- le  
Vendredi dans la peau de ma prof - Les secrets d'écriture de Nadia Coste et Silène Edgar
Commenter

Vendredi dans la peau de ma prof - Les secrets d'écriture de Nadia Coste et Silène Edgar

A l'occasion de la sortie de Vendredi dans la peau de ma prof, Nadia Coste et Silène Edgar reviennent sur l'écriture de ce roman jeunesse à quatre mains, paru aux éditions Syros.

Actusf : Comment est née l'idée de ce roman et de votre collaboration ? Qu'est-ce qui vous a donné envie d'écrire ensemble ?

Nadia Coste : J’ai toujours aimé les histoires d’échange de corps, comme les films « Freaky Friday », et j’avais la conviction d’en écrire une un jour, sans savoir encore quoi. Et puis, en faisant des rencontres scolaires pour « Ascenseur pour le futur », j’ai découvert des dizaines de salles des profs, lieu mystérieux de mon enfance (je n’y avais jamais mis les pieds en tant qu’élève, et je n’ai pas été prof). Peu à peu, je me suis dit qu’il y avait beaucoup à dire… et qu’un échange de corps entre prof et élève n’avait pas été fait !
J’en ai parlé avec Silène, qui avait de nombreuses anecdotes, et, à force d’échanger, je me suis rendu compte, comme une évidence, que nous devions l’écrire ensemble !

Silène Edgar : Avec Nadia, cela fait des années que nous travaillons ensemble et voilà qu’un jour, elle m’a proposé qu’on écrive ensemble un projet qu’elle avait en tête ! Une chance ! J’avais déjà travaillé en co-écriture avec Paul Beorn, et en co-création sur des albums ou romans illustrés avec Gilles Freluche et Charline Picard ; je savais donc que j’avais tout à gagner d’un point de vue littéraire à recommencer. Alors avec une amie comme Nadia en plus ? C’était parfait !

Actusf : On y suit Hana qui se retrouve dans le corps de sa prof de français, madame Morvant et inversement ! Qui sont-elles au départ de ce roman ? Comment les présenteriez-vous ?

Silène Edgar : Hana est une fille originale et sympathique, qui reste dans le rang d’un point de vue scolaire contrairement à sa meilleure amie dont elle comprend les débordements, car ça lui parle, mais qu’elle aimerait voir s’assagir un peu pour qu’elles restent ensemble.

Nadia Coste : Muriel Morvant est prof contractuelle depuis cinq ans, après une reconversion professionnelle. Elle doute beaucoup alors elle se donne une image très stricte pour se faire respecter des élèves. Et comme elle change d’établissement chaque année, elle se lie peu à ses collègues. Elle est assez seule et a envie de se poser enfin pour prendre ses marques dans cette nouvelle vie…

Actusf : Est-ce que c'est difficile d'écrire un personnage qui est dans un autre corps que le sien, avec d'autres enjeux (par rapport à un personnage qui ne quitterait pas son corps) ?

Silène Edgar : Ça ne m’a pas semblé difficile, mais plutôt extrêmement drôle et narrativement génial car cela donne lieu à des situations cocasses. On a pu interroger le rapport au corps : la jeune fille dans un corps de femme plus mûre / la femme confrontée de nouveau aux soucis de l’adolescence, c’était très chouette !

Nadia Coste : La vision du monde change forcément en fonction du regard des autres. C’est l’essence même de l’empathie, de se mettre à la place de l’autre, mais en l’imposant brutalement. Après, ce n’est pas plus difficile à écrire que lorsque notre personnage principal fait quinze centimètres de haut, vient d’une autre planète, ou possède des pouvoirs magiques… quand on écrit en imaginaire, on a l’habitude de cette gymnastique mentale.

Actusf : C'est peut être aussi une histoire de rôle et de fonction. Pour Hana et Madame Morvant, c'est l'obligation de se glisser dans le corps social l'une de l'autre non ?

Silène Edgar : Oui, c’est cela qui nous a le plus occupées : les responsabilités et devoirs du prof mais aussi ses libertés d’adulte sont interrogées par Hana qui envisage de s’enfuir pour faire chauffer la carte bleue de Muriel au lieu d’assumer deux heures de cours avec des élèves turbulents par exemple ! Et Muriel retrouve une seconde jeunesse sans que cela lui semble si avantageux qu’on peut l’imaginer parce que la vie des collégiens est loin d’être rose. Corsetée dans des règles assez strictes, elle expérimente le manque de liberté de ses élèves… et la guerre des frites à la cantine !

Nadia Coste : Il y a quelque chose de l’ordre du jeu de rôle : chacune tente de réagir comme l’autre le ferait pour ne pas que leur situation soit découverte, puis elles se rendent compte qu’au contraire, elles doivent apporter un peu de leur personnalité à l’autre pour l’aider. Une ado ne serait pas prise au sérieux par le principal si elle proposait certaines activités pour le collège, alors qu’en tant que prof, on l’écoute… inverser leur place, c’est aussi permettre de se rendre compte de la voix qu’on donne aux élèves.

Actusf : Il y a des moments drôles, mais aussi une forme de suspens. Comment avez-vous écrit ensemble ? Qui a fait quoi ?

Nadia Coste : Dès que j’ai proposé à Silène d’écrire ce roman ensemble, elle a posé une condition : ne pas être la prof ! Moi, tout me convenait, alors c’est moi qui ai écrit les passages de Muriel Morvant. Nous avons fait un plan pour établir les différentes heures de cours de la journée, ce que chacune devait vivre à quel moment…

Silène Edgar : Nous avons harmonisé nos compétences : Nadia est très bien organisée, et moi je suis capable d’être hyper focus si on m’encadre bien, du coup on a pensé le scénario, on l’a laissé maturer avant d’écrire les chapitres (j’ai besoin de laisser « composter » longtemps).

Nadia Coste : Puis nous nous sommes lancées en nous envoyant nos bouts de chapitre au fur et à mesure. Parfois, l’une envoyait une patate chaude à l’autre en la laissant se débrouiller pour sortir son personnage de la situation où on l’avait mis… c’était très drôle !

Silène Edgar : Nadia me fouettait et du coup, on a avancé vite ! Non, en vrai, on s’est beaucoup amusé et c’est pour moi la clé de notre réussite.

Nadia Coste : On riait aux blagues l’une de l’autre, et on appréciait l’émotion que chacune créait. On pouvait s’appuyer sur l’autre pour avoir un texte encore meilleur que si nous l’avions fait seule. Ensuite, nous sommes repassées ensemble sur le texte pour l’ajuster, et mêler davantage nos styles pour rendre un peu plus flou la question de « qui a fait quoi ».

Actusf : Les lecteurs et lectrices vont aussi avoir l'occasion dans ce roman de découvrir l'envers du décor au collège... et notamment la fameuse salle des profs ! Est-ce qu'il y a des secrets que vous n'avez pas révélés ?

Nadia Coste : Ah, la salle des profs ! Il y a tellement de choses à dire ! Dans « Vendredi dans la peau de ma prof », nous avons choisi une salle extraordinaire, alors que de nombreux établissements sont bien plus sobres… mais tout est vrai ! Et nous avons dû nous limiter, car notre éditrice ne croyait pas en certaines anecdotes pourtant véridiques… bref, on a quand même été assez soft par rapport à la réalité !

Silène Edgar : Oh oui ! De nombreux secrets sont encore cachés… Les élèves n’imaginent pas le dixième de la vie de leurs profs. Étant donné que j’ai sévi plusieurs années dans l’Éducation Nationale, mes bêtises se comptent par douzaines, vous ne trouverez donc dans notre roman que certaines d’entre elles !

Actusf : Est-ce que vous avez d'autres envies d'écriture ensemble ?

Nadia Coste : on s’est tellement amusées avec « Vendredi dans la peau de ma prof » qu’on a très vite eu envie d’en écrire un autre… « Une semaine dans la peau de mon frère » ! Nous avons beaucoup à dire sur les relations au sein de la famille, et il se trouve que Silène est l’aînée dans la sienne, alors que je suis la seconde… bref, nous avons des points de vue différents et très complémentaires pour ce deuxième roman (qui a quelques liens avec le premier). Nous l’avons écrit encore plus vite, et avec encore plus de plaisir !

Silène Edgar : Et comme nous travaillons ensemble depuis des années au sein d’un collectif d’écriture, les Parapluies, nous allons écrire un livre sur nos méthodes de travail pour Argyll. Et après… on en fera d’autres, c’est certain !

Actusf : Quels sont vos projets à chacune ?

Nadia Coste : À part « Une semaine dans la peau de mon frère », mon gros projet pour 2023, c’est « La Cité du Savoir », un roman de fantasy qui sortira en septembre chez Scrineo. J’ai commencé ce roman en septembre 2018, alors c’est un véritable aboutissement que j’ai hâte de partager avec le monde entier !
Et puis j’avance sur différents manuscrits, ainsi que des scénarios tirés de mes romans (long métrage et séries animées), mais je ne peux pas encore annoncer d’autres sorties concrètes.

Silène Edgar : Pour ma part, je finis la série des Mini-Bois pour les CP-CE1 avec les tomes 4 (novembre) et 5 (mars 2023) avant de publier une trilogie de fantasy pour adultes chez Bragelonne en mai pour le tome 1 ; les deux autres suivront rapidement puisque je finis d’écrire le troisième en ce moment, avec l’aide de Nadia qui me relit, évidemment !

Jérôme Vincent

à lire aussi

Partager cet article

Qu'en pensez-vous ?