Avec Parabellum Tango, Pierre Pelot fleurte avec Big Brother en poussant le concept à l'extrême. Il dépeint une société entièrement sous le contrôle de la LOI de l'œil. Ici, plus de misère, de problème d'argent, de problème de cœur, la LOI veille sur vous. Elle vous trouve un appartement, un travail, un conjoint... Bref, elle vous assiste complètement, matériellement et moralement. Elle va même jusqu'à vous fournir un animal de compagnie cybernétique. Cet ami, forcément cher à vos yeux, reste toujours avec son propriétaire, lui servant de confident, mais aussi de conscience lorsque la mémoire du maître oublie quelques préceptes de la LOI.

Mais ce petit paradis sans souffrance (enfin, en apparence) possède un revers de médaille très sombre. D'abord, la liberté individuelle n'existe pas vraiment. Lorsque l'on ne peut pas choisir son métier et son/sa partenaire, lorsque des caméras vous surveillent jusque dans votre chambre à coucher, peut-on encore parler de libre arbitre ? N'est-ce pas simplement une cage dorée ? Ensuite, et c'est peut-être le plus déprimant, cette LOI est insaisissable. Impossible de savoir qui tient les rênes du pouvoir, qui décide pour vous... Et surtout, cette société est inégalitaire. Seuls les enfants de ses habitants, et quelques élus choisis dans la zone pauvre de la Hors Vue, vivent dans ce confort matériel ! Les autres se contentent d'espérer un jour être sélectionnés, tout en continuant à vivre misérablement leur petite vie, mais dans une zone bien à l'écart de l'Oeil.

Le monde de Parabellum Tango est donc un monde à deux vitesses. Pourtant, lorsque Norman est choisi pour devenir un " vrai " citoyen, alors qu'il n'a que 26 ans, il est loin d'avoir d'aussi sombres pensées. Il est plutôt joyeux puisqu'à partir de ce moment, il n'a plus rien à craindre de l'existence. Il lui suffit de suivre tranquillement la voie tracée pour lui par la LOI. Mais, bien vite, quelque chose cloche. Il ne se sent pas aussi heureux que prévu... Il lui semble que tout ce système n'est que de la poudre aux yeux. De quelle genre de maladie mentale peut-il bien souffrir pour douter à ce point de la LOI ?

Ce que j'en pense

Parabellum Tango est un petit bonheur de roman noir et sombre. Pierre Pelot pousse le concept de Big Brother à l'extrême avec la manipulation des foules par le pouvoir, par ailleurs insaisissable. Cette thématique n'est pas très éloignée de celle développée dans certains livres de Dick (c'est lui-même qui avoue son influence dans le numéro 7 du journal La 85ème Dimension). C'est un monde factice et aseptisé qu'il nous décrit. Vingt ans après sa rédaction, ce livre reste toujours d'actualité et c'est plutôt une bonne chose qu'il soit réédité. Bref, vous l'aurez compris, j'ai aimé et je vous le conseille.