Jirô Taniguchi est un auteur japonais qui après avoir connu de jolis succès dans son pays s’impose de plus en plus comme un incontournable en Europe. S’il ne fallait retenir que trois titres, on citerait Le Journal de mon père, le récent Un ciel radieux et Quartier Lointain. Trois oeuvres qui tournent autour de la mémoire et des rapports entre un père de famille et ses enfants...

Retour à l’adolescence

Hiroshi est un père de famille surchargé qui un soir se trompe de train et revient sans le vouloir dans la ville de son enfance. Il en profite pour faire un tour sur la tombe de sa mère. Mais pris d’un étrange évanouissement, il fait un voyage dans le temps étonnant. Il se réveille dans sa propre peau d’adolescent à 14 ans. L’occasion pour lui de revivre ses années collège. L’occasion surtout de comprendre pourquoi son père est parti un jour sans rien dire de sa maison en abandonnant sa famille. L’occasion peut-être aussi de l’empêcher de recommencer.

Superbe

Salué par la critique et une multitude de prix (dont celui du meilleur scénario au festival d’Angoulême en 2003), Quartier Lointain est une oeuvre majeure dans la bibliographie de Jirô Taniguchi. La raison est simple : elle est d’une richesse extrême. Avec finesse, il explore un drame familial par le biais de ce voyage dans le temps. Son héros revit les événements avec sa conscience d’adulte, jouant avec le vieux fantasme de tout un chacun de retour en arrière. Mais plus que le fantasme, c’est surtout l’intelligence de l’auteur qui étonne. Sur 400 pages il prend le temps de bien retracer la vie de l’adolescent et la psychologie de chaque personnage. Il n’en laisse finalement aucun sur le bord de la route. Un délai d’autant plus appréciable que la partie « enquête » sur la disparition prochaine de son père n’en est ensuite que plus forte car il nous a donné auparavant toutes les composantes de ce drame. Rien que cette partie est remarquable. Et elle l’est d’autant plus qu’il y a une émotion et une humilité fantastique. La retenue, l’apaisement existe mais elle n’en rend les choses que plus fortes.

On admire également la manière dont le héros revit son adolescence avec sa mentalité de quadragénaire, ses relations avec les autres ados et avec son propre corps. Il est plus mature que les autres mais en même temps il parvient bien à garder une certaine fraîcheur et un bel enthousiasme. Du coup on a le sentiment d’une certaine justesse dans ce portrait à rebours.

Côté dessin, le trait est parfois un peu figé mais possède dans le même temps une vraie finesse et une science affirmée des encrages. Jirô Taniguchi ne lésine pas non plus sur les détails. Le résultat est très agréable et transmet parfaitement l’émotion qui se dégage du récit. On est proche du chef d’œuvre. C’est une preuve supplémentaire que le manga peut également être un genre profond, touchant et intelligent. Un grand incontournable de la BD !