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V-Virus

Langue d'origine : Anglais UK
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 28/02/2007  -  jeunesse
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V-Virus

Et si les vampires étaient tout simplement des malades ? Et s’ils avaient un rôle à jouer dans la chaîne alimentaire et l’écosystème urbain d’aujourd’hui ? Des vampires solitaires et infectés par une sorte de HIV-V (Human Immunodeficiency Vampire Virus), traqués par la séculaire Garde de Nuit, voilà le cadre lugubre que nous propose Scott Westerfeld, brillant auteur de SF, mais aussi auteur de deux cycles de SF Jeunesse (Midnighters, Uglies) et d’une série de 3 romans SF « Young Adults » autonomes publiés en anglais chez Razorbill (Penguin) : So Yesterday, Peeps et The Last Days. La collection Macadam (Editions Milan) accomplit un acte d’utilité publique en rendant accessible aux jeunes et aux adultes, sous le titre de V-Virus, le roman (Peeps) d’un auteur, célèbre outre-Atlantique, mais encore peu traduit, en français.

Des vampires dangereux mais utiles. Des vampires anti-vampires tout aussi salutaires. Au total, un monde moins mal fait qu’il n’y paraît, surtout pour l’évolution de l’espèce. Merci, Scott.

Politiquement et sensuellement correct (a contrario de  L’IA et son double du même auteur), ce roman, parfois abrupt et cru dans sa vision mécaniste du monde, aborde tout de même des sujets dérangeants : en filigrane, le SIDA, la question de notre libre-arbitre chimique et biologique, la solitude urbaine, l’abstinence sexuelle et carnivore, la manipulation politique. Au total, une méditation palpitante sur la liberté, ses avatars et ses faux-semblants dans le monde d’aujourd’hui.

A la recherche des vampires perdus

Joe est un jeune chasseur de vampires, baptisés « peeps » (on pense aux regards perçants de ces vampires furtifs, au jeu de cache-cache « peep-bo », mais aussi à celui qui ne peut que les regarder, le « peeping Joe »). Porteur sain du virus qui vampirise les humains (le V-Virus) il est non seulement immunisé contre les morsures, mais aussi, comme tous les peeps, doué d’acuités sensorielles et d’une force hors du commun. Après avoir capturé son ex, Sarah, (c’est lui qui l’a sexuellement contaminée), il part à la recherche de Morgane, celle qui l’a sexuellement contaminé, lui.

Cette quête de la vampire perdue va le conduire à rencontrer une charmante journaliste non-vampire, Lacey, qui, en le côtoyant et en cherchant la vérité sur les vampires, risque de le perdre. Transmetteur du virus et au service des Gardes de la Nuit, il se doit, en effet, d’observer la plus stricte abstinence (on n’embrasse pas et on ne mord pas sa compagne).

Au fil de sa quête, entre rats et chats, entre femmes et monstres souterrains, Joe va découvrir pourquoi il a été contaminé, ce qui se trame, depuis des siècles, avec les vampires… et pourquoi ça n’est pas prêt de se terminer !

L’avenir du monde est dans ses entrailles

Scott Westerfeld est végétarien. Sa fascination pour la chair et le sang (les peeps ne se contentent ni de regarder ni de mordre) est donc à l’égal de l’abomination qu’éprouvent les peeps pour ce qu’ils ont adoré avant (les vampires détestent la croix parce qu’ils étaient croyants avant, Sarah déteste Elvis Presley parce qu’elle l’adulait avant). Son héros, Joe, oscille entre désir sexuel et désir de viande (sic) et mène une enquête sur un acte de « dévoration » (dévorer ce qu’on a en adoration). La culpabilité latente du héros vis-à-vis de l’amour physique, se fait l’écho d’un certain puritanisme américain, mal assumé, assimilant consumérisme prédateur (cf. So Yesterday) et débauche sexuelle.

Voilà qui nous laisse de marbre (froids, pas frigides), mais là où Scott Westerfeld parvient vraiment à nous déstabiliser, c’est dans la savante et insidieuse glose qu’il distille, tous les chapitres pairs, sur le parasitisme. Les êtres vivants sont si solidaires de leur biotope que leur comportement est, en partie, dicté par des micro-créatures symbiotiques. Les humains, eux aussi, à titre individuel ou collectif, sont codirigés par des micro-parasites. Entre deux chapitres, l’auteur insère de petites digressions indigestes sur les trématodes, les toxoplasmes, la wolbachia, le plasmodium, sans compter les poux, les douves et les asticots. Tous ces parasites ont en commun d’influer directement sur le sort de leurs hôtes escargots, fourmis, singes, rats ou humains. Ces inserts didactiques, plutôt effrayants, achèvent de nous convaincre de l’efficacité des V-Virus dans leur processus de vampirisation et ouvrent une brèche métaphysique dans notre cerveau parasité : et si nous n’étions pas maîtres de nos propres décisions ?

Partant de quelques idées simples et redoutablement efficaces, Scott Westerfeld, fan déclaré des séries TV Angel et Buffy contre les vampires, nous attire dans un univers singulier, cynique et désabusé, qui tente de se raccrocher à l’angélisme nostalgique des années fac (ambiance marshmallow ou « peeps », du nom de ces petits animaux en pâte gélatineuse célèbres aux Etats-Unis). L’atmosphère n’est pas sans rappeler les polars d’après-guerre. Le style original et « mordant » de l’auteur, débité en phrases courtes haletantes, est teinté d’humour noir, de dialogues couperets, d’interpellations au lecteur. Dès l’entame du roman, l’abomination ambivalente de Sarah pour les icônes d’Elvis Presley est un morceau d’humour décalé tout à fait réussi. L’intrigue se dénoue au fil des rencontres de femmes et d’animaux familiers. La fin, un peu rapide, aurait mérité d’être développée.

Pour Joe, qui passe son temps à chasser dans les souterrains, l’avenir du monde est dans ses entrailles. En bon devin, Scott Westerfeld, expert es-parasites, nous le lit à merveille.

V-virus est un roman saisissant. Envoûtant. A mordre à pleines dents !

 

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