Ayerdhal fut longtemps l'un des chefs de file de la science-fiction en France, non seulement pour ses talents d'écrivains mais aussi pour ses idées, relançant la SF française avec l'anthologie Genèses en 1996 ou essayant de remettre à plat les relations entre auteurs et éditeurs par le biais du Droit du Serf en 2000. Dans les années 90, il a enchainé d'excellents romans comme L'Histrion, Chroniques d'un rêve enclavé ou Demain, une oasis, livrant avec régularité des récits intelligents, forts et passionnants. Puis le flot s'est tari. Après Transparences en 2005, il a déserté le rayon des nouveautés dans les librairies. Après cinq longues années d'attente, le revoici avec Résurgences, la suite de son dernier roman. Un retour qui est déjà en soi une excellente nouvelle...
Ann X est de retour
Un jour de juin 2006, une mendiante est abattue dans les rues de Lyon. Il s'agit d'Ann X, touchée par un redoutable sniper alors qu'elle s'était déguisée pour retrouver Stephen. Pourtant elle survit miraculeusement et commence une lente convalescence. La chasse avec le tireur d'élite ne fait que commencer... De son côté, Stephen est forcé par la DGSE à travailler sur le dossier de ce mystérieux sniper. Enfin Michel, autre personnage clef, se lance dans le mouvement de révolte de tous les laissés pour compte.
Question de musique ?
Une fois la dernière page tournée, Résurgences laisse une impression étrange. Il y a pour une part une sorte de confusion : Ayerdhal nous perd dans un ballet de services secrets, de complots, d'intrigues et d'explications dont on ne saisit pas toujours le sens. Difficile de parvenir à circoncire l'intrigue pour la résumer clairement. On baigne dans le monde des agents doubles et des organisations parallèles. Difficile aussi de cerner précisément l'héroïne, son passé et ses motivations. Sans doute d'ailleurs vaut-il mieux relire Transparences avant Résurgences pour bien appréhender ce deuxième roman.
On pourrait donc se sentir un peu déçu par ce théâtre d'ombres. Et pourtant on n'en perd pas une miette. C'est tout le paradoxe de ce livre. Même si l'on n'en comprend pas tous les tenants et aboutissants, il y a un grand plaisir à retrouver le style d'Ayerdhal et ses personnages. Il y a des moments passionnants, que ce soit lorsque l'on retrouve son engagement (la trame de Michel est l'une des plus intéressantes du livre et a le mérite de poser de nombreuses questions) ou que ce soit au détour de certaines pages où son talent de conteur explose même s'il ne s'y passe pas grand chose.
Difficile donc de savoir s'il faut ou non conseiller Résurgences. Sans être une réussite totale, il s'agit tout de même d'un bon roman qui a le goût chaleureux des retrouvailles. De quoi lui pardonner ses défauts, et d'attendre avec impatience de nouveaux livres d'Ayerdhal.