La rose et la bague
Un roman peut en cacher un autre ! Car attention, il ne faut pas se fier à l’apparence enfantine de ce bouquin. Si de prime abord, la réédition de ce gentil conte de Noël publié pour la première fois en 1854 peut faire sourire, il possède une dimension cachée, comme la face immergée de l’iceberg qu’il faut savoir appréhender pour l’apercevoir dans toute sa dimension. Compliqué ? Je m’explique : cette histoire de chevalier et de princesse est double et sous le verni du conteur se cache en fait une satire féroce. Lors de sa conception en 1854, l’Angleterre est traumatisée par la guerre qu’elle vient de livrer à l’autre bout du monde en Crimée. Incompétence de ses officiers, massacres, exactions diverses et variées, morts inutiles, ce conflit est l’équivalent de la guerre du Vietnam plus d’un siècle plus tard. Elle est amplement critiquée par les intellectuels qui reprochent au gouvernement la gestion de la crise. Thackeray fait partie des contestataires. Il compose alors la Rose et la Bague et donne à son roman une dimension satirique et pamphlétaire à l’égard des dirigeants.
Dés lors le gentil conte se fait plus méchant. Les princes et les princesses y sont dépeints comme des personnes stupides et frivoles, arrogantes et vaniteuses, cupides et se désintéressant complètement de la population. Jamais le peuple n’a le droit de citer dans ce livre, où rarement, pour assister aux exécutions et aux victoires. De leur côté les militaires sont plutôt bornés, plus prompts à exécuter les ordres à la lettre qu’à réfléchir à leurs conséquences. Quant aux courtisans, ils retournent constamment leurs vestes, suivant le sens du vent. Beau tableau de la royauté !
Une satire toujours d'actualité...
La morale de toute cette histoire est la plus impitoyable. A trop gâter les gens, ils deviennent stupides et incompétents ! Rien ne vaut un peu de malheur pour apprendre le prix des choses et le bon sens. Na !
Bref, une fois les informations en main, ce conte de Noël avec chevaliers et princesses prend une toute autre tournure et l’on peut alors l’apprécier pleinement. Malheureusement, plus d’un siècle et demi plus tard, on peut regretter que la satire soit toujours d’actualité, justifiant pleinement sa réédition. Et si on en distribuaient gratuitement des exemplaires à l’assemblée nationale ?