Un peu d’actu et de comics-3

DMZ 12, le Soulèvement des états libres, de Brian Wood, Riccardo Burchielle et Shawn Martinibrough, Urban Comics, Vertigo, mars 2013. 

 

DMZ est sans aucun doute l'une des très grandes séries américaines de ces dernières années. Les auteurs ont imaginé une nouvelle guerre civile aux Etats-Unis avec Manhattan comme zone démilitarisée. Leur héros est un jeune journaliste plongé en plein coeur de l'île et vivant avec la population prise en otage par le conflit. Une série qui explore parfaitement tous les enjeux géopolitiques de ce type de conflit, dénonçant les politiques et leurs intérêts, la place du pouvoir économique, la corruption des médias etc. De la science-fiction donc, mais qui dessine parfaitement les travers de notre monde actuel. C'est tout simplement brillant. En quelques volumes, le personnage principal va rencontrer les rebelles et essayer de comprendre leur motivation, vivre avec l'armée régulière, prendre en pleine face les pressions de la chaine de télé qui l'emploie cherchant à coller au discours officiel, participer à une élection dans la DMZ, se faire passer à tabac, voir toutes les horreurs vécues par les civils, discuter avec la mafia... Le tout sans que les scénaristes aillent trop vite ou négligent l'une ou l'autre des parties. Le héros notamment va connaître une véritable évolution personnelle, de sa naïveté du début à ses doutes et interrogations permanentes sur son engagement de journaliste et sa qualité de témoin. 

 

Dans les derniers tomes, la DMZ s'était choisi un chef après plusieurs années de misère. Un leader politique qui avait cru tenir en respect les belligérants en achetant une bombe nucléaire... Malheureusement celle-ci avait fini par exploser, lui ôtant tout pouvoir. Dans ce douzième tome, Matty est de retour dans la DMZ. Il a un choix cornélien à faire. Doit-il dénoncer ce chef déchu et cacher la vérité pour ramener la paix ? Passionnant on vous dit ! 

 

Casanova, Luxuria 1, de Matt Fraction, Gabriel Bà et Fàbio Moon. Urban Comics, Vertigo, mars 2013. 

 

Casanova Quinn est l'agent secret de l'E.M.P.I.R.E., une entreprise internationale détenue par son père et qui a pour mission de préserver la Terre de toute menace. Voilà qui l'amène à bouger en permanence pour accomplir les missions les plus folles, dans cette réalité ou dans une autre, quitte parfois à revivre des évènements déjà vécus sur d'autres plans parallèles. Des univers où il ne cesse de croiser sa soeur jumelle, redoutablement belle et élégante, et dans lesquels il essaie de se rebeller contre ce qu'on lui impose. 

 

Rentrer dans cette série n'est pas chose facile. Comme Casanova, on est baladé d'une scène à une autre, d'une réalité à une autre. L'homme va de cocktails en bagarres, repassant régulièrement par le QG de la société et il faut bien avouer que parfois on est un peu perdu, même si ce dandy qui est aussi un agent double a du charme. On pense à des séries comme Jerry Cornélius de Michael Moorcock. Bref, pas simple (et le dessin n'est pas extraordinaire) mais pas désagréable. On finit par se laisser prendre par l'histoire. Même si l'on est pas sûr d'avoir envie de lire la suite... 

La Brigade Chimérique, l'intégrale, de Serge Lehman, Fabrice Colin, Gess et Céline Bessonneau, l'Atalante, Novembre 2013. 

 

Attention monument ! Serge Lehman et Fabrice Colin, deux excellents romanciers, ont imaginé la naissance des super-héros en Europe pendant la première guerre mondiale. Ces surhommes ont une influence considérable dans les années 30 alors que l'ombre de la seconde guerre mondiale se profile. 
Difficile de résumer cette BD riche, fouillée, passionnante et de très grande classe, qui a obtenu le prix BD Gest en 2010 et le Grand Prix de l'Imaginaire en 2011. Et c'est amplement mérité. 

 

Pour vous donner un ordre d'idée de la puissance de l'ensemble, voici la présentation de l'éditeur :

« La Brigade chimérique est plus qu’une simple fiction. C’est une plongée archéologique au coeur de l’imaginaire mutilé de l’Europe. Une tentative pour reconstituer ce qui nous est arrivé il y a soixante-dix ans – pour comprendre comment nous avons perdu le pouvoir homérique d’exprimer nos valeurs sous la forme d’une mythologie. Avec, peut-être, l’espoir que cette confrontation aidera à renouer le lien rompu. »

Ambitieux n'est-ce pas ? Et bien c'est une réussite. Une fois habitué au graphisme un peu particulier, ("un univers graphique dans la lignée du Bauhaus et de l’expressionnisme allemand, et basé sur un énorme travail de documentation, costumes, décors, objets, etc." nous dit la présentation), on plonge avec un vrai plaisir dans cette histoire. Et même si parfois cela n'est pas toujours simple de tout suivre, La Brigade Chimérique est devenu au fil des tomes un incontournable du genre. Et cette intégrale en est la preuve éclatante.