Nicolas de Crécy est un dessinateur et scénariste de bandes dessinées né en 1966 à Lyon. Ayant effectué ses études à Marseille, puis Angoulême en section bande dessinée, il publie en 1991 la BD Foligatto (scénario d'Alexio Tjoyas), album pour lequel il reçoit notamment le Prix du Meilleur Dessinateur au festival d'Athis-Mons. Sa carrière est lancée. Chacune des parutions qui suivent (la série Léon la came en particulier) sont saluées par la critique.
Une histoire bien étrange...
Le prosopopus est une créature mythique qui a été évoquée dans de nombreuses œuvres depuis l'Antiquité. On la dit tantôt jaune, tantôt blanche ; elle n'a que trois dents dans sa bouche d'où sort de la fumée. Animal mystérieux qui s'empiffre de chair humaine, le prosopopus est le « héros » de cette bande dessinée de Nicolas de Crécy, au titre éponyme.
Le second personnage principal du récit est un tueur à gages qui cache un lourd secret perturbant son sommeil. Mais le prosopopus apparaît soudainement, un soir de déprime, et va prendre en main la vie de l'assassin, pour le pire plus que pour le meilleur...
Une bande dessinée déconcertante, mais fascinante
Nicolas de Crécy possède un univers graphique bien particulier, personnel, qu'il nous avait déjà fait partager dans Période glacière (chez Futuropolis) ou Le Bibendum céleste (chez Les Humanoïdes Associés). Son style est si particulier qu'il travaille souvent seul, signant donc scénario, dessin et couleurs. Ce fut le cas pour Prosopopus, paru en 2003 chez Dupuis et aujourd'hui réédité par la même maison et dans la même collection, pour la plus grande joie de l'amateur de BD avant-gardiste.
S'immerger dans Prosopopus n'est en effet pas des plus aisé. Mis à part le fait que l'on soit sensible ou non au style de Nicolas de Crécy, il est vrai que le récit est déconcertant. Il met en scène un personnage à la vie dissolue, est imprégné de fantastique et, surtout, muet. Un choix conscient : le silence de l'album pose une ambiance à la lourdeur palpable ; l'absence de bulles donne toute sa place au dessinateur pour s'exprimer. Une relecture n'est pas de trop pour bien comprendre cette histoire un peu folle et décalée.
Mais qui dit déconcertante – ou surprenante – ne veut pas dire exempte d'humour. Certes, celui de Prosopopus est noir. Il n'est donc pas accessible à toutes les sensibilités. Nicolas de Crécy dispose d'un sens certain de la dérision pour mettre en scène un monstre jaune avec une grande bouche aux lèvres rouges d'où émergent trois dents, fumant le cigare et habillé d'un slip taille XXL. Mais l'air débonnaire du prosopopus cache un caractère furieux et impitoyable : la créature est capable des pires horreurs. Son mode de pensée n'est pas non plus le même que le nôtre : pour faire plaisir au tueur, il va détruire ce qu'il a de plus cher.
Tentez l'expérience Prosopopus
En guise de prologue à sa bande dessinée, Nicolas de Crécy donne les deux définitions de la prosopopée. Ironiquement, s'il évoque effectivement dans ce one-shot fabuleux une personne absente ou morte et un animal, il le fait sans véhémence et sans pompe.
Avec la grâce d'un style assumé et maîtrisé, de Crécy explore un thème fascinant avec un humour noir dérangeant. Une superbe réalisation.
La chronique de 16h16 !