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Vous reprendrez bien un peu de Politique Fiction ?
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Vous reprendrez bien un peu de Politique Fiction ?

Après avoir dévoré Le maître des ombres de Jean-Christophe Chaumette (voir l'interview) j'ai repéré deux autres ouvrages de Rivière Blanche jouant à nouveau la carte de la politique-fiction.
 
Rencontre avec la Jeune et la Vieille Garde pour une plongée sans concession dans un avenir cauchemardesque où une botte s'écrase sans fin sur la tête d'un homme.
 
QUESTIONS POUR PHILIPPE WARD
 
Actusf : Bonjour Philippe, peux-tu nous parler de ces deux nouveaux livres, à savoir 33e Itération de Yvan Bidiville et Plaques Chauffantes de Necrorian, quand et comment ont-ils été soumis à RB ?
Philippe Ward : Bonjour, alors dans l’ordre et la discipline ! ;o)
 
Pour Yvan Bidiville, c'est une rencontre à Épinal organisée par le Festival entre des auteurs et des éditeurs. Les auteurs ayant 7 minutes pour convaincre l'éditeur de les publier. Yvan m'a convaincu, cela a mis un peu de temps pour arriver à cette publication mais la voilà. Ce qui m'a frappé dans ce roman, c'est l'aspect polar, SF, et politique. Sans oublier l'action. Il y a tous les ingrédients d'un grand livre. En plus un roman de SF qui se déroule en Suisse ce n'est pas si souvent que l'on en lit. De plus il est très bien écrit, pas de temps mort. 
 
Pour Necrorian alias Jean Mazarin, je l'avais contacté pour savoir s'il avait dans ses tiroirs ou disque dur un roman inédit de SF qu'il aurait proposé au Fleuve Noir et qui n'aurait pas été publié. Il m'a répondu que non. Et puis un jour, j'ai reçu ce gore de Nécrorian. Moi qui ait toujours été un fan de cette collection et un inconditionnel de Nécrorian j'ai sauté au plafond en découvrant ce roman qui est un gore, mais qui n'est pas que cela, il y a du politique, il y a du polar dedans mais c'est du vrai Nécrorian. Et puis j'ai eu la chance d'avoir une postface d'un autre amateur et auteur de Gore : François Darnaudet.
 
Les 2 romans sont sortis le même mois, ce qui fait que c'était un mois très politique sur la Rivière Blanche.
 
 
Actusf : Y aura-t-il d'autres titres imaginant un futur proche très fascisant qui sont prévus ? Et après l'éditeur, une question à l'auteur : quels sont tes projets en cours et à venir ?
Philippe Ward : Pour l'instant je n'ai pas d'autres ouvrages de SF ou de fantastique qui aurait une connotation politique, mais j'espère en recevoir et en publier. Il y aura en 2013 du Space Op, des vampires, des zombies, du post apocalyptique, bref tous les genres de l'imaginaire.
 
À tire perso : Un privé sur le Nil, écrit avec Sylvie Miller, est sorti le 20 novembre chez Critic. Il narre les enquêtes de Jean-Philippe Lasser, détective un peu minable qui, alors qu’il attend de pouvoir se refaire, se voit confier une grosse affaire. Quand la déesse Isis en personne l’engage, notre (anti-)héros pense qu’il a peut-être décroché la timbale.
 
Ce roman est fondé sur trois nouvelles, mettant en scène ce personnage, qui ont été publiées dans diverses anthologies (Contes de Villes et de Fusées, Noir Duo, Plumes de Chats). On a complètement retravaillé l’ensemble et on s’est permis de rajouter trois nouvelles aventures inédites.
 
Ce roman vous plongera dans cette ambiance polar mâtinée de fantasy (à moins que ce ne soit l’inverse). 
 
Un tome 2 sortia en Mars 2013 et nous travaillons d’ores et déjà sur un tome 3.
 
Je compte rééditer mon premier roman Artahe sur la Rivière Blanche. Et je navigue en solo sur un roman avec comme héros Manhattan et Marilyn Monroe. Mais là je n’en suis qu’au début ! Donc patience… 
 
 
QUESTIONS POUR YVAN BIDIVILLE
 
Actusf : Commençons par la Jeune Garde, bonjour Yvan, peux-tu te présenter à nos lecteurs ? Tu en es à ton troisième ouvrage publié, peux-tu revenir sur ton parcours d'auteur et expliciter pour nous pauvres lecteurs les raisons qui t'ont fait écrire 33e Itération
Yvan Bidiville : Bonjour aux lecteurs d'Actusf !
 
Je m'appelle Yvan Bidiville, j'ai 28 ans et j'ai commencé à écrire il y a bientôt dix ans. Je vis à Lausanne, en Suisse, et j'ai étudié à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) où j'ai obtenu il y a cinq ans un master en Systèmes de Communication avec une spécialisation en biocomputing (grosso-modo, les techniques informatiques qui s'inspirent du vivant).
 
Durant mes études, j'ai rédigé une trilogie de fantasy, Les Nouvelles Références, qui est parue en 2008 à compte d'auteur. C'était un mauvais calcul de ma part, un faux départ dans le milieu de l'édition - tant le compte d'auteur est mal perçu et artistiquement stérile - mais le résultat n'était pas mauvais et j'ai persévéré. Un recueil de trois novellas, malheureusement jamais paru, me permettra d'accrocher un peu plus l'attention du milieu et d'entamer un virage vers une littérature plus aboutie.
 
À l'origine, j'avais une idée de polar et je me suis rendu compte que j'avais besoin d'implants cérébraux pour la rendre cohérente. À partir de là, j'ai travaillé l'univers et les personnages pour qu'ils forment un tout cohérent, qui ait du sens et qui résonne avec notre actualité. Car j'ai désormais envie d'écrire quelque chose qui soit un peu plus qu'un divertissement : j'ai envie de transmettre à mes lecteurs des idées et quelques des pistes de réflexion qui je pense les concernent directement.
 
Exit donc les mondes imaginaires ou trop éloignés dans le temps, j'ai décidé de baser mon action à Lausanne, dans un futur proche où sont exacerbés plusieurs tendances qui je trouve dérangeantes, voire inquiétantes, en particulier la façon dont un système capitaliste peut faire totalement abstraction du long terme.
 
 
Actusf : En combien de temps as-tu finalisé ton œuvre (je parle de l'idée à la publication du roman) et comment travailles-tu ? 
Yvan Bidiville : Sans compter les scénarios gribouillés en fin de soirée et les diverses réflexions qui m'ont permis de préparer le terrain, près de trois ans se sont écoulés entre le début de l'écriture et la sortie du livre. Cela dit, je ne suis pas du genre à trop planifier un roman et je me suis lancé dans l'écriture sans savoir ce qui allait se passer par la suite ni quel message exact j'allais essayer de transmettre. J'aime pouvoir créer pendant le processus d'écriture.
À l'époque, je n'avais pas de travail fixe et j'écrivais donc dès que j'en avais l'occasion, même durant mes séjours à l'étranger, notamment en Australie.
Autre fait notable, je fais partie d'un atelier d'écriture depuis 2010 (l'A-telier) et les retours des autres auteurs m'ont été particulièrement précieux.
 
 
Actusf : L'aspect Politique-fiction de ton roman fait clairement froid dans le dos, vu que tu imagines une Suisse fascisante et islamophobe en 2035, et également fer de lance d'une technologie novatrice, une prothèse cérébrale devant faire de son porteur un nouveau surhomme. Quel message souhaitais-tu faire passer ? Pour ma part j'y ai vu à la fois une critique de la politique actuelle de la Suisse, un hommage appuyé au mouvement cyberpunk et à la course futile du gadget électronique censé nous rendre "plus qu'humain" mais nous renfermant sur nous-mêmes, à défaut de nous ouvrir sur les autres, est-ce le cas ?
Yvan Bidiville : En vérité, j'hésite à m'étendre sur le message véhiculé par le roman. Je veux simplement exposer une situation imaginaire, mais cohérente, afin que le lecteur soit motivé à prendre parti et à se faire sa propre opinion. Dans le meilleur des cas, il pourra voir comment ses réflexions entrent en résonance avec notre monde, et dans le pire, il aura lu un bon polar de SF.
 
Pour ce qui est de l'autocritique - tout comme l'autodérision - je trouve qu'il s'agit d'un exercice intéressant, infiniment plus productif que la critique d'autrui. Et il est incontestable que la Suisse possède énormément de privilèges par rapport au reste du monde: certains y voient des raisons de se défendre, de se prémunir, mais j'y vois plutôt une occasion de se montrer exemplaire.
 
Pour ce qui est du cyberpunk, je ne crois pas avoir essayé de lui rendre hommage et je ne l'ai pas particulièrement étudiée. Tout est vraiment venu "naturellement", dans le sens où j'ai simplement essayé de donner un sens économique à l'univers de 33e Itération et un sens moral à l'aventure qui s'y déroule.
 
Pour finir, j'ignore si les technologies modernes nous font nous renfermer sur nous-mêmes plutôt que nous ouvrir au monde. Il est vrai que ces appareils qui augmentent nos capacités sous partout et, pour la plupart, je suis incapable de dire s'ils rendent notre monde meilleur ou moins bon. Ils permettent la croissance, et donc ils rendent certaines personnes très riches, tandis que les autres doivent s'y adapter pour survivre et garder leur place dans la société.
 
 
Actusf : L'autre chose qui m'a frappé, c'est cette déconstruction savamment maitrisée, et très Dickienne, sur ce que voit l'inspecteur Léo Siegfried, avec ces scènes surréalistes entre délire induit par les drogues, l'alcool, et l'impression qu'il n'est même plus seul quand il réfléchit... Comment t'y es-tu pris pour maîtriser cet aspect très casse-gueule, mais jouissif à lire ? 
Yvan Bidiville : Je ne sais pas trop quoi répondre, pour le coup. Les délires sont venus plutôt naturellement et n'ont pas nécessité trop de travail par la suite, sans doute parce qu'ils sont pour la plupart visuels et que je maîtrise plutôt bien cet aspect là de la narration.
 
Les réflexions et les réactions influencées par les implants ont demandé plus d'attention, car il s'agissait d'être réaliste et de combiner la logique d'un ordinateur avec des émotions humaines, sans tomber dans les écueils du genre ni perdre en cohérence. Mais dans l'ensemble, tout est venu au fil de l'écriture.
 
 
Actusf : On sent également l'amour que tu portes à la littérature Noire, ton histoire est désespérée et désespérante, alors rassure-moi : L'avertissement fait eu lecteur page 6, c'est juste pour le fun, tu n'écris pas la réalité de ces lendemains qui déchantent quand même ?
Yvan Bidiville : La phrase d'introduction dit "Bien qu'ils ne se soient pas encore produits, ce roman est basé sur des faits réels". À l'origine, je voyais ça comme une façon de mettre en condition le lecteur, afin qu'il soit attentif à ce qui se dit entre les lignes. Dans les faits, ça fait plutôt marrer les gens qui y voient un détournement d'une punch-line usée...
 
Donc ce n'était pas seulement pour le fun, mais je ne tiens pas non plus à être comparé à Paco Rabanne. Surtout que mon but premier est de donner matière à réflexion ! L'espoir est donc censé venir du lecteur...
 
 
Actusf : Peux-tu nous parler de tes autres projets, en cours et à venir ? En tout cas merci pour ce petit tour dans cette Lausanne riante et enchanteresse !
Yvan Bidiville : J'ai un autre projet en préparation, mais qui est loin d'être abouti. Un roman d'anticipation orienté SF, avec une réalité virtuelle qui accueillerait les gens désireux d'être plus libres et qui leur opposerait en même temps les barrières de la société de consommation. Le projet s'annonce aussi ambitieux que démesuré, car j'ai l'intention d'exploser ces barrières et d'aller jusqu'au bout ! Mais il faudra attendre au moins deux ans avant de savoir de quoi il retourne exactement...
 
 
QUESTIONS POUR EMMANUEL ERRER
 
Actusf : Bonjour Necrorian, Jean, Emmanuel, pour ma part il est inutile de vous présenter, mais juste au cas où il y aurait de jeunes lecteurs candides ayant tapé « Belle Femme Éviscérée » dans Google et tombant fortuitement sur cette interview pourriez-vous présenter vos différentes incarnations et nous expliquer votre réincarnation ?
Emmanuel Errer : Je me suis incarné dans plusieurs personnages qui ont tous une caractéristique commune : L’écriture.
 
EMMANUEL ERRER sur les couvertures de mes romans « Série noire » et chez d’autres éditeurs plus épisodiques chez lesquels on trouve par exemple un roman western historique ou la traduction du transylvanien des écrits d’un tennisman célèbre. Ce pseudo se trouve aussi sur les deux douzaines des scénarios écrits pour la TV.
 
JEAN MAZARIN au Fleuve Noir – Spécial-Police, Espionnage (je préfère Politique-fiction), S.F et ceux signés par l’abominable NECRORIAN dans la collection Gore.
 
Alors, pourquoi cette réincarnation en romancier plus de 15 ans, je crois, après mon dernier inédit publié ? 
 
Je l’ai dit, j’ai écrit pour la TV, ce qui m’a apporté des satisfactions, des désillusions, des colères, des rencontres, des amitiés, un prix à Cognac (prix que personne n’est jamais allé chercher…), beaucoup de temps libre pour paresser, mais heureusement toujours de quoi vivre largement.
 
 
Actusf : Un petit détail m’a chiffonné à la lecture de votre roman : Tu le mets en scène au début du 3e Millénaire, hors, j’ai trouvé que chronologiquement il aurait plus collé dans les années 2025, non ? (Oui d’accord pour que tu me tazes mais tu réponds à la question d’abord) 
Emmanuel Errer : Je place le roman au début du troisième millénaire alors que tu l’aurais plutôt vu dans les années 2025 !
 
Ça  ne serait pas un peu la même chose, non ? [Note de BC : C’est pas faux ! On va mettre ça sur le compte de ma dyscalculie ! ;o)]
 
Je te tazerai bien, mais suite à une grève surprise de l’EDF, je n’ai pu recharger mon taser.
 
 
Actusf : Un truc qui m’a interpellé c’est ce savoureux mélange que tu fais entre le sexe et la mort (oui, j’ai des grandes interrogations freudiennes ces derniers temps), qu’est-ce qui t’as donné envie, 27 ans après Blood Sex, de rejouer la partition du Porno-Gore ? Que réponds-tu à ceux qui jugeront l’exercice quelque peu vain ? Non lâche ce rasoir !
Emmanuel Errer : Dans le Gore, comme dans de nombreux fantastiques, sexe et sang sont intimement liés, le sang étant symbole de mort, surtout chez les vampires.
Je ne sais pas si écrire les « Plaques » a été un exercice un peu vain, mais j’avais envie d’écrire ça et j’ai toujours écrit comme si je devais être l’unique lecteur de ma prose. Par contre, je dois avouer que si d’autres prennent aussi plaisir à la lire, ça flatte l’égo. Le plaisir est partout, non ?
Côté rasoir, celui que j’ai en main a déjà beaucoup servi et je comptais le mettre sous vitrine, mais si tu as une jolie petite nana à travailler, je te le prête avec plaisir.
 
 
Actusf : Tu mets en scène pas mal de clins d’œil quasi historiques : Une femme présidente de Gauche qui se suicide après avoir fait le coup de feu contre des militaires putschistes (référence à Allende pour ma part), Le Guide de la France est un certain Général Boulanger, à la tête d’une France Fasciste appliquant pleinement le Programme FN. Sans parler des noms des personnages, assez savoureux. 
Comment t’es-tu amusé à construire ce monde politiquement très incorrect, miroir grand-guignolesque du nôtre ?
Emmanuel Errer : Oui, tu as raison. La prise de l’Élysée ressemble pas mal à la prise de la Moneda par l’armée chilienne.
 
Côté historique, le général Boulanger a bien existé mais c’était au XIXe siècle. Élu triomphalement dans sept départements, il refusa de marcher sur l’Élysée avec ses partisans. Chassé de l’armée, exilé en Belgique (déjà !) avec sa maîtresse, la marquise de Bonnemain (un nom qui ne s’invente pas !), il se suicida sur sa tombe quand elle succomba à la tuberculose… Ce que n’a pas fait Pinochet !
 
C’est vrai que je me suis beaucoup amusé en écrivant les « Plaques », une pochade qui se devait d’être gore pour ne pas être prise au sérieux. J’ai commencé sans trop savoir où j’allais (sinon, bien sûr, côté éventrations…)
 
 
Actusf : En dehors du côté très divertissant de la chose, qu’est-ce que tu souhaitais montrer ? Perso je penche pour un exercice de genre mais je peux me planter…
Emmanuel Errer :  Tu as, encore une fois, raison. Les « Plaques » sont un exercice de genre sans autre prétention que de divertir, de faire rire ou de faire gerber le lecteur, mais certainement pas de prendre position et de formuler un jugement moral.
D’ailleurs, j’ai toujours été totalement hermétique aux romans qui prennent la politique contemporaine au sérieux (locale ou internationale) car ils ne sont généralement écrits que pour convaincre des convaincus ou bien montrer qu’on est dans le camp des « gentils » !
 
 
Actusf : Une chance de revoir certaines de tes personnalités à l’œuvre dans un avenir proche ?
Emmanuel Errer : J’espère afficher un de mes pseudos sur certains manuscrits qui sont en lecture (2 thrillers se passant sous l’Occupation) – Mon dada depuis le « Collabo-Song » qui m’a valu le Grand Prix de Littérature policière.
 
Et puis une réécriture complète d’un de mes romans SF du Fleuve Noir destiné à la Rivière… Un fantastique encore en gestation, et un polar se passant dans un lieu encore jamais pris pour cadre et où l’on trouve pas mal de milliardaires !
 
Mais comme vous avez dû le comprendre, je suis du genre paresseux et ça ne va pas s’améliorer avec le temps.
 
 
Actusf : En tout cas merci pour cette balade ! Non ça ira pas la peine de me raccompagner je connais le chemin…
Emmanuel Errer : Je ne te raccompagne pas mais, en partant, prends pas sur ta gauche, tu risquerais de tomber sur Yvonne de  Carlo, une vraie nymphomane !
 
Soyez tous bénis
 
Nécrorian

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