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Vortex

Robert Charles Wilson ( Auteur), Manchu (Illustrateur de couverture), Gilles Goullet (Traducteur)
Langue d'origine : Anglais US
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 22/08/2012  -  livre
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Vortex

Robert Charles Wilson est né en Californie en 1953 mais émigre à l'âge de neuf ans à Toronto, au Canada. Son premier récit paraît dans la revue Analog en 1975, publié alors sous le pseudonyme de Bob Chuck Wilson. Il est depuis l'auteur de nombreux romans, comme Darwinia, Bios, Les Chronolithes ou encore Julian. Vortex, qui fait suite à Axis, clôt la brillante trilogie entamée en 2006 avec Spin, récompensé par le prestigieux prix Hugo.
 
Récits croisés
 
Contrairement aux deux volumes précédents, Vortex suit deux lignes temporelles, deux récits différents.
 
Le premier se déroule une quarantaine d'années après les événements narrés dans Spin. Orrin Mather, un jeune vagabond, est interné dans un centre d'accueil à Houston, où travaille Sarah Cole. Mais ce nouvel arrivant ne semble pas comme les autres : il y a tout d'abord le policier qui l'a amené, Bose, qui s'intéresse de près à lui. Et puis, il y a surtout les carnets retrouvés dans les affaires d'Orrin qui racontent les aventures d'un certain Turk Findley...
 
Le second, c'est  le récit à l'intérieur du récit, l'histoire incroyable de Turk Findley racontée dans les carnets du vagabond. Laissé pour mort à la fin d'Axis, il se réveille dix mille ans plus tard sur une autre planète qu'Equatoria et finit par se retrouver sur Vox, un archipel artificiel gouverné par une démocratie limbique et en route pour la Terre.
 
Quel est le lien entre ces deux récits ? Turk Findley est-il bien vivant ? Ou n'est-ce qu'une simple coïncidence due à l'imagination trop fertile d'Orrin ?
 
Une science-fiction humaniste et écologiste
 
On retrouve dans Vortex tous les ingrédients d'un bon livre de Robert Charles Wilson : d'abord, ce qu'il faut de prospective scientifique toujours expliquée de manière simple et claire - même les concepts les plus ardus semblent facilement compréhensibles avec Wilson, c'est une vraie qualité qu'il faut souligner alors que de plus en plus de livres de science-fiction semblent demander des connaissances démesurées pour comprendre le moindre petit bout de théorie.
 
Et puis, un récit résolument tourné vers l'humain, toujours en proie à ses petits tracas quotidiens : les personnages principaux sont des Monsieur-tout-le-monde, avec leurs doutes, leurs faiblesses, mais essayant de faire de leur mieux pour faire face à cette réalité qui les dépasse complètement... mais qui n'est jamais très loin. Cette proximité, cette banalité ne les rendent que plus attachants, plus vivants, et il n'est guère difficile de se laisser happer par l'enchaînement des événements. L'immersion n'en est que facilitée et l'identification renforcée.
 
Le message écologique est également présent en filigrane - réchauffement climatique, utilisation à outrance des énergies fossiles - et difficile à louper au vu du destin funeste de notre bonne vieille Terre. Mais loin d'être donneur de leçon ou de montrer du doigt les comportements "à risque", Vortex se contente de nous mettre face à notre propre ambiguïté dans notre relation à notre planète. Une ambiguïté qui peut se résumer parfaitement dans une courte scène du roman où Sarah Cole, pourtant consciente de ses effets néfastes, ne peut s'empêcher d'utiliser la climatisation de son véhicule. Pas de réponse, pas de morale, juste l'exposition des faits : le roman se révèle un excellent miroir de notre époque où les questions écologiques, bien que connues du grand public, sont laissées à la discrétion des générations futures.
 
Ici, pourtant, une originalité : cette narration sur deux lignes temporelles différentes. On pourra d'ailleurs regretter qu'elles se rejoignent si tardivement et de manière aussi conventionnelle... Ce qui n'enlève malgré tout rien à la force du message amené dans les dernières pages du roman.
Autre point de reproche, la démocratique limbique, et son pendant la démocratie corticale, qui a fini par se développer dans le futur et dans laquelle est projeté Turk Findley. Malgré un concept intéressant, qui aurait gagné à être beaucoup plus développé, cette société, cette conscience collective, ne reste que grossièrement esquissée. Turk et Allison ont beau s'y débattre et lutter contre elle, contre son emprise implacable, on a du mal à comprendre tous les enjeux.
 
Enfin, Vortex se révèle un formidable page-turner. Dès les premières pages, on est happé par ces deux histoires parallèles, et de nombreuses questions se bousculent : qui est Orrin Mather ? Comment connaît-il l'existence de Turk ? Est-il vraiment en train d'écrire ce qu'il a vécu dix mille ans plus tard ? Chaque chapitre apporte son lot de surprises (plus ou moins attendues) et de rebondissements (mais jamais extravagants) qui font qu'il est difficile de reposer Vortex avant sa conclusion. Et puis, il y a toujours cette question, en fond : saura-t-on enfin qui sont les Hypothétiques ?
 
La vérité sur les hypothétiques
 
Car l'intérêt de Vortex c'est, avant tout, la réponse tant attendue sur la véritable nature de ces Hypothétiques, ces mystérieux extraterrestres qui veillent sur l'humanité depuis Spin. Avec un dernier chapitre vertigineux, où les concepts présentés n'ont rien à envier à ceux développés dans le premier tome, Robert Charles Wilson clôt enfin sa trilogie de manière tout à fait remarquable... et optimiste sur le futur de l'humanité. Chose étonnante, il est vrai, tant les trois romans n'ont pas manqué d'interrogations, et de possibilités d'avenir entrevues, souvent sombres et pessimistes. C'est peut-être là le tour de force de l'auteur : arriver à nous convaincre que l'humanité saura enfin apprendre de ses erreurs. C'est ça aussi l'une des qualités de Robert C. Wilson : sa foi indéfectible en l'espèce humaine. Un happy end qui ne sera peut-être pas au goût de tout le monde mais qui apporte une vraie bouffée d'oxygène dans un contexte science-fictif plutôt défaitiste ces dernières années.
 
Bien qu'un cran au-dessous de Spin (difficilement égalable il est vrai), Vortex, qui renoue avec le vertige scientifique du premier tome laissé un peu de côté dans Axis, termine néanmoins en beauté une trilogie de science-fiction de très haute tenue, qui devrait à la fois ravir les amateurs de théories scientifiques pointues comme de récits plus humanistes. Une franche réussite.

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