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Riot

Karos (Scénariste), Pazo (Dessinateur), Hobé (Dessinateur)
Cycle/Série : 
Langue d'origine : Français
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 28/02/2007  -  bd
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Riot

Initiée avec Katsuhiro Otomo et son Domu Rêves d’enfants, l’ère manga des Humanoïdes Associés s’est véritablement ouverte en 2006 avec la collection Shogun, l’ouverture du portail Shogun City et le lancement de la  revue Shogun Mag. Le magazine prépublie en quatre épisodes les séries phares Mind, Holy wars, Lolita HR, Quantic soul et Anarky, à tonalité SF ou Fantasy. Du manga exclusivement européen. Si possible hors des sentiers battus. Avec Love’Inc (une série viticole), Anarky est la série la plus proche de notre présent immédiat. Mélange de politique fiction, de brutalité trash et  de polar d’espionnage, le premier album d’Anarky mêle les genres pas toujours adroitement.

Le scénario de l’album, initié en 2000 par Karos, a subi, en effet, plusieurs changements d’orientation. Comme le souligne le scénariste dans un excellent making-of en fin d’ouvrage, l’objectif initial était de mettre en scène un Mad Max parisien à l’heure des banlieues rebelles. Les violents affrontements de bandes rivales sur l’esplanade de La Défense en janvier 2001, le film Banlieue 13, produit par Luc Besson, les émeutes d’octobre 2005 et l’ambition grandissante de Karos ont fait évoluer, à plusieurs reprises, ce projet originel. Il fallut donc attendre la pénétration du marché manga par Les Humanos pour donner corps au récit, avec le recrutement de dessinateurs belges de studio Pazo et Hobé.

Mad Max la menace

Viol, couteaux de boucher dans le ventre, dans le dos, battes de base-ball en pleine tête, des centaines de jeunes s’affrontent dans les galeries commerciales et sur l’esplanade de la Défense. L’émeute n’est pas si spontanée qu’il y paraît. Combattant plus froid, plus adroit et plus déterminé que les autres, Max Manders est arrêté par la police et libéré par son amie avocate. Chargé du transport nocturne de charges dans des hangars de stockage, il s'adonne volontiers à de petits trafics illicites. Il est témoin d’un kidnapping aussi sanglant que spectaculaire mené par le groupe Anarky en pleine fête de la musique.

Tandis qu’au plus haut niveau, le gouvernement se divise sur les mesures à prendre, Max va peu à peu être associé à un  trafic d’armes avec le groupe Anarky et devenir un pion essentiel du jeu politique entre les autorités et les terroristes. Un pion qui pourrait bien échapper à ses maîtres.

Un résultat mitigé

Bon. Il y a du bon et du beaucoup moins bon dans ce premier album. Sur le papier, le projet est intéressant : mettre en scène des violences urbaines organisées dont un témoin privilégié ambigu décortique les mécanismes politiques. Mais, tant sur le plan du récit que sur le plan graphique, le résultat est mitigé.

Le scénario est bâti sur des strates successives : des émeutes, la guérilla ouverte d’un groupe terroriste de banlieue, un chien de guerre qui se range, des projets immobiliers d’exclusion, une manipulation politique, un pitch d’espionnage. Mais la mille-feuille n’est pas toujours digeste. La fascination de la violence (plusieurs pages censurées dans la version magazine) s’accorde mal à la naïveté de certains passages plus conventionnels. Les hommes politiques manquent de consistance et de crédibilité. L’intrigue est dominée par une succession d’actions violentes, (éclatement de foie, têtes broyées, corps déchiquetés) illustrées par des onomatopées, des bruitages et des éclats de traits droits. C’est, à vrai dire, peu compatible avec l’ambition politique du scénario. On a le sentiment que la série vise, par morceaux, des publics incompatibles et irréconciliables (la brute épaisse, le jeune qui cherche à se faire peur et le lecteur de BD exigeant).

Le dessin noir et blanc est inégal.  Quelques dessins sont bien léchés et séduisants (la couverture, par exemple). D’autres sont très approximatifs. Les personnages situés en second plan ou en fond de plan sont le plus souvent bâclés. Est-ce un problème de répartition des dessins entre différentes mains ? Certains décors sont précis, d’autres sont d’une allure incertaine Certains personnages ont du mal à conserver la même tête tout au long de l’album (et pas seulement parce qu’ils prennent des coups !). Les proportions corporelles s’éloignent parfois fortement des canons de Vitruve. Curieux panachage : dans un style, à beaucoup d’égards, plus comics que manga, l’expression caricaturale de certains visages nous ramène à la BD belge humoristique. Les trois tendances s’expriment parfois au sein de la même case. Les intrusions de manga japonais sont plus fréquentes chez les personnages féminins et les têtes chevelues.

De bonnes intentions, du talent, mais, en dépit des corrections effectuées entre la version Mag et l’album, un vrai manque de cohérence graphique et scénaristique. Comme un trop plein d’anarchie.

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