Roger Zelazny est un auteur américain hors normes. Maintes fois nominé et souvent récompensé, il laisse après sa mort, à l’âge de 58 ans seulement, une œuvre littéraire foisonnante de nouvelles et de romans explorant les mythologies de l’humanité. Toi l’immortel, son premier roman, obtient même en 1965 le prix Hugo, obtenu ex aequo avec Dune de Frank Herbert ; mais c’est surtout avec Le cycle des princes d’Ambre qu’il offre sa réussite majeure et acquiert le succès auprès du grand public. Avec Seigneur de Lumière récompensé par le prix Hugo en 1968, Roger Zelazny nous emmène pour un voyage à travers la mythologie hindoue.
Sur une planète isolée, les hommes vivent dans l’ignorance sous le joug de divinités. Ces derniers les empêchent de construire leur propre Voie en détruisant toutes les découvertes et les progrès techniques. Mais un être décide de se soulever. Il possède bien des noms : Bouddha, Tathāgata, Mahasamatman ou encore le prince Siddhartha. Mais appelez-le Sam. Revenu à la vie, c’est au nom de l’humanité qu’il compte lutter contre les immortels de la Trimoûrti...
Une œuvre remarquable
Seigneur de Lumière est un véritable enseignement de créativité. Zelazny nous y fait la démonstration de son talent avec une maîtrise narrative si peu commune qu’elle en est admirable. L’écriture très dense mais fluide nous immerge dès les premières lignes dans un univers mythique très riche, poétique, dépaysant et coloré. Zelazny parvient à marier divinité et technologie, mythologie et science-fiction avec une grande agilité. Le monde pourtant lointain et merveilleux créé par l’auteur nous semble contemporain, familier.
Et là est la magie du roman : science-fiction, fantasy, mythologie, épopée et préceptes religieux et philosophiques viennent se mêler pour nous offrir un récit ambitieux et majestueux. De fait, la lecture doit être attentive au risque de se perdre dans la multitude des noms divins et dans la narration, mais cela apporte aussi son charme au récit.
Un enchantement narratif
L’ouverture du récit avec le pronom indéfini « On raconte… » marque l’oralité de cette œuvre. L’auteur nous conte un mythe qui nous berce, nous transporte, nous apaise. Il ne faut donc pas s’attendre à des scènes d’actions marquantes et angoissantes, mais plus à des alliances et mésalliances, des manipulations et conspirations. Et lorsque Sam laisse entendre sa voix, cela en est hypnotique. Le lecteur voyage sur les pas de Sam dont les yeux se font les nôtres pour nous guider dans un passé intemporel où nous y semblons errer. Le temps perd en effet toute notion devant l’immortalité et les résurrections. Nous croisons des hommes, des dieux et des déesses, des créatures maléfiques et d’autres merveilleuses.
La lecture achevée, l’impression qui nous reste est que l’histoire continue… Et cela, au-delà même de la simple absence du point devant clôturer l’œuvre – involontaire de l’éditeur. Une absence que l’on pourrait qualifier d’intervention divine : elle semble ainsi nous inviter à perpétuer le mythe de ce Seigneur de Lumière, car après tout, les mythes ne meurent jamais. Ils revivent grâce à ceux qui les racontent...
Avec Seigneur de Lumière, c'est un ravissement littéraire que nous offre Zelazny.