Éditeur de romans noirs, directeur de communication politique, conseiller municipal à la ville de New York, Rob Hart est multitâche. Après son dernier roman, MotherCloud (Belfond, 2020 ; Pocket, 2021, paru sous le titre L'Entrepôt), roman d'anticipation traduit dans plus de vingt pays et en cours d'adaptation au cinéma par Ron Howard, il a repris la plume pour nous livrer l'hallucinant Paradox Hotel, sorti en France la semaine dernière.
Avec son concept qui crée un balancier constant entre présent et passé, raison et folie, ce roman vient dépoussiérer votre vision du roman noir en y ajoutant de la SF sombre.
Vous rêvez de vous extraire de la réalité ? De côtoyer Mozart, Cléopâtre ou les dinosaures du jurassique ? Vous rêvez de voyager dans le temps ? Bienvenue au Paradox Hotel.
Responsable de la sécurité de ce lieu unique au luxe inouï, January Cole est une femme de caractère qui sait répondre aux moindres désirs des ultra-VIP pressés de faire l’expérience. Et January sait aussi que voyager dans le temps a un coût qui n’est pas que financier. Chaque passage altère le cerveau ; elle-même en fait les frais. Désormais, sa conscience est capable de dériver vers l’avenir et de voir, par exemple, le cadavre de cet homme qui sera bientôt assassiné.
Mais une menace plus terrifiante encore plane sur le Paradox Hotel : l’appétit de certains milliardaires, prêts à tout pour acquérir cette nouvelle manne du tourisme spatio-temporel. Et réécrire l’Histoire…
À mi-chemin entre le roman noir et la science-fiction
Le personnage principal est la cheffe de sécurité de l’hôtel. Sarcastique, blessée mais continuant coûte que coûte, January Cole est taillée dans la même étoffe que les grands détectives de romans noirs. Sa mauvaise humeur quasi constante va de pair avec les secrets et la douleur qu’elle cache. Flanquée de Ruby, sa sidekick robotique toujours prête à faire son travail, elle arpente les couloirs du bâtiment qui nous paraît infini, pour élucider un meurtre. Peu importe que les puissants soient prêts à tout pour l’empêcher de fouiner dans leurs affaires.
Sauf que Cole ne doit pas son sarcasme et son côté bourru uniquement aux affres de la vie : elle le doit surtout à une surexposition au voyage dans le temps qui pousse lentement son cerveau à la dérive, vers le passé… ou le futur. Pourquoi s’obstine-t-elle pourtant à rester au Paradox Hotel quand elle y risque sa vie et sa santé à chaque instant ? En mêlant polar et les univers de la Twilight Zone ou de Matrix, Rob Hart fait le pari de lier deux genres : sa maîtrise de chacun rend cette union plus que réussie.
Le Paradox Hotel et son univers intrigant
Théâtre du roman et clef de voûte de son univers, l’hôtel est un lieu captivant.
Dans ses corridors, pour peu que vous puissiez vous l’offrir une chambre parmi les millionnaires qui se pressent au comptoir, vous pourrez rencontrer des personnages vêtus de tous les costumes historiques possibles ! Car, l’hôtel jouxte un un aéroport temporel, la station Einstein. Alors que celle-ci enchaîne les retards sur son trafic habituel, l’hôtel se retrouve submergé de clients pas contents et de désespérés en quête d’un lit pour la nuit avant leur voyage dans le passé.
En coulisses, le temps se déforme, et quelques accidents doivent être gardés secrets au milieu du chaos, surtout qu’un sommet sur la privatisation de la fameuse station Einstein aura lieu dans quelques jours dans l’immense salle de bal de l’hôtel. Ce, même quand la proximité perpétuelle des machineries du Paradox Hotel met en danger l’intégrité physique et mentale de ses employés…
Une effervescence qui nous attire entre les pages et nous empêche de lâcher le livre !
Une narration et un propos percutants
Comme dans tous les thrillers, l’auteur créer une ambiance sombre qui a pour but premier de surprendre le lecteur, de le sortir de sa zone de confort, et ainsi, de le confronter aux mêmes sensations que celles ressenties par son héroïne, January. Avec elle, et sa narration hachée à la première personne, vous essaierez de résoudre ce nœud d’ennuis tout en gardant votre santé mentale au mieux de sa forme… Les scènes et découvertes s’enchaînent dans un style qui met le lecteur au centre même du récit.
Le Paradox Hotel est finalement le personnage principal du livre autant qu’il en est l’articulation. C’est le rachat pur et simple du voyage dans le temps, et donc la raison d’être de l’hôtel, par certains acteurs privés et sans scrupules qui motive le roman. À travers eux, l’auteur analyse la façon dont nos choix de consommation, notre manière d’habiter le monde, notre volonté de tout coloniser et contrôler — même le temps — influent sur notre monde et peuvent remettre en question l’avenir de l’humanité. Un propos on ne peut plus actuel, en réponse aux ambitions de personnes comme Elon Musk et Jeff Bezos, porté par un plume piquante et rythmée.
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Paradox Hotel, de Rob Hart, est disponible en librairie depuis le 16 février !