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Péninsule

Damien Venzi (Illustrateur de couverture), Jean-Pierre Pugi (Traducteur), Michael G. Coney ( Auteur), Marc Février (Traducteur)
Langue d'origine : Anglais US
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 28/02/2010  -  livre
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Péninsule

Michael G. Coney est un auteur qu’on connaît mal en France. De sa carrière, les lecteurs les plus anciens se souviendront essentiellement de ses romans publiés dans les années 70 comme L’Image au miroir, Sygyzie, Les Enfants de l’hiver ou Charisme. Les Crocs et les Griffes, le roman principal de ce recueil Péninsule, date de cette période puisqu’il a été publié en 1975.

Dans les années 80 c’est l’heure du cycle majeur de Michael G. Coney : Le Chant de la Terre (cinq tomes). Ensuite plus rien. Aucun des romans qu’il a écrits la décennie suivante n’a pour l’heure été traduit dans l'hexagone. Il nous en reste donc en tout et pour tout cinq à découvrir en français dont deux publiés l’année de sa mort en 2005.

Malgré ces années de disette pour les lecteurs français, Michael G. Coney n’a pas été complètement oublié, tout du moins par les Moutons Electriques qui publient Péninsule dans leur nouvelle collection : La bibliothèque voltaïque. Au sommaire un roman : Les Crocs et les Griffes donc, et quatre nouvelles dans le même univers et avec les mêmes personnages.

L’idée du servage

Dans un monde légèrement futuriste, les criminels peuvent choisir entre la prison et le servage. Dans la deuxième option, le temps de leur peine est réduit et ils entrent au service d’un citoyen pour lequel ils deviennent le serviteur mais aussi une sorte de corps de rechange. Leur propriétaire peut légalement demander le transfert d’un organe ou d’un membre prélevé sur son serf. Une sorte d’esclavage que choississent pourtant bon nombre de détenus afin de recouvrer plus vite la liberté.

Homme doux et tranquille, Joe Sagar a des employés en servage dans son élevage de Slictes, des animaux extraterrestres dont la peau change de couleur en fonction des émotions de celui qui en porte comme vêtement. Sa vie va être doublement bouleversée par l’arrivée dans la région d’une célèbre actrice : Carioca Jones. Son caractère changeant et odieux, son attachement à Sagar et ses caprices de diva vont être un véritable tourbillon non seulement dans le quotidien bien cadré du héros mais aussi pour toute la petite communauté bourgeoise qui vit là. L'actrice a elle en servage une belle jeune femme dont Sagar va tomber immédiatement amoureux… C’est le début des ennuis pour lui…

Du quotidien surgit l’irréel et l’horreur…

C’est un roman assez étrange que nous propose Michael G. Coney sur fond de polémique autour du servage. Un procédé assez ignoble que Coney n’aura de cesse de dénoncer malgré les atermoiements de son personnage, un artisan plutôt aisé qui traite bien ses employés en servage et ne voit pas le système d’un mauvais œil. Un homme presque en retrait sur la question et qui a du mal à comprendre que ses serfs se révoltent ou que son bras droit, lui aussi en servage, le déteste malgré l’estime qu’il a pour lui. Il faudra un geste odieux de Carioca Jones pour qu’il découvre toute l’horreur du système, ce qui n’en fera pas pour autant un ennemi farouche.

La figure de Sagar est d’ailleurs assez intéressante. Il ne cesse de subir les événements et semble incapable d’une quelconque décision. Il n’arrive par exemple pas à repousser les intrusions permanentes de Carioca dans sa vie alors qu’il l’exècre elle et ce qu’elle représente. Il se retrouve toujours embringué par l’actrice dans des aventures un peu folles. C’est finalement un homme assez commun et banal, un anti-héros qui ressemble au lecteur, provoquant l’empathie.

Le monde mis en place par Michael G. Coney est lui particulièrement intéressant. Il se place délibérément du côté des nantis (la petite communauté dans laquelle évolue Sagar est plutôt aisée) ce qui lui permet de mettre en scène des dizaines de petites inventions toutes plus distrayantes les unes que les autres. C’est par exemple le cas des slictes qu’élèvent son héros, ou celui des requins de compagnie, des bêtes modifiées pour pouvoir respirer en dehors de l’eau et devenir des compagnons un peu visqueux des humains. Des petites touches qui rajoutent du sel à un décor légèrement science-fictionnesque.

Au final, on se passionne assez vite pour ce roman et les quatre nouvelles qui l’accompagnent. D’abord parce que Coney y fait preuve d’une belle qualité d’écriture. Ensuite parce que ses personnages sont des gens plutôt ordinaires qui mettent en relief notre absence parfois d’engagement dans les affaires de la cité. Une question d’autant plus essentielle dans l’époque actuelle. Enfin parce que les petites touches de couleurs qu’il a ajoutées à son récit lui donnent une dimension parfois passionnante et merveilleuse.

On ne peut donc que se féliciter de cette réédition en espérant que Coney ne retombe pas par la suite dans l’oubli. Si ses autres romans publiés dans les années 70 ou encore inédits chez nous sont de ce niveau, il y a sans doute des titres à aller rechercher ou faire traduire d’urgence. Et en plus, l’objet-livre de Péninsule est superbe, ce qui ne gâche rien.

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