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Yardam - Les secrets d'écriture d'Aurélie Wellenstein
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Yardam - Les secrets d'écriture d'Aurélie Wellenstein

A l'occasion de la sortie de Yardam aux éditions Scrineo, Aurélie Wellenstein revient sur l'écriture de ce nouveau roman.

Actusf : Yardam doit paraître prochainement aux éditions Scrineo. Quelle a été l’idée à l’origine de ce roman ?

Aurélie Wellenstein : À l’origine, je voulais écrire un roman sur la peste, le huis clos étouffant d’une ville en quarantaine et mettre en scène la relation ambiguë entre un médecin et un malade. Puis très vite est apparue l’idée du virus psychologique, et donc la question : qu’est-ce qui se passerait si la folie pouvait se transmettre sexuellement ?

Actusf : De cela quoi parle-t-il ?

Aurélie Wellenstein : D’une ville atteinte par un mal étrange : du jour au lendemain, certaines personnes se transforment en « coquille vide ». Privées de leur affect, de leur mémoire et même de leur apparence physique, lissée en un tout semblable, elles errent, sans souvenirs, dans la ville. Personne n’y comprend rien. On songe à une maladie. La ville est placée en quarantaine et des médecins de toute origine sont appelés en renfort. Mais le mal empire et s’étend... Ceci n’est qu’une facette du roman, dans la mesure où l’on suit d’emblée un personnage qui, justement, a les clés du mystère. On l’accompagne dans sa terrible évolution, à la fois victime et coupable du désastre qui frappe la ville. Et très vite, quelque chose arrive. Un événement qui va fracasser son existence, sa psyché, et faire vriller toute l’histoire dans une spirale infernale.

Actusf : Kazan, votre héros, est un personnage en perdition. Comment l’avez-vous créé ?

Aurélie Wellenstein : Kazan a trente-trois ans. C’est un personnage qui a déjà du vécu. J’ai réfléchi à toute sa trajectoire de vie, enracinant ses choix actuels dans son enfance. Son rapport à sa mère, notamment, éclaire certaines zones d’ombre de son caractère, de même que sa construction — difficile — dans une famille recomposée. J’ai beaucoup travaillé sa psychologie. Je crois que c’est à ce jour, mon personnage le plus étoffé de ce point de vue.

Actusf : A-t-il suivi la route que vous lui aviez tracée ?

Aurélie Wellenstein : Plutôt, oui. Comme je travaille à l’instinct, cela arrive que le récit prenne des virages inattendus, mais dans le cas présent, tout était très évident et je n’ai pas eu de surprise monumentale dans la construction de l’intrigue.

Actusf : Comment avez-vous composé cet univers ? Avez-vous du faire beaucoup de recherches ? Vos précédents romans vous ont-ils aidés ?

Aurélie Wellenstein : Je voulais que la ville soit au centre de l’histoire, qu’elle en devienne une sorte de protagoniste. J’ai choisi la ville de Prague, et j’ai fait des pas de côté, en changeant certains noms afin de pouvoir ancrer la dimension fantastique du récit. Dans l’ensemble, vous devriez reconnaître assez facilement les quartiers, les monuments, les ponts, etc. Je me suis donc beaucoup documentée sur la ville. J’avais en permanence un plan sous les yeux pour ne pas faire d’erreur dans les déplacements ou les distances.

Pour la thématique de la maladie, il s’agit d’une intrication imaginaire entre le sida et la schizophrénie. Je me suis documentée sur ces deux maladies, en ce qui concerne le sida, plutôt sur la période années 90, sur des témoignages, mais aussi sur l’histoire de la psychiatrie, car mes médecins n’ont aucune véritable connaissance des maladies psychiques. Ainsi, j’ai pu reprendre les recherches qui étaient faites au tout début de la discipline. Bien entendu, au-delà de la documentation, j’assimile tout un vécu personnel et professionnel. Certains éléments de mon quotidien sont venus irriguer l’histoire, mais à ma façon. Je veux dire par-là que je n’ai pas la prétention de faire un documentaire médical. On est évidemment dans un récit fictionnel, dans le registre imaginaire qui plus est. Encore une fois, c’est un pas de côté, je crois, esquissé sur des faits réels, comme avec cette représentation fantasmatique de Prague.

Enfin, d’un point de vue éditorial et technique, mon éditeur, Jean-Paul Arif, m’a également poussée à sortir d’une certaine « zone de confort ». Jusqu’à présent, mes récits s’épanouissaient dans le voyage, de longs périples dans de grands espaces, très nature, avec des trajectoires assez horizontales. Ici, on change de braquet : toute l’histoire se déroule entre les murs de la ville, en quarantaine, avec des trajectoires plus retorses, en spirales descendantes. Et il n’y a pas d’animaux (!)

Actusf : Alors ce n’est pas le coronavirus qui est en jeu dans Yardam, mais un autre tout aussi dangereux qui transmet la folie… Peut-on y voir une sorte de prémonition ? Une critique de certaines situations actuelles ? Ou est-ce simplement un livre pour se divertir ?

Aurélie Wellenstein : Je n’ai pas eu du tout le sentiment de traiter quelque chose d’actuel, car comme je vous le disais, j’étais plongée dans une documentation plus ancienne, les années 90, voire le 19e siècle ! Je regardais justement hier un reportage sur les recherches qui sont faites autour du coronavirus et sur la collaboration de très nombreux médecins, ça m’a fait penser en effet à certaines scènes dans mon histoire. Mais bon, je n’ai pas l’impression de dénoncer quoi que ce soit ou d’être dans une critique de société. En fait, je me sens plus « dans l’humain », dans la peinture d’un individu dans toutes ses facettes. Vraiment, je crois que Yardam est avant tout un roman de personnage.

Actusf : Avez-vous eu des sources d’inspiration en particulier, littéraire ou/et cinématographique pour la création de Yardam ? De ses personnages ? Je pense notamment au couple de médecins Feliks et Nadja.

Aurélie Wellenstein : Mes influences littéraires vont de la Peste de Camus à la littérature tchèque bien sûr, en passant par la romance qui m’a beaucoup appris à développer le pan émotionnel de mes récits, Stephen King comme toujours…, c’est très éclectique. En revanche, je vais assez peu piocher dans le cinéma car je ne suis pas une grande cinéphile (il me faut une explosion par minute, sinon je m’endors). Cependant, je suis devenue très attentive aux scènes de combat dans les séries et les films, la façon dont elles sont « chorégraphiées », par exemple récemment dans The Witcher, mais surtout dans le cinéma d’action coréen qui est assez extraordinaire pour ça. Il y a une scène de combat à mains nues dans Yardam qui vient d’une scène de Old Boy par exemple, que j’ai regardé en boucle pour bien comprendre les mouvements, les déplacements et les frappes. Pour le couple de médecins, je ne crois pas me rappeler d’inspirations particulières.

Actusf : Et après ? Pensez-vous revenir dans cet univers ?

Aurélie Wellenstein : Non, je ne pense pas.

Actusf : Sur quoi travaillez-vous actuellement ?

Aurélie Wellenstein : Sur des choses très différentes, des romans de littérature dite « blanche ». Je fais une longue pause sur l’imaginaire. J’attends que l’envie revienne. C’est pas simple, malheureusement...

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