- le  
Un mois de lecture, Anne Besson - Avril 2017
Commenter

Un mois de lecture, Anne Besson - Avril 2017

Trois romans « Gallimard Jeunesse » ce mois-ci, pour des publics bien différents. 
 
Justice Academy, Le Club des super-héros de Derek Fridolfs et Dustin Nguyen (trad. Marie Leymarie), présente un jeune trio formé des futurs Batman, Superman et Wonder Woman, à destination des lecteurs à partir de 9 ans. Bruce, Clark et Diana font leur rentrée au collège Ducard, dont les objectifs d’éducation s’avèrent vite assez particuliers… L’ouvrage, moins prévisible qu’il n’y paraît, m’a séduit par sa forte hybridité : entre texte et image d’abord, puisque des planches de BD alternent avec des pages de textes eux-mêmes très divers, entre formes ensuite, reproduction du journal de Bruce Wayne, de pages imprimées, lettres, chats en ligne, etc. Les graphismes de Dustin Nguyen, connu ailleurs pour ses aquarelles, font ici le choix d’un style crayonné, volontairement peu « fini », qui contribue à la fluidité globale. L’ensemble est ainsi très attrayant pour un public de jeunes lecteurs (validé par mon fils !) : ils y trouveront une occasion de connaitre un peu mieux les célèbres héros des DC Comics, et d’en découvrir de moins connus (des super-vilains…), dans une intrigue adaptée à leur âge – le duo d’auteurs est d’ailleurs aussi aux commandes de la série de comics Little Gotham, traduite en français chez Urban Comics, et également recommandable !
 
Irena Brignul, Les Sorcières du clan du Nord, Le Sortilège de Minuit, trad. Emmanuelle Casse-Castric : gros coup de cœur pour un des meilleurs romans de fantasy que j’ai lus cette année, pas moins ! Une très belle histoire de sorcières modernes, de prophétie, d’amour, d’amitié, de mères, de filles, de sœurs… dans une écriture vibrante, qui sait toucher des cordes sensibles sans pour autant alourdir le rythme, toujours entraînant. Deux petites filles nées la même nuit sont échangées à la naissance dans une tentative bien vaine pour détourner le destin : l’une, Poppy, vouée à devenir une puissante sorcière, la reine attendue d’une prophétie, grandit dans le monde des Ivraies, le nôtre, aussi mal adaptée à cette existence que Clarée, son alter ego, à sa communauté cachée dans la forêt, quand elle est dépourvue de leurs pouvoirs et de leur nature résistante – ou revêche ! Ces deux-là, si étranges, devaient, bien sûr, se rencontrer… S’il faut émettre un bémol, j’évoquerai peut-être un léger excès de romance dans le trio amoureux qui se forme avec Léo, et ses multiples rebondissements – j’ai quand même été touchée, mais en me disant qu’ils se compliquaient bien inutilement les choses ; ceci dit, j’ai conscience que le cœur de cible, jeune et féminin, est sans doute plus sensible que moi à ce type d’atermoiements ! 
 
Ce page turner émouvant et non sans profondeur évoque Harry Potter (wizards et moldus), Twilight (le point de départ de la jeune fille et son père arrivant dans une ville du Nord), ou La Croisée des mondes (la dynamique du jeune couple), et plus encore Créatures célestes – des références auxquels on pense, mais qui ne sont jamais écrasantes. Peut-être pas aussi mémorable… ? en tout cas dépêchez-vous de le lire avant qu’on en tire un blockbuster !
 
Lian Hearn, Shikanoko livre 2, La Princesse de l’automne, trd. Philippe Giraudon
 
Lian Hearn (Gillian Rubinsein), autrice australienne, s’était faite connaître il y a une décennie avec son cycle Le Clan des Otori, qui nous permettait de découvrir un Japon médiéval discrètement imprégné de magie. Shikanoko, en quatre tomes voués à se lire ensemble et à paraître rapidement, se présente comme un prequel du précédent ensemble, ou plutôt un retour à cet univers imaginaire nippon, pour une nouvelle vaste histoire de rivalité clanique, située dans des temps plus archaïques. Dans ce deuxième tome, l’usurpateur est monté sur le trône, soutenu par le maléfique prince-abbé, tandis que le jeune héritier légitime de l’Empire a réussi à s’enfuir, d’abord accompagné d’Akihime, la Princesse de l’Automne, objet de l’amour du héros Shikanoko. Ensemble, ils ont gagné le Bois Obscur, et c’est de là qu’ils vont repartir, séparément, vers la suite de leurs destins mouvementés. Ample et épique, le récit frappe par sa singularité – on n’est pas en pays de connaissance, du tout, mais fréquemment dérouté, à la fois par l’onomastique franchement obscure (certes, il y a un glossaire à la fin qui aide bien, reste que les noms se confondent aisément) et par la volonté de rendre une forme de mentalité archaïque. C’est très réussi de ce point de vue, mais cela crée un sentiment de profonde étrangeté, face aux rituels d’une magie animiste, à la cruauté omniprésente et toujours présentée comme parfaitement naturelle. Yeux arrachés qui voient au fond de chacun, réincarnations animales, enfants-araignées cherchant à comprendre l’humanité, cadavres pourrissants conservés pour leur pouvoir magique, froid glacial où s’endorment les jeunes filles – une grande violence, y compris dans les relations humaines, est indissociable de la beauté de ce monde, ce qui n’est pas sans poser la question de son public. À réserver aux grands adolescents.
 
 

Genres / Mots-clés

Partager cet article

Qu'en pensez-vous ?