La fin du monde est l'un des thèmes majeurs de la science fiction et parmi les plus anciens. Pour se limiter à deux fondateurs du genre mentionnons : en 1895, HG Wells envoie son explorateur temporel vers la fin des temps, c'est pour assister à la fin de la Terre, et Rosny Aîné en 1910 décrit dans La Mort de la Terre les ferromagnétaux supplantant les humains.

Sous couvert de fiction, Camille Flammarion fait œuvre de vulgarisateur scientifique. Les discussions que mènent les plus doctes hommes au sujet de la comète est l'occasion de parler la mécanique céleste, la composition des comètes et l'histoire de leurs rencontres avec la Terre, les effets de l'oxyde de carbone les êtres vivants mais surtout de formuler les autres théories concernant les fins du monde possibles ( submersion des continents, sécheresse, refroidissement, soleil qui s'éteint…) avec ce postulat: « les mondes ne meurent pas d'accidents mais de vieillesse. » ce qui repousse à des millions d'années la fin de la Terre. L'auteur présente ensuite les débats théologiques qui naissent et la fin du monde à travers les âges.
Pourtant la Terre n'est pas détruite et la seconde partie nous emmène loin dans l'avenir après le passage de la comète. L'aspect romanesque est plus marqué et ce sont dix millions d'années d'histoire de la terre que nous conte Camille Flammarion. Au cours de cette longue période, la planète a été métamorphosée (Paris a lentement été submergé par exemple) et la société humaine a atteint la perfection (selon les principes chers à l'auteur: science, intelligence, progrès) avant de connaître la décadence. La vie sur Terre est née, a grandi, dépéri puis s'est éteinte.
Extraits :
La menace cométaire :
la comète était descendue des profondeurs télescopiques et devenue visible à l'œil nu : elle était arrivée en vue de la Terre, et, comme une menace céleste, elle planait maintenant, gigantesque, toutes les nuits devant l'armée des étoiles. De nuit en nuit, elle allait en s'agrandissant. C'était la Terreur même suspendue au-dessus de toutes les têtes et s'avançant lentement, graduellement, épée formidable, inexorablement. Un dernier essai était tenté, non pour la détourner de sa route, – idée émise par la classe des utopistes qui ne doutent jamais de rien, et qui avaient osé imaginer qu'un formidable vent électrique pourrait être produit par des batteries disposées sur la face du globe qu'elle devait frapper – mais pour examiner de nouveau le grand problème sous tous ses aspects, et peut-être rassurer les esprits, ramener l'espérance en découvrant quelque vice de forme dans les sentences prononcées, quelque cause oubliée dans les calculs ou les observations : la rencontre ne serait peut-être pas aussi funeste que les pessimistes l'avaient annoncé. Une discussion générale contradictoire devait avoir lieu ce lundi-là à l'Institut, quatre jours avant le moment prévu pour la rencontre, fixée au vendredi 13 juillet.
Comment meurent les mondes :
« Mesdames, fit-il dès le début, c'est à vous que je m'adresse les premières, en vous suppliant de ne plus trembler de la sorte devant une menace qui pourrait bien n'être pas aussi terrible qu'elle le paraît. J'espère vous convaincre tout à l'heure, par les arguments que j'aurai l'honneur d'exposer devant vous, que la comète dont l'humanité toute entière attend la prochaine rencontre n'amènera pas la ruine totale de la création terrestre. Sans doute, nous pouvons, nous devons même nous attendre à quelque catastrophe mais quant à la fin du monde, vraiment, tout nous conduit à penser que ce n'est pas ainsi qu'elle arrivera. Les mondes meurent de vieillesse et non d'accident, et vous savez mieux que moi, mesdames, que le monde est loin d'être vieux.
Anticipation utopique :
La science avait su conquérir toutes les énergies de la nature et diriger toutes les forces physiques et psychiques au profit de l'humanité ; les seules limites de ses conquêtes avaient été celles des facultés humaines; qui, assurément, sont peu étendues surtout lorsqu'on les compare aux facultés de certains êtres extra-terrestres, mais qui surpassent considérablement celles que nous connaissons aujourd'hui.
Notre planète arriva ainsi à former seule patrie, illuminée d'une éclatante lumière intellectuelle, voguant dans ses hautes destinées comme un choeur qui se déroule à travers les accords d'une immense harmonie.
La véritable fin du monde :
Alors il ne resta plus sur la Terre que quelques groupes humains chétifs, mourant de faim et de froid, sortes d'Esquimaux sauvages vêtus de peaux de bêtes, cherchant dans les dernières cavernes leur dernier abri, leur suprême tombeau. La race humaine intelligente était bien finie. Des espèces animales dégénérées survécurent encore quelques milliers d'années. Puis, insensiblement, graduellement, toute la vie terrestre s'éteignit.
Ces événements se passèrent, comme nous l'avons vu, dix millions d'années après l'époque à laquelle nous vivons. Le Soleil brilla encore pendant vingt millions d'années, Jupiter et Saturne étant alors le siège de générations florissantes.
Mais la Terre était bien morte. Elle continua de rouler dans l'espace comme un morne cimetière sur lequel aucun oiseau ne chanta plus. Un silence éternel enveloppa les ruines de l'humanité défunte. Toute l'histoire humaine s'était évanouie comme une vaine fumée.
A lire :
Camille Flammarion, La Fin du monde
Vous aimerez peut-être :
Histoires de fins du monde, Le Livre de Poche, 1974 (réédition 1984), occasion
Rosny Aîné, La Mort de la Terre, Etonnants classiques, Flammarion, 1997
Robert Silverberg, Les Vestiges de l'automne, éditions ActuSF, 2010
HG Wells, La Machine à explorer le temps, Folio SF, 2009
Philippe Ethuin