- le  

Stalker

Arkadi Strougatski ( Auteur), Boris Strougatski ( Auteur), Lasth (Illustrateur de couverture), Svetlana Delmotte (Traducteur)
Langue d'origine : Russe
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 31/03/2010  -  livre
voir l'oeuvre
Commenter

Stalker

Les frères Strougatski, Arkadi et Boris, nés respectivement en 1925 et 1933, sont les auteurs russes de science-fiction les plus connus au monde. Ce statut, ils le doivent à quelques-uns de leurs romans qui ont marqué leur époque, tels L'Auberge de l'alpiniste mort, Il est difficile d'être un dieu et évidemment Stalker. Denoël poursuit la réédition des ouvrages principaux des deux écrivains avec ce dernier roman, ainsi que L'Île habitée qui paraît en même temps.

Un statut de chef-d'œuvre mérité

Stalker, paru pour la première fois en 1972, est un roman qui a fortement marqué les esprits. Porté à l'écran en 1979 par Andreï Tarkovski, le livre des frères Strougatski a rapidement été considéré, dès les années quatre-vingt, comme un chef-d'œuvre de la science-fiction. À tel point qu'en 1986, après la tristement célèbre catastrophe nucléaire de Tchernobyl, les hommes et femmes qui participèrent à l'étouffement du réacteur numéro quatre, à l'origine de l'accident, furent surnommés "stalkers".

Dans leur roman, les deux auteurs Russes mettent en scène Redrick Shouhart, qui gagne sa vie en exerçant la profession de stalker. Il est donc hors-la-loi, puisque comme ses collègues, il explore clandestinement la Zone à la recherche d'artefacts laissé là par les Visiteurs. Ces derniers sont venus en six points de la planète, pour repartir presque aussitôt. Personne ne sait qui ils sont, personne ne les a vus. Ils n'ont laissés derrière eux que des territoires piégés par des phénomènes mortellement dangereux, par les radiations et où on trouve des objets dont les scientifiques tentent vainement de comprendre le fonctionnement et donc la fonction.
La traduction littérale du titre original du roman, Pique-nique au bord du chemin, laisse deviner l'hypothèse avancée par le prix Nobel Valentin Pilman, qui apparaît à deux reprises dans le livre – dans le prologue qui est une interview du personnage, et dans le troisième chapitre – afin de fournir des explications éclairant le lecteur sur l'idée de base du roman. Tout à fait fascinant, le concept de la Visite est bouleversant de simplicité, remettant l'humanité à sa place au sein d'un univers peuplé par au moins une autre civilisation ; une civilisation dont on ne sait rien d'autre que son avance technologique considérable et le peu de cas qu'elle a fait de l'espèce intelligente habitant la Terre. Pour ces extraterrestres, la petite planète bleue semble en effet avoir tout juste été bonne à servir d'aire de repos bucolique au bord des sentiers spatiaux.

Pour autant, les Visiteurs restent un élément assez anecdotique. Les extraterrestres et leur visite ne sont que la toile de fond d'un récit qui est centré sur le personnage de Redrick Shouhart. Si les intrusions de ce dernier dans la Zone ont de l'impact sur l'avancée de l'histoire, les Strougatski se concentrent tout autant sur les autres scènes car ce qui compte, c'est de montrer les errances d'une humanité insignifiante, laissée sur le bord du chemin par des êtres venus d'ailleurs.
En effet, Shouhart est un habitant comme beaucoup d'autres dans une ville d'Harmont transformée par la Visite. C'est un homme ordinaire, de la classe populaire, pour qui gagner sa vie n'est pas chose facile. Soumis à la tentation des richesses de la Zone – les artefacts qui y sont retrouvés font l'objet d'un commerce illégal brassant des sommes considérables –, doué pour un métier demandant ruse, discipline et courage, Shouhart ne peut renoncer à pratiquer la profession de stalker, même s'il risque au pire la mort, au mieux la prison, mais surtout, de laisser seuls et sans revenu sa femme et sa fille.
Le lecteur se laisse entraîner, tout au long du roman, sur les pas de ce personnage authentique, un tout-à-chacun dont les activités, les relations avec les autres protagonistes permettent de s'interroger sur le sens de la vie dans un monde où les bons sentiments, les meilleures intentions, ne sont que rarement récompensées. Le tout, exalté par le rythme lent, contemplatif, voire même mélancolique, imposé par la plume des Strougatski, ainsi qu'une ambiance ténébreuse – d'ailleurs parfaitement retranscrite sur la couverture de cette édition, signée Lasth.

Depuis la dernière réédition française du roman, en 1994 – chez Denoël, dans la défunte collection Présence du Futur –, Stalker avait été, à l'instar du reste de l'œuvre des frères Strougatski, quelque peu oublié. Pour la première fois publié dans son intégralité, avec une traduction révisée, le livre des deux auteurs russes conserve tout son prestige, n'ayant rien perdu de sa qualité avec le temps.
Un chef-d'œuvre, ce roman en est certes un. Il le doit au juste équilibre dont savait faire preuve Arkadi et Boris Strougatski dans l'utilisation des éléments science-fictifs au sein de leurs récits, les utilisant avant tout comme catalyseurs des événements, et non en leur donnant une importance occultant tous autres aspects de leurs livres.
Stalker est de ces lectures incontournables, qu'on ne peut pas ignorer, surtout quand l'ouvrage est réédité avec le niveau de qualité qui caractérise la collection Lunes d'Encre.

Genres / Mots-clés

Partager cet article

Qu'en pensez-vous ?