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Stéphanie Nicot arrive à Sirennes
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Stéphanie Nicot arrive à Sirennes

Connue pour avoir été la directrice artistique du festival des Imaginales pendant deux décennies, Stéphanie Nicot rejoint le festival Sirennes à Rennes. Pour Actusf, elle revient sur ses missions précises et ses envies.

ActuSF : Comment se sont noués les contacts avec Sirennes ?
Stéphanie Nicot : Très simplement. En avril 2022, Xavier Dollo, que je connais de longue date comme écrivain, mais aussi comme libraire et éditeur, m’a invitée à participer à un tout nouveau festival rennais. Intervenante, j’y ai bénéficié d’une totale liberté d’expression, à un moment où, ailleurs, ma liberté de programmation était remise en cause, et ma parole contrainte puis ouvertement censurée. Dans ce contexte, me trouver à Rennes, ville de culture et d’ouverture, au cœur d’une nouvelle initiative culturelle consacrée à la SF et à la Fantasy, m’a permis de me ressourcer en vivant l’effervescence et l’enthousiasme propres aux projets qui naissent ! Il y avait des invités passionnants et un public chaleureux, avec une présence forte de collégiens, lycéens et étudiants, et des enseignants impliqués et motivés (je comprends d’autant mieux ces enjeux que, professeure certifiée de Lettres et d’Histoire-Géographie, j’ai enseigné une dizaine d’années en lycée professionnel).

Quelques semaines ont passé. Ensuite, tout s’est accéléré. En effet, 48 heures après la fin de mon précédent engagement, des responsables du festival Sirennes m’ont appelée afin d’envisager les conditions de ma participation à des projets que j’ai d’emblée trouvé novateurs. De mon côté, après 20 ans de direction artistique, je me réjouissais d’apporter autrement mon savoir-faire et mes idées à une structure déjà existante (j’adore travailler en équipe).1 Désormais, dans mon domaine d’expertise, je ne m’interdis rien, sauf si les gens et les projets me déplaisent éthiquement (pour dire vite : sexistes, racistes et LGBT-phobes s’abstenir). Bref, pour moi, ça sera, encore plus que par le passé, aucune concession sur les valeurs humaines essentielles, et ouverture totale sur tout le reste.

Et puis Rennes, c’est une ville qui me parle. Lorraine d’adoption, je suis originaire de Saint-Cast, perle des Côtes d’Armor, où j’ai passé mon enfance et où résident mes deux frères ; un de mes grands-pères était marin, et l’autre, pharmacien, parlait breton (je regrette qu’il ne m’ait pas transmis ce patrimoine linguistique). J’ai donc été élevée aux galettes de sarrasin (le cidre fermier est venu bien après) et biberonnée de culture celtique (Gilles Servat, Tri Yann, Allan Stivell, Dan ar Braz, etc.). C’est sans doute l’une des raisons de mon intérêt de longue date pour l’histoire et la culture irlandaise (il y a là-bas des chanteuses celtique et des autrices d’imaginaire à tomber par terre, je ne vous dis que ça).

Stéphanie Nicot en dédicace @ED


ActuSF : Quelles seront vos missions ? Et le périmètre de votre poste ?
Stéphanie Nicot : Le communiqué de l’université de Rennes 2, annonçant mon arrivée à Sirennes, est limpide2 : je viens renforcer la direction artistique, assurée par Xavier Dollo, et l’équipe du festival, en leur apportant mon expérience, mon savoir-faire et mon enthousiasme. Dans ce cadre, la confiance, tant professionnelle que personnelle, que me témoignent de longue date les acteurs des littératures de l’imaginaire, et le soutien qu’ils m’ont massivement manifesté l’an dernier, reflète ma façon de travailler avec les autres. Je vais évidemment favoriser les contacts de Sirennes avec tous les professionnels de l’imaginaire, auteurs, traducteurs, éditeurs, libraires et autres acteurs de la chaîne du livre. Mais je dois aussi proposer des initiatives, en lien avec les formations diplômantes de l’Université Rennes 2 relatives au genre et l’important corpus féministe d’autrices anglo-saxonnes et francophones. Ces questions sont encore peu maîtrisées en France, et à Rennes, ville pionnière en la matière, je vais pouvoir faire avancer des dossiers et des projets qui me tiennent à cœur.3

ActuSF : Quel regard portes-tu sur ce festival naissant ?
Stéphanie Nicot : Je crois vraiment à ce projet original, piloté par de vrais connaisseurs des cultures de l’imaginaire, et qui affiche d’emblée de très fortes ambitions culturelles. Né au cœur de l’université4 Rennes 2, en particulier de l’UFR de Sciences sociales avec Johan Oszwald et Axel Lenouvel, le festival Sirennes a été pensé et bâti autour d’une vision forte où l’université favorise les cultures contemporaines en renforçant les liens avec toute la communauté scolaire (c’est au lycée que se prépare une entrée réussie en faculté), tout en mettant en œuvre des procès novateurs de professionnalisation de ses étudiant.e.s.

Mais la volonté de toucher également le public le plus large possible est présente, comme le montrera déjà la rencontre du 9 mars 2023, autour de la venue de Jean-Philippe Jaworski, parrain de l’édition 2023, d’Anne Besson et de Florian Mazel, universitaires (on en reparle très vite).


ActuSF : Quelles sont vos envies aujourd’hui ?
Stéphanie Nicot : Réaliser tous les projets que je n’ai pas, jusqu’ici, eu le temps ou les moyens de mettre en œuvre ! Après un temps de réflexion, j’ai décidé d’accroître la partie éditoriale de mon travail, en continuant à publier des anthologies (la prochaine sortira en mai chez ActuSF) et à animer ma collection SF adulte chez Scrineo, mais aussi en travaillant sur des textes patrimoniaux (chez Mnémos, entre autres)5. J’ai également eu de nombreuses propositions éditoriales, dont l’une, passionnante également, me donne envie de faire des choses assez nouvelles pour moi (je détesterais m’encroûter !).

L’édition m’a toujours passionnée, et l’événementiel aussi. Pouvoir désormais articuler les deux de façon harmonieuse me convient parfaitement.



1. Le contenu de mes missions et ma place dans l’équipe ont tout de suite fait consensus, mais la partie administrative a évidemment été longue à mettre en œuvre, ce qui est souvent le propre des grandes institutions. Au final, l’université de Rennes 2 m’a fait une belle proposition, et j’ai dit oui sans hésiter.
2. https://nouvelles.univ-rennes2.fr/article/sirennes-festival-rennes-2-dedie-aux-cultures-limaginaire-prend-lampleur
3. Je vais par exemple montrer, à partir de la révision et du travail critique sur le roman SF emblématique du féminisme américain des années 70, comment le choix d’une traductrice maîtrisant ces questions est essentiel au respect du texte d’origine, et donc au projet littéraire de l’autrice.
4. On mesure positivement ce que cela dit aujourd’hui sur la reconnaissance de la SF et de la fantasy dans une institution aussi importante que l’université française.
5. Parmi ces projets, une intégrale raisonnée des nouvelles d'un auteur emblématique de ce qu’on appelle « l’âge d’or » de la SF américaine, la réédition, en faisant réviser une traduction fautive, d’une autrice majeure de la SF féministe anglo-saxonne, d’autres rééditions et un ouvrage sur l’histoire de la SF française (en coll.).

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