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Rama - L'Intégrale

Arthur Charles Clarke ( Auteur), Jean-Pierre Pugi (Traducteur), Tomislav Tikulin (Illustrateur de couverture), Didier Pemerle (Traducteur), Gentry B. Lee ( Auteur)
Cycle/Série : 
Langue d'origine : Anglais UK
Aux éditions : 
Date de parution : 30/09/2006  -  livre
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Rama - L'Intégrale

Arthur C. Clarke est l’un des pionniers de la SF militante des temps héroïques. Né en 1917, nourri aux pulps durant leur phase confidentielle, passionné d’astronomie et d’astronautique, il a contribué à fonder le genre à l’époque où rêver des étoiles se faisait surtout au moyen d’équations et de spéculations polytechniciennes. Instructeur radar dans la Royal Air Force pendant la Seconde Guerre mondiale, étudiant en mathématiques et en physique au King’s College de Londres, il publie des nouvelles et participe à divers recueils avant de signer le scénario de 2001, L’Odyssée de l’espace qui le propulsera vers la gloire. Il est réputé comme l’un des maîtres de la Hard SF, sans doute à tort car sa bibliographie compte également nombre d’œuvres plus oniriques que ses hits les mieux connus. Arthur C. Clarke vit désormais à Ceylan d’où il continue de spéculer sur la nature de l’univers constellé d’étoiles.

Gentry Lee, qui a composé les trois derniers tomes de la saga de Rama ainsi que La Terre est un berceau avec Arthur C. Clarke, était le responsable de la planification des missions Viking et le fondateur de la série des Cosmos avec Carl Sagan. Il s’est expatrié un temps à Ceylan pour s’y consacrer à l’écriture à quatre mains avant de reprendre ses activités littéraires et  scientifiques.

Le vaisseau-comète

A l’instar de la comète de Halley, dont il s’inspire, un immense vaisseau, Rama, entre périodiquement dans le système solaire. Labyrinthe colossal, il contient des océans, des villes, des montagnes et... quelques habitants. Les missions s’y succèdent, siècle après siècle, à chaque passage du monstre impavide sans parvenir à mettre à jour ses secrets, maintenant le suspense jusqu’à la toute dernière minute. Rama, l’intégrale, conte l’histoire de ces explorations survivalistes successives. En pointillé, c’est aussi celle de l’humanité et des bouleversements qu’elle subit en prenant conscience de l’existence d’une vie extra-terrestre.

Le fil était accroché à la queue du poisson

La série toute entière repose sur des questions sans réponses : qui a créé Rama ? Quels buts poursuit le vaisseau-monde ? C’est le fil qui tient le lecteur en haleine, tome après tome, et l’amène à guetter les informations dispensées avec parcimonie. Seulement, l’objet de la quadrilogie n’est pas d’y répondre, mais d’amener la spéculation. Il en ressort une sensation de queue-de-poisson perpétuelle pour qui entreprendrait sa lecture comme celle d’une histoire traditionnelle. Les passages s’empilent les uns sur les autres sans vraie cohérence, mêlant des chapitres entiers de Hard SF où Clarke et Lee s’interrogent, par exemple sur la perception humaine de la gravitation subjective, à des sections intimistes dignes d’un roman psychologique. C’est un gigantesque fourre-tout, un prétexte à d’infinies digressions littéraires qui s’y ouvrent en tiroirs : on y trouve une version futuriste des Dix petits nègres, une reconstitution de société dictatoriale hygiéniste avec camps d’internement et police secrète, un voyage en station spatiale qui court sur presque un tome, une amusette autour des œuvres de Shakespeare et, allez savoir pourquoi, l’histoire omniprésente d’Aliénor d’Aquitaine...

La mélodie secrète d’Arthur C. Clarke et Gentry Lee

En refermant l’intégrale sans avoir vraiment obtenu de réponses aux questions qui couraient depuis le début, le lecteur réalise que le sujet de Rama était tout autre, que son propos était sans doute plus d’amener la réflexion que de conter une histoire. Il y a de la Mélodie secrète de Xuan Thuan Trinh dans Rama, qui vagabonde autour des mêmes thèmes : l’infinité du cosmos, l’existence d’une vie extra-terrestre, la remise en cause du modèle spécifiquement humain d’organisation sociale et pour finir, le recours à un Grand Architecte, un Dieu ou une race de bâtisseurs, comme seul artifice capable d’expliquer la disparité et l’immensité de l’univers. Une fois ce point compris, l’intégrale apparaît sous un autre jour et ses pièces disparates trouvent, sinon une cohérence, tout au moins une place dans le raisonnement des auteurs. Elles s’organisent pour former un roman spéculatif historique et philosophique qui remet en perspective l’humanité dans l’univers. C'est presque une profession de foi de la part des scientifiques que sont Clarke et Lee, qui veulent penser l’impact d’un ailleurs sur notre propre organisation. La somme ne manque pas d’onirisme, voire de psychédélisme, mais ses éléments fantastiques ne servent qu’à colorer des questionnements quasi-universitaires. Rama est un peu un anti-Dune, une saga d’égale ampleur à la sécheresse et au réalisme totalement assumé. Tous les thèmes de la Hard SF s’y retrouvent, sans exception ou presque, à tel point que c’est une lecture incontournable pour les amateurs du genre, même si ses spéculations sont sans doute datées.

A la recherche de l’œuvre totale

Il fallait avoir signé 2001, L’Odyssée de l’espace pour se payer le luxe d’écrire un "Ulysse" entre 1973 et 1993, tant le déroulé des tomes successifs est à contre-courant des canons de l'époque. Le préfacier, Roland C. Wagner, parle de SF « totale », c’est dire si l’analogie avec Joyce est évidente. On y trouve des poèmes, des fragments de pièces de théâtre, mais curieusement, ni partition de musique, ni dessin. La patte du scénariste de cinéma est clairement visible tant certaines scènes ne s’imaginent que dans une salle immense, avec, si possible, un bon dolby surround. L’intégrale se lit comme on regarde une fresque, lentement, les yeux rivés sur l’écran où se déroule l’épopée des étoiles muettes. Il faut un choix presque conscient pour y entrer vraiment, celui de partager une réflexion racontée comme une saga décousue sur fond de gigantisme. Le lecteur y gagne surtout des questions sans réponse. La découverte des quelques dix ou douze nouvelles imbriquées en fix up, que cette intégrale contient ouvre autant de pistes qu’il appartiendra à chacun de poursuivre en son âme et conscience hors du livre qui lui, ne les refermera jamais.

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