Jack Ketchum, né en 1946, est considéré comme l'un des plus importants auteurs américains vivants. Derrière ce pseudonyme (emprunté à un hors-la-loi américain qui a fini pendu) se cache un écrivain qui fut le secrétaire de Henry Miller. Son premier roman, Morte saison, incita la revue Village Voice à réclamer publiquement la condamnation de son éditeur pour « violente pornographie ». Ketchum a depuis publié onze romans et pas moins de trois films viennent tout juste d'être tirés de ses œuvres.
Adolescence perdue
Meg et sa sœur, handicapée, sont recueillies par leur tante Ruth suite à la mort de leurs parents dans un tragique accident de voiture. Celle-ci a une certaine idée de l’éducation et notamment de celle des filles. Elle commence tout doucement par leur faire comprendre que le statut de femme dans la société n’est pas facile à tenir et arrive petit à petit à tomber dans l’horreur sournoise en y entraînant ses trois fils ainsi que leurs amis, les voisins les plus proches.
« Ketchum est devenu une sorte de héros pour nous qui écrivons des récits de terreur et de suspense. Il est tout simplement le meilleur.[…] Une fille comme les autres est un livre animé d’une vie propre. Il ne se borne pas à promettre la terreur, il tient ses promesses. On ne peut pas s’arrêter de le lire. » Stephen King
Tout d’abord, il faut savoir que ce livre a été écrit suite à la lecture d’un fait divers. Ketchum nous confronte à l’horreur indicible de ce qui peut arriver n’importe où à côté de chez nous. Tout commence simplement avec l’arrivée des deux filles chez leur tante mais les faits vont s’enchaîner à une vitesse impressionnante, montant crescendo dans l’horreur. Meg sert d’exutoire à Ruth sa tante qui lui inflige les pires supplices au nom d’on ne sait quelle valeur de pureté. Elle va finir par y entraîner ses trois fils et quelques voisins, dont David, le narrateur. Ils participent, et en viennent à apprécier le spectacle que leur offre la méchanceté de Ruth.
Au-delà des passages de violence atrocement descriptifs, le narrateur arrive à faire ressentir le drame auquel il est confronté. Il sent bien que tout ceci n’est pas « normal » mais, comme une adulte en est l’instigatrice, il ne sait pas si il doit – ou non – y mettre fin. Ruth parvient à jouer sur le sadisme enfantin et son emprise sur la petite troupe lui permet de tout faire à Meg jusqu’au moment où le narrateur se rebelle…
On espère une fin plus légère, que l'horreur va enfin relâcher son étreinte, mais Ketchum va jusqu’au bout. Toute sa colère se déverse dans son écriture et se transmet inéluctablement au lecteur. Certaines scènes sont intenables et on frôle souvent le voyeurisme, mais la distance de la narration permet de rester dans les limites de l’acceptable. Mais avant que David, ne se décide enfin à intervenir, le lecteur en arrivera à le mépriser du plus profond de son être. Il sait tout, ne fait rien et prend parfois du plaisir à voir sans jamais participer. Mais il n’est encore qu’un enfant et c'est justement ce qui rend ce livre si dur. Comment l'innocence peut-elle être à ce point corrompue pour ne plus être capable de faire la différence entre l’atrocité et la moralité ? Comment est-ce qu’une adulte peut faire subir ce sort à une adolescente ? Et surtout pourquoi les personnes proches ne sont pas capables d’intervenir ?
C’est tout cela que ce livre nous dévoile avec colère et férocité, et avec surtout un réel brio. Ketchum est un auteur qu’il sera difficile d’oublier!
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