Parmi les étoiles filantes qui ne scintillèrent qu'un bref instant au firmament de la science-fiction figure Bob Ottum. 1973 vit en effet la parution de son unique roman traduit en français, si l'on excepte une nouvelle parue dans un numéro de Fiction de 1959, puis plus rien. la photo qui figure sur la quatrième de couverture nous en apprend un peu plus sur la personnalité de l'auteur en nous montrant un homme élégant dont les traits et la prestance évoquent plus volontiers Cary Grant qu'un geek graphomane et fan de SF. Dans les verres de ses lunettes de soleil, cependant, le reflet d'un personnage bossu ressemblant à s'y méprendre à Igor, l'assistant du professeur Frankenstein, laisse à penser que l'homme est amateur de second degré. Bob Ottum est en effet l'auteur de Pardon, vous n'avez pas vu ma planète ?, l'un des livres les plus drôles du genre et sa seule incursion dans le domaine, puisque le reste de sa production est consacré à quelques thrillers sanglants, des livres pour très jeunes enfants, deux documentaires et un recueil de recettes de cuisine Amish...Et pourtant, s'il reste quasiment inconnu du public hexagonal, près de vingt trois millions de lecteurs américains de Sports Illustrated, dont Bob fut rédacteur, ont pu avoir le plaisir de lire chaque semaine ses reportages sportifs pendant plusieurs décennies ! Vingt trois millions de lecteurs par semaine ! Son éditeur rapporte dans une tribune que lorsque Bob fut engagé, il ne connaissait rien au sport, mais comme il savait écrire... Il est bien possible qu'il n'ait pas possédé beaucoup plus d'expertise dans le domaine de la science-fiction mais la lecture de Pardon... prouve que cela n'a finalement pas beaucoup d'importance...
Terminus, tout le monde quitte la planète !
Toute expédition raisonnablement conçue demande une avant-garde. Les extra-terrestres, s'ils souhaitent envahir la Terre dans les meilleures conditions, ont bien compris la nécessité de préparer le terrain grâce à une opération de communication efficace. L'un des leurs est donc mandaté pour infiltrer l'équipe des journalistes du Times afin d'informer les habitants de notre planète de ce qui les attend. Bing, à qui ses congénères ont donné forme humaine, prend alors contact avec l'un des membres de la rédaction du célèbre magazine et prépare avec lui une édition spéciale qui fera date dans les annales de l'humanité.
Dans la peau d'un Terrien.
Avec un récit qui se déroule dans l'univers journalistique du début des années soixante-dix, Bob Ottum reste dans les limites d'un territoire qu'il connait bien. Bing Walter y est bien sûr complètement étranger et sa naïveté le placera dans un grand nombre de situations désopilantes mais, au-delà du microcosme de la rédaction d'un journal, il devra également découvrir la société humaine et les individus au comportement souvent déraisonnable qui la composent. Cette attitude souvent incohérente est justement la raison qui pousse les autorités extra-terrestres à mener une véritable campagne de publicité pour annoncer leur arrivée. Tissé sur une trame très simple, le roman consiste en une suite de scènes d'une irrésistible drôlerie. Bing a bien de la chance : il a tout à découvrir, les soirées arrosées, le sexe, l'amitié, et toutes les étranges contraintes liées à la biologie. Sa nature aimable et une bonne dose d'optimisme lui seront d'une aide précieuse pour mener sa mission à bon terme, plus ou moins... Si tous les extra-terrestres ressemblent à Bing Walter, vivement qu'ils débarquent !
Comme on le sait, les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures et les auteurs qui ont fait de l'humour leur spécialité ont trop souvent tendance à s'enliser dans la surexploitation des mêmes recettes, jusqu'à devenir pesants... Une partie du plaisir qu'on éprouve à la lecture du livre de Bob Ottum réside peut-être dans le fait qu'il n'ait justement pas récidivé dans une veine similaire. Pardon... est unique, à tous points de vue. Depuis combien de temps avez-vous lu un livre vraiment drôle ? Dix ans ? Vingt ans ? Jamais ? Dans ce cas, vous savez ce qu'il vous reste à faire...
