Edward Whittemore (1933-1995) a, après des études d’histoires à l’université de Yale, servi dans les Marines, puis dans la CIA (1958 à 1967, en Extrême Orient, en Europe et au Moyen Orient). Après ses années dans la CIA, il est passé par divers boulots et a vécu en Crète et à Jérusalem pendant qu’il écrivait ses romans. C’est un auteur quasiment inconnu, y compris outre-Atlantique ; ses cinq romans ont même longtemps été introuvables. Old Earth Books a récemment remédié à cet état de choses (pour la VO) en les rééditant tous, et depuis peu les trois premiers romans de la série Le Quatuor de Jerusalem, considéré comme son chef-d’œuvre, sont également disponibles en français : La Tapisserie du Sinaï(1977),Jerusalem au Poker(1978), et Les Ombres du Nil (1983), le dernier restant à traduire La Mosaïque de Jericho(1987). Son autre (et premier) roman, Quin's Shanghai Circus(1974), une histoire d’enquête/espionnage dans un style similaire au Quatuor, n’a pas encore été traduit, et il travaillait lors de son décès à un nouveau roman, Sister Sally and Billy the Kid, qui sera peut-être publié un jour à titre posthume... De nombreuses informations, critiques et discussions sur son oeuvre sont présentées (en anglais) sur le site Jerusalem Dreaming.
Le Caire, 1942
Une grenade lancée par de jeunes soldats Australiens en goguette pénètre dans un troquet mité de la ville et y explose. Bilan : un mort, un trafiquant d'armes opiomane, et quelques blessés. Affaire vite classée, et presque aussitôt réouverte, lorsque les services secrets britanniques réalisent qui est le mort, et qui l'accompagnait dans ses derniers instants. Mais celui qui répond au nom de code Arménien Pourpre Sept a disparu, et la personnalité du défunt, l'un des meilleurs hommes de plusieurs services de renseignements concurrents, est encore plus élusive... Qu'avait découvert Stern ? Et surtout, à quelles compromissions était il arrivé au nom de ses grands principes ? Sa mort était elle réellement accidentelle ?
Une longue série de dialogues...
Très différent du volume précédent, Ombres sur le Nil est le volume du souvenir et de la nostalgie. Tout le roman est une longue enquête, un très long dialogue entre divers personnages autour de la personnalité de Stern, et des temps passés irrémédiablement enfuis... De ce puzzle émergent un certain nombre de secrets, dont l'importance est finalement infiniment moindre pour les protagonistes (hors les dirigeants des services spéciaux) que l'influence qu'à eue l'empathie de Stern à court ou à long terme sur une myriade de vies. Lorsque l'action s'invite dans ces pages, c'est à contrecoeur, comme si les personnages plus grands que nature évoqués en parole avaient épuisé tout le quota disponible pour le reste de la guerre.
...qui fait passer une émotion rare
D'abord déroutant, ce roman parvient peu à peu à émouvoir le lecteur, faisant passer de nouveau, et plus encore que dans Jerusalem au Poker, une tendresse incroyable envers ces personnages qui méritent bien le qualificatif, par ailleurs si galvaudé, d'écorchés vifs. Chacun blessé ou perdu à sa manière, ces hommes et femmes ont fait montre d'un extraordinaire courage, souvent révélé à travers le catalyseur qu'était Stern, après avoir vécu des épreuves et des tragédies consécutives qui n'auraient pas déparé dans une pièce de Bertold Brecht... L'attachement véritable que le lecteur finit par éprouver pour eux confirme ce que les épisodes précédents nous avaient déjà révélé : Whittemore est un grand.