Il y a des nouvelles qui font mal, très mal. Le dimanche 5 août 2012, Roland C.Wagner nous a quitté dans un triste accident de voiture. C'était comme toujours dans ces circonstances tôt, beaucoup trop tôt.
Je vous propose de poser ici vos souvenirs, soit dans les commentaires, soit ne nous envoyant un mail.
Pour ma part, j'ai rencontré Roland à la fin des années 90. A l'époque nous avions un fanzine, La 85ème Dimension, qui organisait un concours de nouvelles. Dans mes petits souliers, après l'avoir croisé une première fois et découvert Les Futurs Mystères de Paris, je lui avais envoyé un mail pour lui demander s'il acceptait d'être notre "parrain". Il m'avait tout de suite répondu en me proposant de le rappeler le lendemain. Au bout de cinq minutes, il était d'accord, tout simplement, comme ça. Sans rien demander en échange, juste parce que ça lui plaisait, juste parce que c'était sympa. Le reste du coup de fil avait duré une heure et demi, sur la science-fiction, les livres, le monde de l'édition... Il était comme ça Roland, il ne comptait pas ses minutes lorsque la discussion s'annonçait, même lorsqu'il ne vous connaissait ni d'Eve ni d'Adam. Et pour moi il a été une porte d'entrée dans les Littératures de l'Imaginaire côté pile, celui des auteurs, des illustrateurs etc.
Par la suite, Roland fut aussi celui des premières fois. Notre premier livre dans notre format "nouvelles" (en dehors des anthologies et des guides), c'est avec lui qu'on l'a fait. C'est lui qui nous avait proposé HPL. Quel bonheur ! C'est lui encore qui nous a donné l'idée de faire des interviews d'auteurs sur le forum. Et c'est évidemment avec lui que l'on a commencé à faire des livres numériques. C'est dire s'il était important pour nous. C'est dire s'il va nous manquer.
Jérôme Vincent
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J'ai pu lui parler une fois, lorsque je suis allé faire dédicacer "la Balle du Néant" aux dernières utopiales. Il a écrit une blague, je n'ai pas lu tout de suite alors je n'ai pas réagi, il a dû se poser des questions. Je me suis senti très con après coup. Mais peu importe, j'avais ma dédicace de RCW.
Alors forcément je ne le connaissait absolument pas, et ça ne me frappe pas comme ça frappe la plupart d'entre-vous, mais à travers ses livres et ses interventions sur le forum, je ne pense pas prendre beaucoup de risques en disant que c'était un mec génial, et c'est très triste que j'ai appris la nouvelle.
Ironie, c'est ma mère qui m'en a informé lundi: je lui avais prêté la veille "la Balle du néant" pour lui faire découvrir...
Il restera pour moi un personnage haut en couleur de la SF française, et il me reste la chance de pouvoir continuer de le découvrir à travers ses livres.
Hippolyte!!!
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Tes vifs yeux clairs se sont éteints sur terre
Pour aviver le morne éclat des cieux
Mais l'écriture est le phare brûlant qui éclaire
La vague d'ombre entre la vie et la mort.
Serena Gentilhomme
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L'image qui me revient avec le plus de force, ce n'est pas un choc littéraire, encore moins musical, c'est la convivialité. Du temps où j'habitais à Paris, soit entre 1986 et 1994--et même avant, parfois, lorsque je descendais depuis Dunkerque (don't ask)--j'ai participé à cette cérémonie typique du fandom francilien qu'était la Microcon. Le but : réunir le plus grand nombre de fans dans un lieu donné (pas très grand, en général) et boire le plus de bière possible tout en blaguant et en déconnant. Ca se passait souvent chez Michel Pagel, qui habitait alors à Longpont sur Orge, près de Montlhéry, mais il arrivait aussi que ça se passe chez Roland*.
J'ai connu sa piaule à Garches, où la soirée s'est finie façon dortoir (je devais être descendu de Dunkerque, donc c'était entre 81 et 86), avec André-François Ruaud et Bruno Bordier (entre autres, peut-être). J'ai connu sa piaule à Bourg la Reine, et aussi celle du Plessis Robinson. Et toujours le même hôte hilare, accueillant, bavard.
Plus tard, il est venu manger chez nous lorsque nous habitions Fontenay sous Bois, dans la proche banlieue. Ce jour-là, Natacha, qui était toute petite, a failli passer entre l'escalier menant aux combles aménagées et le mur qu'il ne collait pas de trop près. Je crois que c'est Roland, assis à table juste en dessous de l'escalier, qui s'est levé d'un bond pour l'attraper et l'empêcher de se coincer. Il avait l'oeil.
Rien à voir avec son oeuvre, rien à voir avec ses goûts. Un petit instantané de l'homme, de l'ami, du père.
Fuck you!
JDB
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* Lire Espion de l'étrange, de Karel Dekk, alias Serge Lehman, qui décrit une de ces soirées avec cheleur et affection.
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Il parlait souvent des gens disparus qu'il avait aimé et qu'il n'oubliait pas. A plusieurs reprises, il m'avait raconté de fabuleuses épopées branques avec Jouanne. La dernière fois que je l'ai vu, à Genève, il avait longuement évoqué son pote Nono, de Brain Damage, dont la disparition, récente et subite, l'avait visiblement beaucoup atteint.
Contrairement à pas mal d'autres, à en juger par les hommages qui se multiplient sur la toile, beaucoup de lecteurs de mon âge l'avait découvert via sa chronique dans Casus Belli. Je n'ai jamais été roliste et c'est avec La Balle du néant, chaudement recommandé dans un Cyberdreams par Francis Valery, que je l'ai lu pour la première fois. Il existait donc des auteurs français qui écrivaient de la SF qui me plaisait et qui jouaient dans des groupes de rock.
La première fois que je l'ai rencontré, c'était en 1999 (ou 98?) à Nancy. Norman Spinrad, qui avait remarqué que j'étais tout seul, m'avait emmené à sa table. Je lui avais ensuite tourné autour comme il avait dû, des années auparavant, tourner autour de Michel Jeury. Le dernier jour, j'avais acheté un disque de Brain Damage, pour voir de quoi il retournait. On avait vite compris, tous les deux, que, même si nous aimions tous les deux le rock, ce n'était sans doute pas le même rock. On ne parlait pas souvent de musique, même si je pense qu'il en savait plus sur les groupes que j'écoutais que moi sur les siens. En revanche, quand j'avais une question sur la SF française, c'était vers lui que je me tournais.
Je l'avais revu un peu plus tard à Lodève. Je me rappelle du trajet jusqu'au resto qui faisait office de cantine. Je lui avais dit que j'avais participé au concours de nouvelles organisé par la 85ème dimension de Jérôme Vincent et dont il faisait partie du jury. Il m'avait répondu: "Il était bien, ton texte."
Un de ces rares phrases qui changent la vie.
Nous sommes devenus plus proches avec le temps. Il était venu pour la soirée de lancement de mon premier roman. Un occasion de faire la fête et de voir des amis, mais aussi de me montrer son soutien. Il savait l'importance de ces choses-là. Il avait passé une bonne partie de la soirée à discuter avec mes potes musiciens. C'était aussi son élément.
J'ai plein d'images en tête, un tas de conversions passionnantes ou débiles, des soirées tardives, ce joint partagé chez lui en écoutant, vers 3 heures du mat', un obscur groupe garage/psyché de je ne sais quel pays (j'avais fini par lui avouer que c'était quand même un peu chiant), ce repas chez moi où il avait raconté à ma brune l'histoire de minuscules sectes satanistes américaines, mais aussi tous ces bons passés en compagnie de ses livres.
Il me reste de lui l'image d'un homme qui n'accordait aucune importance à ce que les autres pouvaient bien penser de lui (ou alors il le cachait) et qui, il me semble, a mené sa vie comme il l'entendait. Je l'admirais aussi pour ça.
Je crois, malgré sa mort prématurée, qu'il avait réalisé quelques-uns de ses rêves. Peu d'êtres humains peuvent en dire autant.
Par une ironie pourrie, alors que j'habite juste à côté de l'endroit où a eu lieu la cérémonie d'adieu, je me trouvais loin pendant que ses amis et sa famille se réunissait. Voir tous ces gens ensemble m'aurait sans doute fait chaud au coeur. Les voir sans lui aurait été difficile.
Il va falloir s'habituer.
Dans trente ou quarante ans, un de ces admirateurs, sans doute pas encore né, écrira une uchronie sur le modèle de son HPL, dans laquelle un certain RCW a vécu centenaire et a fini figure tutélaire d'un mouvement de rock psyché du troisième millénaire.
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La dernière fois que j'ai vu Roland Wagner, on était saouls. Pas juste saouls. Bien saouls de chez saouls. Ca devait être au musée d'art ancien et moderne d'Epinal, pendant le diner officiel. Je ne sais plus ce qu'on a dit mais on a beaucoup ri.
Du moins au début, parce qu'il me semble qu'on a été saouls un peu partout dans la ville, après.
La dernière fois que j'ai vu Roland Wagner, on était vautrés sur l'herbe avec Sylvie Denis et Vincent Gessler, c'était le lendemain, la gueule de bois terrible et j'avais dans la tête "Le canard a dit la caneuh, ris, caneuh, ris, caneuh". Autant vous dire que mon cerveau était joueur.
La dernière fois que j'ai vu Roland Wagner, il s'est conduit en ami, en véritable ami, il m'a dit "tu trouves ça chiant? Ecoute ça!" et il m'a chanté "l'été sera chaud" de
Charden. Et il a ricané. Gessler aussi. Sylvie et moi, on a dû lui dire qu'il était con en rigolant et j'ai passé trois jours à le maudire.
La dernière fois que j'ai vu Roland Wagner, il gueulait sur un directeur de collection poche et il voulait lui casser la gueule pour arnaque et absence de sens moral.
La dernière fois que j'ai vu Roland Wagner, en fait, on était encore saouls, c'était toujours ce soir-là, on parlait comme seuls les polchtrons le font, et il m'a dit qu'on était tellement différents, mais qu'on s'aimait bien, parce que la SF rapprochait les gens, quels qu'ils soient. J'ai dit que j'aimais sa tendresse et j'ai dû chouiner à propos de Springsteen et de mes dix-sept ans qui reviendront jamais et après, la soirée a continué.
La dernière fois que j'ai pensé à Roland Wagner, je me suis dit qu'un des derniers remparts était tombé entre les cons et nous, qu'il ne resterait plus que ces pseudo golden boys à statistiques, ceux qui te disent que "la réalité économique est toute autre" et qu'il faut bien en passer par le marketing, ceux qui te parlent jamais de littérature et qui ne gueulent jamais, parce que la colère, c'est une perte de contrôle, et puis les élitistes médiocres qui résument les bouquins à "ça c'est bien" et "ça c'est nul".
L'été sera chaud, les amis, mais cet hiver qui nous attend risque d'être glacial.
Anne Fakhouri
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J'ai discuté et rigolé aux Utos avec Roland l'an dernier. Nous avons plus parlé de musique que de littérature. Nous avons essayé de boire une anisette en hommage à la Pointe Pescade mais le bar des Utos n'en avait pas, alors bière. Pour quelqu'un avec qui j'avais juste échangé quelques mots à Sèvres un an avant, il avait le don de donner l'impression qu'on se connaissait depuis longtemps.
Puis je l'ai interviewé sur Rêves de Gloire, et à la fin il m'a dit qu'il avait bien rigolé en me voyant sans enregistreur, essayant de prendre à toute vitesse des notes sur tout ce qu'il disait du livre (un débit verbal énorme malgré une bonne fatigue de fête). Il a ensuite revu et approfondi l'interview par mail avant que je la mette en ligne. Cette interview-ci, c'est la seule que j'ai faite en coproduction au sens exact du terme.
Farewell man, et merci.
Gromovar
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Je m'associe à la douleur de tous ceux, proches et moins proches, qui sont sur le point de lui rendre hommage... en espérant un peu que la douleur partagée se dilue, et que les nombreux et humbles messages comme celui-ci contribuent à alléger un chouïa le fardeau de ceux qui la prennent en plein fouet.
Je ne connaissais pas Roland personnellement. Je suis non seulement un "simple lecteur", mais également un noob absolu du fandom, découvert avec ce forum. Mais depuis que je traîne mes basques ici, j'ai eu l'occasion d'interagir quelques fois avec lui, et j'ai été impressionné par ses emportements, derrière lesquels on croyait toujours deviner un clin d'oeil rigolard...
L'autre chose que j'ai découvert sur le forum, c'est qu'il faisait parti de ces piliers qui ne traitaient jamais personne par le mépris. C'est sans doute pour ça que je m'autorise à dire quelques mots ici : avec lui, tout le monde avait droit à la parole, et on ne se disqualifiait que par ses actes ou ses propos... jamais a priori.
La dernière chose que j'ai découvert, c'est son côté très "artisan", fier de son travail mais très modeste à la fois. Je n'ai compris la valeur de cette attitude qu'à la lecteur de Rêves de Gloire, sans doute son chef d’œuvre au sens du compagnonnage : voilà un livre extrêmement ambitieux et novateur, et il le défendait sans plus de prétention qu'un potier qui aurait réussi un beau vase... bien sûr, je me plante peut-être complètement, mais c'est ce que je percevais à travers ce forum.
La mauvaise nouvelle m'a touché. Beaucoup plus que je ne l'aurais cru, en fait.
Ce forum, la SF française, la SF tout court ont perdu beaucoup...
Toutes mes condoléances à la famille et aux proches.
Sylvain
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Ton odyssée dans l'espèce
S'est achevée hélas.
Tu n'attendras plus
La marée, quel triste reflux.
Tout ça, c'est bien dommage.
Adieu, l'ami, je t'aimais bien.
Noé Gaillard
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À VOUS
(Alain, Roland, Jacques, Pierre et tous les autres)
D’abord on jure et l’on conspue
Cette putain de chienn’ de vie,
Puis l’abcès crève et tout le pus
Des larmes s’écoule à l’envi.
On cherche en vain les mots à dire,
On se sent nul et tout petit,
Et puis l’on tient à s’interdire
De maladroites réparties.
Y a des silences qui ne sont
Que des chagrins pleins de pudeur.
D’autres ont de plus jolies chansons ;
On les bombarde ambassadeurs.
On se recule à l’arrière-plan :
Il y a toujours plus intime,
Plus riche en moments truculents,
Plus complice et plus légitime.
On n’était pas de la famille,
On s’apprivoisait gentiment
À coup de phrases qui pétillent
Et de promesses de moments.
Les verres que l’on devait s’offrir
Ne seront jamais avalés,
Il ne reste plus qu’à souffrir
En buvant ses larmes salées.
L’absence va peser très lourd,
Et puis le souvenir fera
Renaître la fleur de bravoure
Et sourire en pensant à toi…
À vous.
Nathalie Dau
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Comme je ne suis pas un jeune auteur des années 90, comme je n’ai dans ma vie joué que deux ou trois fois à des jeux de rôles ou des jeux vidéos*, comme je ne suis entrée dans le fandom qu’en 2001**, comme j’ignorais même jusque là qu’ils existait des fous pour faire des critiques sur les livres de SF que je lisais en cachette de ma mère, comme je ne lisais pas Le Fleuve Noir***, Roland C. Wagner n’a eu aucune influence ni sur mon écriture, ni sur mes lectures. Rigoureusement aucune. Lui, je l’ai lu dans ces eaux-là (celles de 2004) en me demandant qui était « ce petit jeune qui écrivait aussi bien qu’Ayerdhal et Jean-Claude Dunyach ».
On ne peut pas être plus naïve. Plus newbie.
Roland pour moi, ça a d’abord été le membre d’un forum que j’ai contacté par messages privés pour lui dire de bien vouloir se calmer. Rô, à ce moment-là, était entré dans une de ses phases de noire colère dont il était capable, et il le faisait savoir partout. Avec fracas.**** J’allais apprendre que c’était un état de fait relativement récurrent. Je suppose que Rô fut assez étonné de se faire tirer les oreilles comme un galopin par une inconnue à lunettes. Assez en tout cas pour ne pas m’envoyer bouler et finir la conversation sur le thème « C’est lui qui a commencé, Madame ! ». C’est là qu’on a ri, qu’on a commencé à causer minimum une fois par semaine, que j’ai continué à lui tirer les oreilles sporadiquement.**** * Putain, ça fait 10 ans maintenant, j’ai l’impression que c’était hier, quand je pense à ceux qui le connaissaient depuis son adolescence…
Même si je l’ai croisé IRL*** *** à cette époque-là, je n’avais jamais fait le lien entre cet homme que je voyais de loin et le sale gosse que je calmais quelquefois online.*** *** *
Finalement, je me dis que moi aussi je l’ai connu adolescent, vu qu’il n’a jamais vraiment cessé de l’être.
Et ça c’était chouette, vu que comme il me le disait récemment « Toi, Jeanne, tu auras toujours seize ans », je crois me souvenir que Sylvie a rajouté un truc du genre que ça me ferait toujours trois ans de plus que lui, à moins que ce soit Lucie Chenu ou MF, sais plus. Voilà, c’était un formidable compagnon de cour de récré et de beuverie.
Même si c’est pour Rô que j’ai écrit La vieille Anglaise, pour une antho qu’il n’a jamais sortie, même s’il m’a fait monter pour la première fois sur une scène de festival, même si on a discuté pendant des heures de bouquins, de narratologie, de littérature, de rock, de physique et de métaphysique, même si Rêves de gloire m’a assise les yeux dans le vague, même si depuis je rêve d’aller à la Pointe Pescade, ce ne sera pas pour ça que je me souviendrai de lui.
Je me souviendrai des fous rires et des engueulades, de sa mauvaise foi de fer et son intégrité de titane, je me souviendrais de la vraie amitié et de ses yeux qui frisaient, de cette façon incroyablement tendre et douce qu’il avait d’être ami avec les filles, en toute masculinité et sans la moindre ambigüité macho, de cet amour qu’il avait pour sa compagne. Je me souviendrai de ça, parce que les icones, Rô, il avait horreur de ça.
Et que je l’aimais.
Jeanne-A Debats
* Avec un pistolet sur la tempe ou la promesse de pizzas décongelées
** Et par des voies largement tortueuses
***Ben non, pas à ce moment-là. C’est ballot hein ? J’aurais pu avoir « l’Odyssée de l’espèce » en édition originale.
**** Sur le forum où je croisais, ça ne se faisait pas. (Enfin pas trop, pas en mélangeant l’œuvre et l’homme.) Et je tenais à ce que ça dure.
**** *Y’avait de quoi faire.
*** ***In Real Life
*** *** * Il n’y a pas d’autre mot.
*** *** **Avouons que quelquefois je l’ai chaudement encouragé aussi^^
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Je ne connaissais pas Roland, que j'ai longtemps pris pour Ayerdhal, et vice versa.
Je l'ai croisé une fois, à Zone Franche, il y a deux ans. J'étais assis à côté de S. Sanahujas et tous les deux discutaient de Mary Shelley et de son Frankenstein. Je n'ai pas osé me mêler à cette conversation passionnante. Peur de dire des absurdités. Peur de confronter la petite chandelle de ma culture à ce qui me semblait être un soleil d'érudition ; pas écrasant mais chaleureux.
J'aurais peut-être du l'ouvrir, en fin de compte. Parce que lorsque je vois tant de gens biens le coeur gros et meurtri dévoiler l'homme au travers de leurs souvenirs, je me dis que je ne connaissais pas Roland et que, vraiment, je le regrette.
Beaucoup.
Parce que j'ai le sentiment d'être passé à côté de quelque chose.
Julien d'Hem.
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Une rencontre grâce au Fleuve…
Une rencontre grâce au Fleuve…
et le courant passe.
S’il y avait un paradis pour les écrivains de SF, Roland y figurerait en bonne place.
Parce que Guieu lui doit beaucoup…
J’ai fait la connaissance de Roland il y a quinze ou vingt ans, par téléphone – et par l’entremise d’Alain Grousset. Quand j’ai montré à Alain ma collection du Fleuve Noir Anticipation, il a aussitôt remarqué que je possédais le N° 1 ( Les conquérants de l’univers ) en double.
- Tu devrais joindre Roland Wagner ! Je sais que le N° 1 lui manque, il le cherche !
Peu après, je l’appelle au téléphone.
- Je suis Christian Grenier, auteur de SF mais surtout auteur jeunesse. Tu ne me connais pas.
- Non, mais je sais qui tu es. Qu’est-ce qui t’amène ?
- Le N° 1 du Fleuve Noir. J’en ai un double.
- Vrai ? Magnifique ! Tu me le vends combien ?
- Ecoute, voilà ce que je te propose. Je possède deux livres de toi, c’est loin d’être ton intégrale… Alors s’il te restait quelques exemplaires d’auteur, on fait l’échange : tu m’envoies quelques bouquins à toi. Et je gagnerai au change, parce que euh… ce roman n’est pas le meilleur de Richard Bessière, et Bessière n’est pas non plus le meilleur auteur de SF.
Roland était bien placé pour le savoir…
Nos deux envois se sont croisés. Le paquet que Roland m’a envoyé était nettement plus lourd que le mien… Quelque temps plus tard, nous nous sommes enfin vus, à l’une des premières éditions des Utopiales. Roland savait que j’y serais aussi. Il m’a alors donné et dédicacé ses trois ou quatre derniers ouvrages, m’expliquant :
- Quand je t’ai envoyé mon paquet, ils n’étaient pas encore sortis !
Depuis, nous nous sommes souvent croisés, notamment au salon de SF de Labège l’an dernier, où il était l’un des invités avec Ayerdhal, Jean-Claude Dunyach, Pierre Bordage… et beaucoup d’autres.
L’annonce de sa mort brutale m’a abasourdi. C’est Danielle Martinigol qui m’a appelé le lundi matin, Danielle qui se souvenait avoir connu Roland lors de sa première apparition publique, à la Convention de SF de 1974, il avait 14 ans…
Claude Ecken, qui ne croyait pas avoir le courage de prendre la parole pendant ses obsèques, m’avait demandé, comme à d’autres sans doute, de lire en public quelques extraits de mon choix – et dans l’œuvre de Roland Wagner, il y a l’embarras du choix.
Les choses se sont passées un peu différemment puisque les hommages (de Claude et d’Ayerdhal ) n’ont pu durer qu’un quart d’heure, la direction du crématorium envoyant les participants attendre dans une salle attenante.
J’avais projeté de lire l’introduction à sa Petite Musique de l’esprit ( in Eden, Le chant du cosmos, L’Atalante, pages 171-172 ), l’introduction de Babaluma ( un des Futurs Mystères de Paris, L’Atalante, pages 19-20 ) et quelques courts passages qui évoqueront les idées, le ton et le style de Roland – et que ses familiers jugeront peut-être prophétiques :
"Tous les moyens sont bons pour changer la société, pour changer le monde, et la Gloire n’en est qu’un parmi tant d’autres. Désormais, je vais agir autrement, à d’autres niveaux, dans d’autres wagons du train de la réalité."
Et aussi :
"J’ai tant d’histoire à raconter, mais le temps m’est compté.
J’ai tant d’histoires à raconter que je ne raconterai jamais.
J’ai tant d’histoires à raconter… "( Rêve de Gloire, L’Atalante, pages 678 et 694 )
J’aurais sans doute achevé par les dernières lignes de Toons ( Fleuve Noir, page 328 ) :
"Pardon d’abréger, mais il faut vraiment que j’aille pleurer, et je préfère m’abstenir de le faire sur l’épaule de quelqu’un.
Chacun sa dignité."
Christian Grenier
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La nouvelle de ce décès m'a causé un vrai choc, alors que je ne connaissais Roland quasiment que de vue, au hasard des Utopiales et des Imaginales auxquels j'ai participé. Je n'ai eu qu'un bref échange avec lui au cours d'une dédicace de son livre L.G.M., au sujet de nos "origines communes" : nous sommes tous deux enfants de Pieds-Noirs, avec tout ce que cela peut comporter de questionnements sur plein de sujets délicats... Il m'avait parlé de son uchronie sur l'Algérie qui était encore à l'état de projet à l'époque, et je découvre seulement maintenant que le roman est publié et qu'il a rencontré beaucoup de succès.
Je pense beaucoup à Sylvie aussi, et je voudrais savoir comment elle va physiquement après ce terrible accident, ainsi que sa fille. J'ai lu des versions un peu contradictoires sur le web, de "légèrement" à "grièvement" blessée... Pour le moral, bien sûr la question ne se pose même pas, et je leur souhaite beaucoup de courage à toutes deux.
Laurence
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Parfois, on rencontre les auteurs qui nous ont fait vibrer et on s'aperçoit qu'ils ne sont tout simplement pas à la hauteur de leur talent. Roland, lui était plus que ça. Il était la dernière vestale de la vieille flamme, cash, dans ses amitiés comme dans ses aversions. Sa mauvaise foi, sa pugnacité et le souffle de punkitude dont il aérait salutairement notre milieu vont cruellement nous manquer.
Roland a toujours été le plus grand casse-couille de notre petit landernau, mais là... franchement, il abuse.
J'arrête avant de mouiller la bière que je bois à ta mémoire, camarade.
Eric Holstein
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Je connaissais Roland, on avait signé des livres ensemble. C’était un gars qui adorait rire, faire le pitre, on s’était super bien entendus. Il me faisait l’effet de quelqu’un de très intelligent, vif, pertinent. J’ai une pensée pour lui, c’est toujours triste de perdre un auteur de talent, surtout en de telles circonstances.
Paul Borrelli
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Quiconque a croisé Roland se pensait son ami. Parce qu’il était comme ça, ouvert à tous.
Quiconque a croisé Roland se pensait son ami. Parce qu’il était comme ça, ouvert à tous.
Après, il pouvait gronder et être colère, et rentrer dans le lard des mal pensants, normal.
Je suis comme tous ces gens : j’ai croisé l’artiste, bavassé avec lui de choses et d’autres. Et hop, je me suis senti son ami et ça m’a fait du bien.
J’ai osé bémoliser ses bouquins, me suis fait moufter le nez, ai répondu. Il a même parlé des miens (que personne ne sait qu’ils existent mais lui si, il savait tout de la SF, même ce que font les amateurs).
Ce type était unique et il le restera. Zyva les djeunz, essayez pour voir ! Aucune chance !
Bizarrement, il était né douze ans après moi mais il en savait plus sur ma jeunesse et la contre-culture, la fin des sixties et le début des seventies, un moment magique du monde où tout était possible. Aujourd’hui chacun est redescendu de son trip, a constaté la fin des rêves et des illusions. Et, avec lui en moins, c’est encore plus dur à vivre.
Mais on va continuer à gueuler, à se rebeller, à hurler que la liberté ne se restreint pas, nulle part et jamais.
Les atomes, électrons et bosons qui l’ont constitué vont repartir vers les étoiles originelles, et la psychosphère va grandir dans plusieurs dimensions avec l’arrivée du maestro.
Après avoir chialé, réjouissons-nous, il n’y a rien d’autre d’intéressant à faire.
Hervé Thiellement
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Je l’avais à peine rencontré, lui qui m’avait donné un mes premiers et de mes plus grands coups de coeur littéraires, avec cette SF délirante et décomplexée des Futurs mystères de Paris, une des références essentielles de ma culture personnelle. Pourtant, j’avais vite appris à apprécier l’homme derrière les livres, croisé aux Imaginales et Utopiales. J’aimais sa dégaine de baroudeur, de vieux cow-boy, de vrai rockeur, son large sourire moustachu et ses yeux grands ouverts, souvent rieurs. J’allais à certaines conférences parfois uniquement motivée par sa présence, jubilant d’avance de ses remarques pertinentes et les pieds dans le plat. Richement cultivées, aussi. Il faisait plaisir à voir au bar à rigoler et discuter avec ses copains, ses lecteurs, n’importe qui, même s’il m’aurait fallu encore un peu de temps avant de m’y joindre. Un (trop bref) instant à la table de dédicace, c’était déjà un premier pas pour moi... Hélàs il n’y en aura pas d’autre. Plus rien d’autre. Comme ça, pouf, brutalement. Trop tôt. Trop dur. Trop triste. Ne reste plus que le manque, immense, affreux, cruel... Et notre mémoire et notre affection à tous. Bol de Soupe !
Je l’avais à peine rencontré, lui qui m’avait donné un mes premiers et de mes plus grands coups de coeur littéraires, avec cette SF délirante et décomplexée des Futurs mystères de Paris, une des références essentielles de ma culture personnelle. Pourtant, j’avais vite appris à apprécier l’homme derrière les livres, croisé aux Imaginales et Utopiales. J’aimais sa dégaine de baroudeur, de vieux cow-boy, de vrai rockeur, son large sourire moustachu et ses yeux grands ouverts, souvent rieurs. J’allais à certaines conférences parfois uniquement motivée par sa présence, jubilant d’avance de ses remarques pertinentes et les pieds dans le plat. Richement cultivées, aussi. Il faisait plaisir à voir au bar à rigoler et discuter avec ses copains, ses lecteurs, n’importe qui, même s’il m’aurait fallu encore un peu de temps avant de m’y joindre. Un (trop bref) instant à la table de dédicace, c’était déjà un premier pas pour moi... Hélàs il n’y en aura pas d’autre. Plus rien d’autre. Comme ça, pouf, brutalement. Trop tôt. Trop dur. Trop triste. Ne reste plus que le manque, immense, affreux, cruel... Et notre mémoire et notre affection à tous. Bol de Soupe !
Tortoise
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Je n’ai physiquement passé que très peu de temps avec lui, mais je garde un grand souvenir de notre rencontre à Bruxelles. Une timide demande d’autographe s’est transformée en une après-midi de discussion passionnée et passionnante sur la SF, le rock et la vie... Quant à l’auteur, je lui dois de nombreuses et agréables heures de lecture ainsi qu’une bonne partie de ma culture SF et BD de par sa rubrique Inspis dans Casus Belli.
Daniel Fastrae