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Proverbes I

Menolly (Mise en page), Frédérique Lorient ( Auteur), Magali Duez (Anthologiste), Nathalie Salvi ( Auteur), Isabelle Guso ( Auteur), Michaël Fontayne (Anthologiste), Ghislaine Maïmoun ( Auteur), Laurence Rodriguez ( Auteur), Véronique Pingault ( Auteur), Nicolas Trève (Illustrateur de couverture)
Langue d'origine : Français
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 11/12/2010  -  livre
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Proverbes I

"Un proverbe est l’esprit d’un seul et la sagesse de tous." (John Russell)

Proverbes I est la sixième anthologie éditée par Griffe d’Encre, jeune maison d’édition qui monte, qui monte, et qui place sur le devant de la scène de nouveaux auteurs fort talentueux.
A sixième anthologie, six auteures. Si certaines, comme Nathalie Salvi (Sortie de Route, En quête) et Isabelle Guso (Présumé coupable), sont déjà connues par les lecteurs de Griffe d’Encre, pour les autres, il s’agit d’une première parution au sein de cette maison d’édition.
Dans l’ordre d’apparition il y a Ghislaine Maïmoun, novelliste ayant notamment écrit Journal des jours de peur, lauréat du concours de la Compagnie du Barrage en 2009. Puis Frédérique Lorient, une professeure de lettres modernes ayant à son actif la publication d’une demi douzaine de romans adolescents et junior depuis 2006, édités chez Plon, Soon, Mango et Magnard. L’avant dernière auteure à vous présenter est Laurence Rodriguez, ayant à son actif la parution de deux nouvelles dont Lila, l’élite et la lie au sein du fanzine Géante Rouge 8 édité par Répliques. Et enfin Véronique Pingault, novelliste elle aussi, ayant été dernièrement publiée en 2009 pour son texte Pas méchante par D’un noir si bleu.

"Les enfants sont des soucis certains et des réconforts incertains." (J. Clarke)

Le titre de cette anthologie, Proverbes I, est explicite. Chacune des six nouvelles porte pour titre un proverbe bien connu, comme La Vengeance est un plat qui se mange froid ou L’Habit ne fait pas le moine et en est l’illustration, toujours cruelle.
Ici, les enfants sages ourdissent de machiavéliques complots contre leurs aînés et leurs pairs, les plaçant dans des situations n’ayant rien d’enviable qui bien souvent mènent à une issue des plus tragiques. La seule nouvelle faisant exception à l’intervention déterminante d’un enfant, fût-il désormais adulte, est Pour vivre heureux, vivons cachés.
Ces nouvelles empruntent pour la plupart au conte philosophique en tant que démonstration d’une vérité, ou, ici, d’un proverbe. Le lecteur attend donc, après l’étrange mise en bouche de La Vengeance est un plat qui se mange froid, très courte nouvelle, la chute de chacune d’entre elles, chute qui démontrera la sagesse, l’ironie ou la fausseté de chaque proverbe. Certains, qui ne seront pas cités pour éviter d’en gâcher la lecture au lecteur, sont d’ailleurs adapté de façon très littérale. Il est amusant de voir ce que l’on peut faire avec un proverbe, la façon dont on peut les retourner en les regardant sous un autre œil, un œil neuf, un œil d’enfant ?

"Il n’est de véritable déception que de ce qu’on aime." (Georges Bernanos)


Malheureusement, malgré l’intérêt du thème et quelques bonnes idées, il manque quelque chose à cette anthologie, une force plus grande, quelque chose qui frappe, plus de contenu. Elle se laisse évidemment lire ; cependant, le lecteur de Griffe d’Encre aura été habitué à un plus grand aboutissement du récit.
Peut-être que certaines auteures ont voulu traiter de sujets trop graves, trop profonds pour un format aussi court. Le développement des personnages en a pâti et sombre parfois dans la caricature, dans le déjà-vu, le cliché. Cliché de la petite enfant si parfaite et si sage, cliché de la mère dépassée par les évènements, cliché de l’adolescente rebelle. Certaines situations sont vraiment difficiles à porter au format court et perdent en force.
Et en ce qui concerne La Vengeance est un plat qui se mange froid, cette nouvelle part d’une très bonne idée mais est trop courte (un peu moins de trois pages) dans l’absolu. Elle ne laisse pas assez le temps de s’imprégner de la situation. Le lecteur n’a pas le temps d'entrer dans le récit. C’est dommage, réellement, car la chute est particulièrement bonne, l’idée amusante, et l’emploi de divers proverbes pour ponctuer le récit, intelligent.
Pour vivre heureux, vivons cachés situe le récit dans un univers ultra-surveillé, ultra-géré. Un type d’univers déjà maintes fois traité dans le domaine de la science fiction, et dont le traitement ici n’est pas suffisamment original pour intéresser le lecteur averti, pour apporter quelque chose au sujet.
Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir est une nouvelle intéressante : elle aurait pu intégralement être écrite sans élément appartenant au genre du fantastique. Le lecteur peut d’ailleurs se plaire à imaginer que la situation toute entière a été inventée par le personnage, qu’elle représente une métaphore de son vécu. On peut néanmoins lui reprocher l’emploi d’un personnage principal trop caricatural (une fille qui préfère vivre dans ses rêves plutôt que dans la réalité) et une morale convenue (on se rend compte de ce que l’on a quand on le perd, et la vie est un bien précieux).
L’Habit ne fait pas le moine possède également un personnage principal un brin gênant, et tire trop sur la corde du pathos. Un personnage un peu trop fantasmé peut-être. Bien trop pour correspondre à une quelconque réalité. Il ne possède pas suffisamment de nuances, de richesse, et du coup ne peut guère être l’atout d’une histoire qui sent le déjà-vu.
On n’est jamais si bien servi que par soi-même est sans doute la nouvelle la plus aboutie de l’anthologie. Elle part d’une idée originale, fait preuve d’une réelle inventivité et les personnages ne sombrent pas dans un pathos inutile. Et s'ils paraissent d’emblée caricaturaux, ils subissent une évolution lors du récit et gagnent en nuances.
Là où frappe le professeur, une rose fleurit traite d’un sujet trop sombre qui tire vraiment sur le pathos de façon assez déplaisante. Le sujet des enfants battus et de la psychologie des parents qui battent leurs enfants est difficile à manier avec justesse, sans tomber dans l’excès. Ici, malheureusement, les personnages sont trop caricaturaux et les efforts pour ajouter du lyrisme au récit lui donnent un ton larmoyant.

La critique est aisée, mais l’art est difficile.


Si cette anthologie est décevante, elle n’en possède pas moins des qualités. Chaque nouvelle, même si cela est plus ou moins bien réussi, plus ou moins convenu, essaie de faire passer quelque chose. Et ces nouvelles sont vraiment très différentes les unes des autres, porteuses d’univers variés.
Comme on le dit, rien n’est jamais ni tout blanc, ni tout noir.
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