Actusf : Trois coracles cinglaient vers le couchant est paru en avril aux éditions des Moutons Électriques. Comment est né ce roman ?
Alex Nikolavitch : D’un incident parfaitement idiot dans un bus. Je lisais la préface d’un roman arthurien, le passage d’un ralentisseur m’a fait sauter quelques lignes, ça a collisionné des idées, j’ai reposé le bouquin, pris un calepin et noté le concept qui m’était venu.
Actusf : De quoi cela parle-t-il ?
Alex Nikolavitch : D’une expédition de guerriers celtes vers les îles de l’ouest, où sont censées vivre les fées, les dieux, et les guerriers morts au combat.
Actusf : Entre ancien et renouveau, on y suit donc Uther Pendraig et ses fidèles compagnons. Uther, difficile de ne pas penser au mythe arthurien et donc à Uther Pendragon. Pouvez-vous nous dire quelques mots à son sujet ? Est-il différent des légendes ?
Alex Nikolavitch : C’est bien lui ! Avec les accessoires : épée magique, sort d’illusion qui lui permet de concevoir Arthur… et pour le reste… Bon, ce sera sans doute un peu différent du Uther popularisé par plein de fils, et de la vision classique de la légende arthurienne. J’ai choisi d’ancrer mon récit dans une période bien précise de l’histoire de la Grande-Bretagne, juste après le retrait des troupes romaines, quand elle se trouve en proie à des luttes intestines, et à plusieurs invasions barbares.
Actusf : Pourquoi choisir d’écrire sur ce sujet ? Il y a déjà beaucoup de textes sur le merveilleux arthurien. Qu’aviez-vous envie de dire ? D’aborder ?
"Uther Pendragon, c’est l’histoire d’un échec qui a fait le lit d’une légende."
Alex Nikolavitch : J’aime bien donner la parole aux personnages discrets. Uther, dans la geste arthurienne, c’est au choix et selon les époques et les auteurs : un roi idéal et assez plat, une brute épaisse gouvernée par ses passions, une note en bas de page sur laquelle on passe rapidement. J’ai voulu en donner une autre version, en faire un homme prisonnier de ce qu’il estime être son devoir et qui se retrouve fasse à une situation inextricable, dans laquelle tous les choix lui coûteront. Uther Pendragon, c’est l’histoire d’un échec qui a fait le lit d’une légende. C’est cette trajectoire qui m’intéressait. Comment Uther, qui voit venir cet échec, essaie de le conjurer de toutes ses forces.
Actusf : Mythe arthurien, dit énormément de sources, de documents, récits… Comment avez-vous travaillé ?
Alex Nikolavitch : En sélectionnant mes sources, pour commencer. Je me suis à la base interdit tout ce qui était postérieur à l’an mille, me concentrant sur les chroniques saxonnes, l’archéologie de la période, les bribes diverses. Et en postérieur à cette époque, je me suis fondé sur certaines sources galloises, dont les célèbres triades (qui sont peut-être antérieures, mais dont la transcription est tardive). L’idée était de reconstruire un portrait d’Uther différent de ce qu’on en connaissait, mais qui ne soit pas absurde, qui tombe un peu sous le sens.
Actusf : Vous avez du faire beaucoup de recherches ? Ou vous êtes-vous coupé de tout ?
"Pour moi, il existe un seuil, une espèce de masse critique de la documentation à partir de laquelle l’histoire s’écrit un peu toute seule, les pièces s’emboitent…"
Alex Nikolavitch : Je suis une espèce de maniaque des recherches, je vais éplucher tout ce qui me tombera sous la main, j’accumule des notes et des idées, des petits factoïdes bizarres ou qui nous éclairent sur les personnages et leur univers. Pour moi, il existe un seuil, une espèce de masse critique de la documentation à partir de laquelle l’histoire s’écrit un peu toute seule, les pièces s’emboitent…
Actusf : Vous écrivez aussi de la SF. Avez-vous un genre préféré ? Pourquoi ?
Alex Nikolavitch : Mon roman de SF avait de gros relents de fantasy, hein. Et dans les deux cas, le côté qui me grise c’est la construction de l’univers, de ses problématiques, de ces failles, de tous ces trucs dont naitra ensuite le récit.
Actusf : Sur quoi travaillez-vous actuellement ?
Alex Nikolavitch : Un roman de… dustpunk ? Steinbeckpunk ? Steinbeckfantasy ? Je ne sais pas s’il y a un mot pour ça. En tout cas il y aura de la magie indienne, des plaines qui n’en finissent pas mais qui se civilisent peu à peu, et un mélange des genres, avec de l’enquête, du western, du fantastique, plein de trucs.