A l'occasion de la sortie de Renaissance : Thaïr, une histoire du futur aux éditions Léha, Jean-Luc Marcastel revient sur l'écriture de ce roman.
Actusf : Thaïr, une histoire du futur, Renaissance, est paru dernièrement aux éditions Léha. Quelle a été l’idée à l’origine de ce roman ?
Jean-Luc Marcastel : Cela faisait très longtemps que je portais cet univers en moi. Il était là, par bribes, en visions brèves, fragmentées… des fenêtres ouvertes sur un ailleurs, un avenir qui n’existerait jamais, ou peut-être que si…
Un jour j’ai décidé de l’explorer. Je suis allé fouiller en moi-même, je suis entré par une porte, et j’ai commencé à écrire ce que j’en ramenais.
Ce n’était au départ que des notes : comme celles d’un explorateur : des peuples, des paysages, puis une histoire, celle de ce monde blessé, cicatriciel, qui se remettait d’un cataclysme.
J'ai voulu savoir ce qui avait causé ce cataclysme. Alors même que j’écrivais les origines de ce monde, ses paysages, sa faune, sa flore, ses peuples, des histoires ont jailli spontanément, des témoignages, que j’ai retranscrits aussi, pour rendre ces notes plus vivantes.
Tout cela à fini par composer un background de plus de 350 pages en interligne 1… l’aperçu d’un autre monde, d’un futur possible…
Arrivé à ce point, je me suis demandé laquelle des histoires de ce monde j’allais raconter. Une histoire se déroulant juste au moment du cataclysme ? Pendant le Nocturnage (la période où les hommes se sont réfugiés dans les bastions souterrains). Ou plutôt après, dans ce nouveau monde qui en a résulté…
J’ai choisi ce nouveau monde. J’avais envie d’en parler car il s’y déroulait des choses terribles, à la fois effroyables et épiques.
J’ai rencontré certains des héros de ce, monde. Je les ai aimés, et j’ai voulu raconter leur histoire…
J’ai longtemps cherché un éditeur pour cette histoire et cet univers original qui me tenaient particulièrement à cœur et me hantait, tant j’étais sûr qu’il s’agissait d’une de mes grandes œuvres, mais je voulais qu’ils soient publiés sous la forme que je souhaitais, sans être censurés ou saucissonné et je voulais qu’elle soit illustrée par mon ami d’enfance (et auteur de bandes dessinées de renom), avec qui je partage mes univers depuis si longtemps, Lionel Marty.
Je remercie mon éditeurs, Jean-Philippe Mocci, et les éditions Leha, de m’avoir offert la possibilité de vous faire connaître ce monde et ses habitants.
Actusf : Pouvez-vous nous dire quelques mots de l’intrigue ?
Jean-Luc Marcastel : Je vais essayer :
Il y a 1300 ans, quelque chose s’est produit dans la cité de Lunaria, sur notre satellite que les hommes avaient colonisé. Un mal, un haut mal, une peste consciente, la Malpeste, dont on ignore la véritable nature, s’est emparé des habitants de la lune. Pour éviter que ce mal ne gagne la Terre, le gouvernement mondial envoya contre Lunaria ses quatre croiseurs de combat avec ordre de la stériliser par le feu nucléaire. Deux furent détruits, un, le Léonidas, parti à la dérive dans l’espace, nul ne sait ce qu’il advint de lui. Le quatrième, le Miyamoto Musashi, endommagé, se saborda sur Lunaria dans l’explosion de ses moteurs à fusion.
Mais le mal qui possédait à présent Lunaria eut le temps, avant l’explosion, de lancer contre la terre un missile antimatière qui causa l’Anthir, l’apocalypse.
Pendant mille ans, la nuit, une nuit sans fin, recouvrit notre monde, le Nocturnage, durant lequel seuls ceux qui avaient eu la chance de gagner les bastions souterrains avant que leurs portes ne se ferment survécurent.
Mille ans plus tard, l’humanité, entre archaïsme et Modernité, commence à peine à se réapproprier un monde qui ne lui appartient plus. Certains utilisent des technologies de l’Avant (la période pré-cataclysmique) sans en connaître le fonctionnement. En Avarnia, une des régions de Thair, sur le territoire de l’ancienne France, les champions des clans, les cyberiaïres, se battent avec des armures cybernétiques de six mètres de haut décorées de gonfanons et réhaussées d’or, à coup d’épées forgées à leur mesure.
Dans la ville portuaire de Tolosania, construite à flanc de falaise, derrière ses écluses de métal gigantesques, pour résister aux mascarets ravageurs de Garonnaï, les grands navires congriers vont chasser l’énorme crocongre. Les postiaïres, montés sur leurs triscouts à vapeur, sillonnent les routes pour porter le courrier aux quatre coins de la fédération…
Dans le delta de Garonnaï, on pèche les redoutables crasèches.
Et sous les flots de l’Océan Mangespoir survit le peuple des sirenaïres, ceux que les anciens nommaient « homo-orcinus » des humains à la peau noire et blanche, comme laquée, créés génétiquement pour vivre sous les flots. Séparés du reste de leurs frères humains depuis plus de mille ans, ils ont f, loin de la surface, qu’ils considèrent comme maudite, leur propre société. Les hommes les considèrent maintenant comme des monstres, et réservent à ceux qu’ils attrapent un terrible sort.
L’homme se réapproprie peu à peu ce monde qui ne l’attendait plus, renoue des alliances, se réinvente pour un nouveau départ…
Mais là-haut, dans les entrailles de la lune blessée, le mal, le haut mal, a survécu… Il a trouvé un moyen de traverser les milliers de kilomètres de vide glacé qui le sépare de la Terre, et maintenant, caché, rampant, il prospère, jusqu’à ce soir… ce soir où il attaque le Castaliar du clan d’Orguenoire, car sous la forteresse de basaltobéton, au cœur du bastion souterrain, se trouve un remède, une arme absolue contre le mal…
Mais pour l’obtenir, Faïria, ja Castalaïna (mère en devenir), du clan d’Orguenoire, devra payer le prix pour recevoir… ce qu’elle n’attendait pas.
Voilà, il est compliqué de présenter un monde entier et le début de cette histoire sans s’y perdre, j’espère y être parvenu…
Actusf : Faïria, votre héroïne semble avoir un destin et des missions bien difficiles à surmonter. Pouvez-vous nous parlez d’elle ? Comment l’avez-vous créée ?
Jean-Luc Marcastel : Faïria est la « Ja Castalaïna », la mère en devenir, du clan d’orguenoire. Les clans Avarnian (on les nomme « Thoïls ») sont un peu semblables aux clans Scotts, une sorte de famille étendue composée de plusieurs castes : les viatalaïres, les cultivateurs et artisans, les Armiaïres, les combattants, et parmi eux, l’élitre des guerriers les cybériaïres, qui pilote les mythiques armaborgs, des armures cyberntiques conscientes, avec qui ils entretiennent une relation complexe. Les Castalaïna sont les mères des clans, qu’elles dirigent avec un pouvoir absolu. Elles rendent la justice, arbitrent les conflits, reines mères et vierges, puisqu’il leur est interdit d’avoir un enfant ou d’entretenir une relation amoureuse, de crainte qu’elle ne donne la préférence à leur amant ou leur enfant au détriment des autres membres du clan.
Mais alors que la Malepeste assaille Orguenoire, Faïria, chargée par sa tutrice d’aller chercher l’arme qui se trouve sous le castaliar, dans le bastion souterrain, et dont leur clan est le gardien depuis plus de mille ans, devra renier tous ses vœux et aller à l’encontre de son éducation et de sa conscience, pour donner une chance à ce monde et ses habitants.
C’est une jeune femme déterminée, combattante, mais tiraillée entre ses désirs et ses devoirs, qui ne renonce jamais, le pur produit d’une société née dans le feu et les cendres d’un monde dans une région sauvage et impitoyable.
L’enfant d’un nouvel âge, prête à tous les sacrifices pour sauver l’humanité… Vraiment à tous ?
J’ai créé mon héroïne en pensant à une certaine personne, comme nous créons tous nos personnages, en la sublimant, en la revêtant des qualités et défauts dont mon imagination voulait la parer, comme elle voulait la voir… J’en ai fait un personnage de roman, un personnage qui n’a jamais existé, mais existera peut-être…
Mais cette personne, en étrange miroir, inconsciemment, m’a suggéré une autre protagoniste de de ce récit, bien plus inquiétante, que je vous laisse le soin de découvrir… un personnage qui, ironiquement, m’a prouvé que nos « menteries » disent parfois la vérité, sans même que nous nous en rendions compte, lors même que nous nous mentons sur la réalité.
Actusf : Faïria n’est pas le seul personnage important de ce récit. Qui est Yaïn le harponnaïre ?
Jean-Luc Marcastel : Non, Faïria n’est pas le seul personnage de ce récit, vous rencontrerez également Jaan de Carsac, un homme tourmenté à l’histoire complexe que je vous laisse le soin de découvrir.
Yaïn, le harponnaïre, est un jeune homme qui chasse le crasèche, un champion dans son art périlleux, mais Yaïn a un secret : il a un jour sauvé des flots, après une tempête, une belle sirenaïre, une fille du peuple de la mer, et malgré leurs différences, en est tombé éperdument amoureux. Ils vivent leur amour cachés, car bon nombre d’humains tuent à vue les sirénaïres, ou font subir aux femmes sirénaïres un sort pire que la mort… Quand des pillards enlèvent celle qu’il l’aime pour la vendre à des marchands de chair, il se lance à leur poursuite.
Dans sa quête, il sera aidé par Vicent, un postiaïre de Tolosania au passé douloureux et tumultueux.
Dans leur quête, tous deux se retrouveront confrontés, eux aussi, à la Malepeste… Parviendront-ils à sauver la belle de Yaïn et à prévenir à temps les autorités de Tolosania ?
Actusf : Dans ce roman, pas de magie, mais des technologies qui ont précipité la destruction de la Terre et en grande partie de l’humanité. Est-ce une crainte vis à vis des technologie ou tout simplement de la nature humaine ?
Jean-Luc Marcastel : Je pense que le progrès scientifique et la technologie sont le futur de l’humanité. Notre avenir n’est pas dans un retour vers le passé et l’obscurantisme, le refus de la science, mais au contraire dans la découverte de nouvelles sources d’énergie, de nouvelles technologies, de nouveaux mondes… La preuve en est que nous vivons aujourd’hui bien plus vieux encore qu’il y a un siècle et connaissons un confort de vie, en tout cas dans nos sociétés occidentales, comme jamais nos ancêtres n’en ont connu. Qui pourrait prétendre le contraire ?
La technologie et la science ne sont ni bonnes ni mauvaises, elles sont ce que nous en faisons.
Mais l’esprit de l’homme évolue malheureusement moins vite que ses innovations…
Les hommes n’ont guère changé depuis la préhistoire. Ils gardent, au fond d’eux, les mêmes pulsions : la violence, la jalousie ou l’envie vis-à-vis de l’autre, le désir de posséder… Là réside le danger.
Actusf : Qu’est-ce que la Malepeste? Une version futuriste du coronavirus ou de la peste des anciens temps ?
Jean-Luc Marcastel : La Malpeste, comme la nomment les habitants de Thair, est un produit de haute technologie, fruits d’expériences menées sur Lunaria par l’administrateur de la cité lunaire «Trevor Arkhen », pour créer un « homo lunaris ». La malepeste, qui portait avant un autre nom, est un mal, un mal conscient, qui colonise, qui assimile les êtres vivants, corps et âmes, les remodèle, les recombine, selon ses besoins… et ne vise rien de moins que d’assimiler toute forme vivante à la surface de Thair avant de passer à un stade supérieur d’existence.
Actusf : Thaïr, une histoire du futur aborde aussi les thématiques de la liberté et du féminisme avec des matriarcats puissants comme celui d’Avarnia. Est-ce des sujets qui vous tenaient à cœur ? Qu’aviez-vous envie de dire ?
Jean-Luc Marcastel : Oui, des sujets comme le matriarcat, ou, du moins, le féminisme, me tiennent à cœur, ce sont des sujets auxquels je suis très sensible : le droit des femmes à disposer d’elles-mêmes, de leur corps, d’être libres de choisir ce qu’elles veulent ce qu’elles désirent, semble aller de soi, pourtant, on se rend compte, chaque jour, combien ce droit est bafoué, dans certains pays, mais aussi en France, devant notre porte et même, à l’intérieur de nos maisons, à l’abri des regards, derrière les portes closes. Et cela ne doit pas être, ne doit plus être. La moitié de l’humanité ne doit pas subir le diktat de l’autre, les deux doivent pouvoir marcher côte à côte dans la confiance et la liberté.
Actusf : Avarnia… Auvergne… Finalement, vous avez toujours un pied sur Terre ! Impossible de quitter la Planète Bleue. Je me trompe ?
Jean-Luc Marcastel : Bien sûr, Thair est un reflet déformé de notre monde. Mais peut-être, après tout, comme j’ai écrit cet univers dans un curieux état second, comme si on me soufflait à l’oreille ses histoires, comme je voyais ses paysages, dans mes rêves et parfois même éveillé, en immersion complète, comme un calque qu’on posait sur la réalité… peut être existe-t-il vraiment dans une autre version et un autre repli ne notre réalité. Parfois je me plais à me croire, en me disant, toutefois, que je ne le souhaiterais pas à nos descendants.
Peut-être est-ce le cas de tous les auteurs, ou du moins, de tous ceux qui ont créé un univers entier.
Actusf : Du suspense, de l'action et de l'amour… Avez-vous eu des sources d’inspiration en particulier ? Cinématographiques ou littéraires ? Je pense notamment à Dune de Frank Herbert,
Jean-Luc Marcastel : Pour Thair, je pense qu’il faut d’abord citer Dune, de Frank Herbert, pour ce désir de créer un univers complexe et cohérent. Après, et pèle mêle, on pourra y ajouter La Plaie de Nathalie Henneberg, saupoudrer d’un peu de Soleils Morts de C.J Cherry, et puis certainement un peu du Pays de la Nuit de William Hope Hodgson. En film, je pense qu’Orca m’a marqué quand j’étais gosse, ce qui explique les homo orcinus. Pour les armures cybernétiques, il y a peut-être un peu de Battletech, quelques mangas nippons, comme Patlabor… pour le reste, les brebuissons, les cangouloups, les crocongres… peut-être cela vient-il de là-bas ?
Actusf : Sur quoi travaillez-vous actuellement ? Pensez-vous revenir dans cet univers ?
Jean-Luc Marcastel : Actuellement, je travaille à finir le second tome de mon Pape pour l’Apocalypse aux éditions Pygmallion, après je me consacrerai aux corrections du second tome de Thair que j’ai déjà écrit. Ensuite, je dois écrire un livre pour les éditions Didier Jeunesse 2119 : Le nouveau tour de France par deux enfants et le troisième tome de Thair, puis le second tome de 2119… Pour l’instant, mon planning d’écriture est bouclé jusqu’en avril 2021. Après, j’ai encore plein de choses dans ma musette et de nouvelles idées presque tous les jours… La seule chose qui va me manquer… c’est le temps pour les écrire.
Et pourquoi pas, si Thair sait plaire à mes lecteurs, un nouveau tome dans ce monde-là… Un qui se déroulerait juste avant le Cataclysme… J’ai déjà le scénario complet en tête.
Et un qui se passerait après…
Actusf : Où peut-on vous rencontrer dans les mois à venir ?
Jean-Luc Marcastel : Me rencontrer dans les mois à venir…
Je suis un peu en peine de répondre à cette question dans les circonstances actuelles, mais normalement à Clermont-Ferrand à la Librairie les Volcans vendredi 13 mars, à la librairie des Volcans à Riom le 14 mars, puis Toulouse pour le salon échos et merveilles le week-end de Pâques et aux Imaginales…
J’espère vous y retrouver aussi pour vous faire une belle dédicastel sur Thair.
Qu'en pensez-vous ?