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Sillage

Philippe Buchet (Dessinateur, Coloriste), Jean-David Morvan (Scénariste)
Cycle/Série : 
Langue d'origine : Français
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 31/05/2002  -  bd
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Sillage

Morvan est un scénariste prolixe, féru de science-fiction et à l'imagination fertile. Il est aussi fidèle en amitié. Ses premiers collaborateurs, il les a connus sur les bancs de l'école (du lycée pour être plus précis) : Christian Lerolle et Franck Guréghian, les futurs Colors Twins, et Savoïa. Il voulut d'abord être dessinateur, mais a été exclu des Beaux-Arts pour cause de non-assistance au cours. Il se met alors à faire des scénarios pour ses copains. Et c'est avec surprise qu'il apprend que la Bande Dessinée Reflets perdus qu'il a réalisée avec Savoïa a retenue l'attention de Zenda qui l'édite. Puis, c'est un festival de BDs qu'il propose à ses lecteurs et ses admirateurs de plus en plus nombreux. Il rencontre Buchet grâce à Savoïa et à eux trois ils sortent Nomad chez Glénat. Toujours chez le même éditeur, il publie avec Trantkat la série HK qui doit autant à la S-F française qu'au manga japonais. Il a également travaillé avec Sfar et Boiscommun sur la série Troll parue chez Delcourt, qui est assez étrange puisqu'elle réunit trois auteurs au style et aux univers très différents. La liste de ses bandes dessinées est encore longue, donc pour conclure sur sa bibliographie, citons en dernier Le Cycle de Tschaï, l'adaptation en BD de l'œuvre de Jack Vance, qu'il a réalisée avec Li-An et qui a connu de la part du public autant de louanges que de critiques.

Philippe Buchet est un dessinateur au parcours singulier. Il arrête ses études en première et décide de monter à Paris. Là, il vit des dessins qu'il parvient à vendre et de ceux qu'il réalise sur les vitrines de cafés. Puis Buchet s'installera finalement à Reims comme dessinateur indépendant, et intègrera ensuite une société dans laquelle il s'occupe de la communication interne, qu'il réalise sous forme de BD. La rencontre avec Morvan pour la série Nomad dans un premier temps, puis pour Sillage, lui permet de connaître enfin un succès mérité.

Terroristes...

Sillage est en ébullition, une exposition sur la vie terrestre est organisée grâce aux données récupérées dans le vaisseau de Nävis. Cette dernière est donc à l'honneur pour la soirée. Mais les festivités sont interrompues par le suicide de l'ambassadeur du peuple Ftoross qui fait écho aux attentats-suicides qui ont lieu dans les transports en commun. Nävis est confrontée pour la première fois à la misère et la pauvreté de ce peuple qui vit dans des " Bidons-nefs " et qui meurt lentement de maladie que l'on ne peut soigner faute de moyens financiers. Elle, seule humaine de Sillage, sera prise en otage par un groupe de terroristes qui voit là le seul moyen pour faire entendre le cri de détresse de leur peuple et provoquer l'intérêt des autres races plus influentes et plus riches.

Un tome à plusieurs niveaux

Sillage est une excellente série de science-fiction. D'album en album, Morvan rend son univers plus dense et ce cinquième opus est peut-être le plus abouti de tous car le plus profond. Au fil des volumes, le lecteur suit l'apprentissage de Nävis et plus elle grandit, plus les problèmes auxquels elle est confrontée sont complexes. Dans ce dernier album, au nom imprononçable, l'action se situe sur Sillage même, tout comme dans le deuxième tome, Collection privée. Morvan politise de plus en plus ses scénarios, là, il va jusqu'à tendre un miroir au lecteur. L'histoire qu'il met en place est le reflet de notre monde, le terrorisme est au cœur de l'intrigue. Après les attentats du 11 septembre, le monde occidental a lancé une " guerre au terrorisme ", oubliant parfois de s'attaquer d'abord aux causes mêmes de ce terrorisme. Ce que tente de faire Morvan, c'est de mettre en lumière ce qui pourrait justifier le recours au terrorisme, à savoir, la misère et son cortège de maux. Son héroïne, Nävis, est pétrie de bonnes intentions et de compréhension face au peuple Ftoross, l'anagramme de son nom, naïve, n'a jamais été aussi vrai. A travers ses réflexions, Morvan nous donne à lire une véritable petite dissertation politique dans laquelle il tente d'éviter le manichéisme. Pari à moitié réussi puisque l'impression que l'on garde à la fin, c'est tout de même, les gentils terroristes et les méchants hommes politiques. Il semble que les auteurs aient voulu faire référence au conflit israélo-palestinien et plus largement au conflit opposant le monde occidental au monde musulman, ce que l'on peut comprendre grâce à quelques indices, le langage extraterrestre par exemple qui laisse le lecteur aussi perplexe que devant de l'Arabe ou bien encore la misère crasse dans laquelle vivent les Ftoross. Mais ils omettent d'autres éléments essentiels à la compréhension totale du conflit, dont le principal est la religion, ce qui a pour effet de trop simplifier le problème et d'en tirer des conséquences qui sont dès lors biaisées.

La conclusion selon laquelle la démocratie est une forme d'autoritarisme (et qu'elle est gouvernée par le capitalisme) n'est de surcroît pas franchement nouvelle, on pourrait emprunter cette pensée célèbre : " la démocratie n'est pas le meilleur des régimes mais le moins pire ", pour le prouver. Peut-être l'intrigue était-elle trop complexe pour la mettre en scène en un seul album, un deuxième aurait permis réellement d'aller au fond du problème au lieu d'en faire un prétexte à une aventure. Quant au dessin, il n'y a rien à redire, Buchet s'en sort toujours aussi bien et démontre une nouvelle fois que son imaginaire est fertile. On découvre avec un plaisir chaque nouvelle race qui naît sous son crayon. Sa double page est à la fois audacieuse et novatrice et pour la lire, un conseil, suivez les flèches (et prenez garde aux clins d'œil notamment à Golden City). En outre, on constate qu'au fil des albums Nävis mûrit et que cela se retrouve dans les traits que lui prête Buchet d'une manière presque imperceptible.

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