Anne-Laure Bondoux est connue pour ses romans jeunesse et adulte qui ont reçu des prix comme le prix Sorcières. Auparavant journaliste, elle se consacre depuis 2000 à l’écriture de romans.
Un pays, une ville inconnus, qui pourraient être les nôtres. Un monde autrefois prospère et heureux, maintenant ruiné et ravagé par les guerres. Une usine inhumaine devenue le bagne obligatoire pour qui veut gagner sa vie.
Et Bo arrive d’un lointain pays du Nord, et rencontre Hama. C’est le coup de foudre, le début d’une chaleureuse histoire d’amour, sous les yeux complices puis hostiles de la petite ville.
Bo et Hama devront partir, et traverser de nombreuses épreuves qui mettront leur couple en péril. Ils apprendront à affronter leurs peurs et à se redécouvrir. Lorsqu’ils atteindront le bout de leur chemin, c’est leur fille qui bouclera la boucle et les réconciliera avec leur passé.
Une magnifique histoire d’amour
Belle à en pleurer (j’ai versé quelques larmes !), et portée par l’espoir en la vie. Du coup de foudre initial à la dernière lettre, une histoire à la fois humaine et fascinante, qu’on aurait tous envie de vivre. Pourtant l’auteure ne cède pas à la facilité : ce couple affronte des épreuves, se déchire parfois, a du mal à communiquer.
L’usine
Un monde proche de notre quotidien, ou plutôt proche de celui des ouvriers et manutentionnaires des usines aux XIXe et XXe siècles, avec les journées harassantes, les semaines qui ne veulent pas se terminer, les quelques loisirs devenus si rares qu’on n’ose plus en profiter… On sent que l’auteure connaît cet univers et qu’elle a vu les ravages qu’il peut causer.
Non seulement les ravages, mais aussi les dangers, qui marquent les personnages dans leur chair, dans leur âme, des dangers qui n’épargnent personne.
La magie
Et pourtant il y a de la magie dans ce monde : le chamanisme des parents de Bo et de Titine-Grosses-Pattes, les visions de Hama, les ombres de Tsell… On est à la fois dans l’univers très réaliste du monde ouvrier, et dans une sorte de fantastique magique où les ombres deviennent le symbole du potentiel de chacun, de ses capacités d’épanouissement.
La magie ici est mystérieuse, inquiétante et capable du pire, mais elle est aussi ce qui permet de se libérer du quotidien de l’usine et de la ville dévastée, elle est l’échappatoire à la méchanceté violente et sordide des habitants de la ville.
On a aussi un conte de fées dans ce roman : la famille de Douze fait beaucoup penser aux sept nains. Ils sont frères et sœurs, très nombreux, très petits, très sages à leur façon, avec chacun leur « nom » particulier et leur spécialité ; et ils vont recueillir Bo et Hama puis leur fille au moment le plus critique de leur vie.
Et tout est très poétique : le roman est écrit dans une langue douce et mélodieuse, très agréable à lire. On lit cette histoire d’une traite car la lecture est aisée et on veut savoir ce qui arrivera à Bo et Hama !
La philosophie
Ce roman nous offre une certaine philosophie de vie, une manière de voir les choses, par exemple dans les titres des chapitres qui rappellent le principe du ying et du yang : « Le bruit et le silence », « L’ombre et la lumière », « L’ordre et le désordre ». La sagesse de Titine-Grosses-Pattes (« C’est beaucoup mieux que le théâtre de Bo. Celui-là est composé uniquement d’ombre et de rêve : personne ne peut le détruire. »), du vieux Melkior (« Le passé et l’avenir. L’un révèle l’autre »), de Quatre (« Ce qui protège finit par affaiblir »), font réfléchir et peuvent aider les adolescents à se poser les bonnes questions.
C’est un très joli roman à conseiller aux adolescents qui y trouveront beaucoup d’émotions, des aventures, des catastrophes, et quelques sensations fortes ! Le roman est un peu long pour le niveau collège, mais il se lit facilement, pour peu qu’ils aient du vocabulaire.