A l'occasion de la sortie des Récits de Noirepierre, Tristan Morlaës revient sur l'écriture de cet ouvrage paru aux éditions du 38.
Actusf : Votre premier roman vient de paraître aux éditions du 38 et s’intitule Récits de Noirepierre. Comment est né ce récit ? Qu’est ce qui vous a incité à prendre la plume ?
Tristan Morlaës : C'était il y a cinq ans, je venais de laisser tomber un énième projet de roman et j'ai décidé de m'attaquer à un format plus court : la nouvelle. Un premier récit est né, puis j'ai eu envie d'en écrire un second. À mesure qu'il prenait forme, j'ai compris que j'avais la matière pour créer tout un réseau d'histoires reliées entre elles.
J'aime beaucoup les romans chorale comme les Chroniques Martiennes ou Wastburg, et c'est ce format qui s'est imposé à moi. J'avais envie de raconter une grande histoire, épique et terrible, mais du point de vue d'une multitude de personnages empêtrés dans leurs propres lignes narratives, plus courtes, parfois insignifiantes.
Actusf : Pouvez-vous dire quelques mots sur l’intrigue, pour ceux qui voudraient découvrir ce roman ?
Tristan Morlaës : Dans un coin reculé du monde, abandonné de la civilisation, gît la sinistre Citadelle de Noirepierre. On la dit maudite, et dans l'ombre de ses tours se trame bien des maléfices : ceux qui s'y aventurent n'en reviennent que brisés – quand ils en reviennent.
Pourtant, des héros de toute provinces se pressent à ses portes, ignorants de leurs destinées funestes. Qu'y a-t-il entre ces murs qui peut bien attirer ainsi ces pauvres diables vers une mort certaine ?
Et que manigance le spectre noir, qui hante la Citadelle et tourmente ces aventuriers de mauvaise fortune ?
Conte après conte, comme un puzzle que l'on assemble, les Récits de Noirepierre invitent le lecteur à explorer à son tour la Citadelle. Espérons qu'elle vous réserve un sort meilleur qu'à mes personnages…
Actusf : L’histoire prend place en un lieu peu attrayant, la citadelle de Noirepierre. Lieu déchu, peut-être hanté, sans doute dangereux. Que représente-t-il ? Comment l’avez-vous créé ?
Tristan Morlaës : La Citadelle est le vestige d'une époque grandiose, qui est devenu décadente et dangereuse. D'une certaine façon, c'est un fantôme, qui hante le présent et influe sur l'Histoire du monde dans lequel elle prend place.
J'ai voulu en faire un lieu à la fois inquiétant et fascinant, donner envie au lecteur de l'explorer à son tour. Et pourquoi pas, d'imaginer d'autres histoires prenant place dans ses entrailles, une fois le livre refermé.
Actusf : Peut-on dire que la Citadelle est la véritable héroïne du récit ? Pensez-vous qu’un héros « inerte » de pierre se construit de la même manière qu’un héros de chair et de sang ?
Tristan Morlaës : Il y a de nombreux personnages récurrents dans ce roman chorale, mais c'est bien la Citadelle qui en est l'épicentre.
Je pense que la difficulté à créer un héros non-humain, c'est qu'on se heurte à son absence de volonté. Un héros comme, mettons, Harry Potter, il aura des envies, des besoins, des faiblesses qui vont guider sa trame narrative, mais peut-on en dire autant d'un château ?
Pourtant, de toutes les histoires que vivent les apprentis sorciers, c'est Poudlard qui en connaîtra tout les secrets.
Pour parer à ces problématiques, j'ai créé une multitude de personnages clés, chacun ancré dans sa propre trame narrative, et j'ai doté la Citadelle d'une créature qui incarne, en quelque sorte, sa volonté. C'est un artifice que j'ai aimé explorer, mais je pense que pour mes prochains écrits, je prendrai plaisir à construire un héros de chair et de sang !
Actusf : Quels sont les thèmes que vous avez voulu aborder avec les Récits de Noirepierre ?
Tristan Morlaës : Chaque fois que je me pose cette question, j'en trouve un nouveau !
Je pense qu'il y a plusieurs clés de lecture. J'en donne une à la fin du roman, qui me tient particulièrement à cœur et qui aborde la question de la santé mentale, dont la Citadelle pourrait être une allégorie – mais je laisse le soin aux lecteurs d'en découvrir plus par eux-même.
J'avais aussi envie de montrer que la grande histoire est le fruit de toutes les petites vies qui la construisent, que l'on contribue tous à un grand mouvement dont on ignore la direction, sur lequel on a peut-être pas d'influence, et qui pourtant ne peut perdurer sans nos existences.
Je voulais parler de la nature humaine, de son rapport au pouvoir, à l'avidité, à l'amour, au temps, à la mort.
Ça peut paraître un peu fourre-tout, mais je crois que tout le monde peut y trouver un aspect qui lui parle, et ce même pour les non-initiés au genre.
Actusf : Comment avez-vous créé vos personnages, votre univers ? Avez-vous eu recours à des images, à des musiques ? Quelles ont-été vos sources d’inspirations ?
Tristan Morlaës : Pour l'univers et son ambiance, L'épée brisée de Poul Anderson, et le manga Berserk ont été des sources d'inspiration majeures – difficile de faire autrement dans le domaine de la dark fantasy.
Mais je suis aussi allé beaucoup pêcher du côté du jeu vidéo, notamment la saga des Dark Souls, dont je pense que les joueurs reconnaîtrons la patte.
Le jeu Darkest Dungeon m'a également inspiré le village de Cendrespoir, comme une ultime étape pour les héros venus affronter les périls de Noirepierre.
Oh, et il y a une chanson de Thomas Fersen, L'enfant sorcière, qui a donné naissance à l'un des personnages clés. Vous la reconnaîtrez certainement.
Actusf : Avec les Récits de Noirepierre, vous avez opté pour le genre de l’imaginaire. Qu’est-ce que cela vous ouvre comme possibilités ? Qu’est-ce que ça vous permet de faire ? Est-ce plus simple pour aborder certains sujets ?
Tristan Morlaës : Ce que j'aime avec l'imaginaire, c'est sa force métaphorique. J'aime parler par images, je pense que ça se sent dans mon style. Cela permet par exemple de parler de la violence que l'on inflige à ceux qui nous sont proche, avec une histoire d'un chevalier qui retourne sa lame contre les siens à cause d'un maléfice. Ou d'écologie, avec l'épuisement de la magie. Les possibilités sont infinies, mais je m'appuie forcément sur le réel, sur un thème qui m'est cher dans la réalité.
Et puis, un aspect qu'il ne faut pas négliger, c'est que c'est vraiment plaisant. J'ai toujours aimé les histoires de chevaliers, de monstres et de sorcières. C'est un réel bonheur que d'en écrire à mon tour.
Actusf : Qui dit fin d’année, dit également nouvelle année. Quels sont vos projets en cours ou à venir ?
Tristan Morlaës : Déjà, soutenir mon livre ! Sauf changement de dernière minute, je serais présent au festival Yggdrasil, les 12 & 13 février 2022, à Chassieux, avec l'équipe des Éditions du 38. J'ai hâte d'y rencontrer de futurs lecteurs !
Je me suis également lancé dans l'écriture d'un nouveau roman, loin de la littérature de l'imaginaire cette fois-ci. Je n'ai pas envie de m'enfermer dans un seul genre, même si je reviendrais très vite à mes histoires d'épées et de sortilèges !