristique, l’humour, même s’il est assombri par l’ambiance générale, est toujours présent. Des petits détails : ici aucune mâchoire qui saute, là les armes absolues contre les vampires en forme d’aspirateur, là encore une sortie insouciante de Roman, ponctuent agréablement ce tome résolument orienté vers le foncé.
Justement dans Nosferatu, toutes les couleurs de la série ont pris une nouvelle épaisseur, comme doublé leur profondeur. Une chose est certaine, la qualité du travail numérique des couleurs de Lamanna est bien meilleure dans ce nouvel opus : les dégradés sont mieux maîtrisés et les effets de lumière (dans un tome très souterrain) sont de très haute volée. A côté de cela, certains regretteront peut-être la disparition des tons aigre-doux de la première édition ? Fini le camaïeu de grenadine et d’anis : cette fois le sang arbore la couleur du vin. Sa substance, jusque là épaisse comme de la mélasse, a désormais la fluidité nécessaire à de grandes et salissantes effusions. Plus trace dans le regard de Daffodil et ses comparses de cette espèce de forfanterie infantile : les agents sont dans de beaux draps et le mesurent bien.