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Un amour d'outremonde

Alain Brion (Illustrateur de couverture), Tommaso Pincio ( Auteur), Eric Vial (Traducteur)
Langue d'origine : Anglais UK
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 31/12/2002  -  livre
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Un amour d'outremonde

Question de génération sans doute. Moi, feu mes héros s'appelaient Joe Strummer ou Joey Ramone. Alors un hommage à Kurt Cobain… Et pourtant, c'est une belle surprise que cet Amour d'outremonde. Il faut dire que Tommaso Pincio n'est pas l'un de ces ex-adolescents grunger, courant la Fender Mustang et arborant l'inévitable t-shirt reliquaire sous une chemise à carreaux ouverte. La trentaine bien entamée, il est en Italie un auteur qui compte, et le présent roman y a connu un très large succès. Plutôt que de broder servilement sur des ragots de seconde main, c'est par les chemins de traverse de son univers très personnel, qu'il nous guide sur les traces de la dernière véritable icône rock du XXème siècle.

B comme Boda

Lorsque nous faisons la connaissance de Homer B. Alienson, nous ne savons pas encore que le B. est là pour Boda. Comme le Boda à qui Cobain adressa sa lettre d'adieu, juste avant de se tirer dans la bouche une cartouche de calibre 20. En revanche ce que nous savons, c'est que Homer B. Alienson habite Aberdeen, au nord de Seattle, et qu'il ne dort plus depuis presque vingt ans. S'il ne dort plus c'est tout simplement qu'il a peur que des extra-terrestres ne viennent le "changer" durant son sommeil. Une drôle d'idée qu'il est allé pêcher dans un film que Don Siegel réalisa en 56 d'après un roman de Jack Finney : Invasion of the Body Snatchers. De l'influence des films et livres "concernant des évènements extraordinaires hypothétiques et non scientifiquement constatés" sur les esprits imaginatifs.

Encore qu'imaginatif, le jeune Homer ne le soit guère. Obsessionnel. Ça oui ! Et pour se faire pardonner d'avoir divorcé, ses parents lui passent ses petites manies, comme de se faire offrir en plusieurs exemplaires des jouets futuristes, que d'ailleurs, il ne déballe même pas. Soigneux, il les range, tout emballés, dans de grandes boîtes en carton. C'est une bonne idée, parce que, devenu adulte, c'est du commerce de ces jouets qu'il vivra. Un commerce par correspondance, parce que Homer, limite au plus strict nécessaire ses contacts avec les gens. Tous ces gens qui sont "différents". Qui ont été changés par les extra-terrestres.

Comme vous le voyez, tout va bien pour Homer. Il est arrivé à une sorte d'équilibre sur un point néant. Les heures passent lentement, semblables les unes aux autres, routinières, mais… ma foi, elles passent. Cela dit, Homer est comme tout le monde. Il a aussi ses problèmes.

En fait, il a essentiellement deux problèmes. Il ne dort pas et il ne trouve pas l'Amour. S'il faudra attendre la fin du roman pour savoir s'il parviendra à résoudre ce dernier, c'est assez vite dans l'intrigue qu'il va trouver un moyen de dormir, grâce à " l'arrangement ". Lors de l'une de ses promenades nocturnes, il fait la connaissance, sous un pont, d'un étrange jeune garçon prénommé Kurt. C'est lui qui va lui donner pour la première fois un petit sachet " d'arrangement ". En poudre. Blanche. A priser. Notons que l'on peut aussi prendre " l'arrangement " en intraveineuse, mais que c'est assez déconseillé. Va naître de cette rencontre une étrange histoire d'amitié addictive. Comme un reflet de réalité, sur fond de paradis artificiels et d'enfers bien concrets.

Poétique, destroy, loufoque, fort, intriguant et subtil

Sans jamais citer une seule fois le nom de Cobain, ni celui de Nirvana, Tommaso Pincio lui rend pourtant le plus bel hommage possible. On peut d'abord prendre ombrage de ce style très présent, et très travaillé, et puis on se laisse prendre, car il participe de l'histoire. Il vous plonge dans cet univers poétique et destroy. Un univers tout entier construit sur des bribes de textes, des éléments biographiques et sur cette fameuse lettre d'adieu. S'il maîtrise son sujet, c'est toujours pour mieux amener sa fiction. Ainsi cette rencontre sur un pont d'Aberdeen, fait référence à une affabulation avérée de Kurt Cobain, catégoriquement démentie par Krist Novoselic. Que Pincio ait choisi cette vraie fiction dans sa fausse fiction, pour en faire le théâtre de cette rencontre décisive vous en dit assez sur ce roman alien. Je vous le disais, poétique et destroy, mais aussi loufoque et fort, intriguant et subtil. Que vous faut-il de plus ?

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