Eh bien voilà, il paraît que la relève est assurée : Joe Hill, fils de Stephen King, arrive en force. Trois de ses livres paraissent en France en ce début d’année, et histoire de nous allécher, JC Lattès nous propose une courte histoire, Plein Gaz, écrite à quatre mains avec son père. Les fans de Stephen King seront ravis, les autres lecteurs, peut-être un peu frustrés…
"Duel" + "Sons of Anarchy"
Les deux maîtres de l’horreur ont trouvé l’inspiration dans l’histoire de « Duel », que la majorité du public connaît sous la forme d’un téléfilm de 1971 qui a lancé la carrière du jeune Steven Spielberg. Ce que l’on sait moins c’est que cette histoire d’un automobiliste poursuivi par un camion fou est d’abord une nouvelle de Richard Matheson – « Plein Gaz » ayant été publié pour la première fois en anglais dans une anthologie le célébrant. La légende veut que Matheson ait réellement failli se faire écraser par un camion alors qu’il venait de faire une embardée au volant de sa caisse, en apprenant le décès de Kennedy à la radio…
Ceci dit, pas besoin d’avoir vu le film ou de connaître l’histoire pour profiter du récit. Vous pouvez faire confiance à la quatrième de couverture et à un rapide prologue pour tout remettre en contexte.
Plein gaz nous propulse donc sur les grandes routes américaines, sauf qu’ici nous ne suivons pas un automobiliste lambda mais une bande de motards. Vétérans, baroudeurs, tous ont bien roulé leur bosse et sont loin d’être des saints. Une sombre affaire de drogue qui a dérapé fait même surface. Le plus jeune du groupe, c’est Race et le chef n’est autre que son père, Vince, dont on a le plus souvent le point de vue…Tiens, tiens, père et fils, comme nos auteurs !
Alors que La Tribu se met en route pour récupérer un paquet de pognon qu’ils ont perdu, un camion se met à les suivre. Vince, croit voir « Massacre » en lieu et place de « Marrade » inscrit sur le capot. C’est justement ce qui les attend.
« Extermination tribale »
Les fans du King retrouveront tout ce qu’ils aiment chez leur auteur. Les personnages se dévoilent par petites touches, notamment Vince, hanté par le Vietnam – « Dans la vallée d’A Shau, là où la merde sent meilleur » – et par des souvenirs d’enfance de son fils, qui lui donnait déjà du fil à retordre. Un mystérieux « Chérubin » est mentionné, et on se doute qu’il est une clé de l’intrigue et qu’il finira par réapparaître. L’angoisse vient peu à peu, alors que Marrade se met à les suivre – ce qui est un exploit vu la taille de l’ouvrage –, puis il y a une explosion gore, soudaine, violente. En ça, le contrat est rempli et la lecture diablement agréable mais… Tout va trop vite ! En quatre-vingt-dix pages, l’affaire est pliée, et de là naît une grande frustration.
Alors oui, comme dans « Duel », on a une course-poursuite sur la route, mais ici, pas le temps de laisser monter le stress et de pousser la traque à son maximum. Également, dans Plein Gaz on finit par savoir pourquoi le camion les poursuit, ce qui n’était pas le cas dans « Duel » – et qui était beaucoup plus effrayant ! Ceci dit, on apprécie beaucoup la conclusion, un poil inattendue et différente !
Dommage qu’on ne sache pas à quel point Joe Hill s’est investi dans l’écriture. La plupart du temps c’est la griffe du King que l’on reconnait… Peut-être le fils est-il à l’origine de la mini surprise de la fin ? Pour découvrir son style, l’éditeur offre un extrait de son dernier ouvrage, Nosfera2.
En tout cas, Plein gaz est délicieux en guise d’amuse-gueule… de luxe, vu qu’il est vendu au prix de six euros. À noter que ceux qui voudraient retrouver le gang de bikers peuvent se procurer la BD Road Rage, parue chez Panini Comics en 2013, bien avant que Plein Gaz arrive chez nous, donc.