Publié dès 1978 dans l’anthologie Futurs au présent de Philippe Curval, Jean-Marc Ligny sort ensuite Temps Blancs, roman à la narration expérimentale marqué par la new wave et le punk. Il fut publié dans les années 1980 et 1990 à la fois par les éditions Fleuve noir (la série des Voleurs du rêve) et par Denoël dans la prestigieuse collection Présence du futur (Yurlungur, La mort peut danser), sachant donc alterner des œuvres populaires et des fictions plus ambitieuses. Il a désormais trouvé refuge aux éditions de l’Atalante, avec un certain bonheur comme on va bientôt le voir.
Au crépuscule de l’humanité
Nao et Denn ont grandi au sein d’une tribu dans une caverne près de l’océan. Suite aux changements climatiques, ils vivent la nuit et évitent un soleil devenu beaucoup trop chaud pour les hommes la journée. La tribu a passé un pacte avec les fourmites, nouvelle espèce née de la fusion entre termites et fourmis avec qui le père de Nao est en lien télépathique. Ces insectes les aident à trouver de l’eau et à survivre. Cependant, la tribu va mal : de moins en moins d’enfants naissent chaque année, de plus en plus souffrent de malformations et meurent avant l’âge adulte. Certains membres de la tribu accusent leurs ancêtres des âges sombres d’avoir provoqué leur malheur actuel. Dans quelques dizaines d’années, il ne restera plus personne…
Denn rencontre un jour dans le désert un étranger, Natsumé. Bien qu’il ne comprenne pas sa langue, il l’aide et lui donne à boire et à manger, en dehors de la tribu. Natsumé est tué par les scorpions mais Denn récupère certains de ses outils (dont des jumelles et une boussole). Denn réussit à persuader la tribu de le laisser partir afin de trouver la ville dont venait Natsumé, quelque part au nord dans un pays qui s’appelait le Groenland. Nao l’accompagne, avec un groupe de fourmites qui veulent fonder une nouvelle colonie.
L’apocalypse selon saint Jean-Marc
Semences est le troisième tome d’une trilogie qui comprend Aqua et Exodes que Jean-Marc Ligny a décidé de consacrer au changement climatique. Incontestablement, ce roman est une vraie réussite. Il se présente comme une initiation, celle de Denn et Nao, à un monde jonché de ruines, celles de notre civilisation. Le message disons politique de l’auteur est assez clair, à un moment où vient de se tenir la COP21 et où la nécessité de limiter le changement climatique se fait chaque jour sentir. L’univers de Semences, c’est en effet un futur possible, une route que notre monde peut prendre et où l’humanité, à terme, disparaîtrait. Cela fait froid dans le dos…
Ce roman fonctionne cependant sur un autre registre : la force de Ligny est de nous faire voir cet univers à travers les yeux de deux jeunes innocents, voire candides. Nous ne sommes finalement pas si loin du ton d’un Stefan Wul, auteur fameux et certainement admiré par Jean-Marc Ligny, voire de celui d’un Sturgeon. Au final, une histoire sombre mais passionnante, désespérée et en même temps humaniste. Un très bon livre que je vous invite à découvrir.