Né en 1926 aux Etats-Unis, Richard Matheson commença par un peu de journalisme avant de se lancer à corps perdu dans l'écriture dès l'âge de 24 ans. Le coup d'envoi de cette carrière littéraire fut sa toute première nouvelle : Journal d'un monstre. Côté roman, Je suis une légende et L'Homme qui rétrécit sont les plus connus.
La touche finale : 26 nouvelles dont 10 inédites
Thérèse, short story exemplaire où se mêlent vaudou et folie est avec Proie deux classiques qu'il faut absolument découvrir. Quant à la nouvelle intitulée Les Visages de Julie (très proche du sadomasochisme de Jusqu'à ce que la mort nous sépare), elle se révèle être absolument avant-gardiste, en fait elle se rapproche de ce que Richard Christian Matheson fait dans son recueil Dystopia (en deux volumes chez Flammarion) où il décortique les déviations et les folies autodestructrices. Un noir bijou à consommer sans modération…
Deus ex machina est à nouveau un texte que Dick n'aurait pas renié. Un matin, un homme se coupe en se rasant, sa vie bascule lorsqu'il se rend compte que ce qui coule de la plaie n'est pas du sang mais de l'huile… Avec Duel, Matheson signe à nouveau un texte historique puisqu'il sera adapté au cinéma par un petit gars plein de promesses du nom de Steven Spielberg pour son premier long métrage.
Plus d'un tiers des textes inédits !
Je suis là à attendre qui ouvre ce dernier recueil est un vrai régal dans lequel un auteur est persuadé de pouvoir donner vie à n'importe lequel de ses personnages. Sa femme est à bout, persuadée qu'il la trompe et son beau-frère va tenter de lui faire entendre raison : à savoir qu'il est complètement fou… Erreur de tir, Les Inséparables et Les Temps sont mous sont des textes où le lecteur découvre un Matheson tour à tour taquin, cynique et donnant dans l'auto-dérision. En effet, Les Temps sont mous (piratée par Frank Zappa) nous invite dans un monde postcataclysmique dans lequel gambadent de joyeux mutants qui tombent amoureux et vivent apparemment (enfin !) en harmonie. Sur un sujet grave, un texte guilleret diamétralement opposé à Né de l'homme et de la femme (cf Derrière l'écran volume 1 de l'intégrale).
Des textes surprenants voir déroutants
La multiplication des deniers, La Consultation de quatorze heures et Ombres et silhouettes ont en commun leurs conclusions totalement inattendues de la part de Matheson. En effet, il laisse planer le doute dans l'esprit du lecteur qui normalement attend une apothéose en forme de couperet. L'auteur sort des sentiers qu'il a emprunté lui-même plusieurs dizaines de fois pour déstabiliser le lecteur et l'obliger à se pencher à nouveau sur ses textes. Ombres et silhouettes, une de ses plus longues nouvelles nous raconte le difficile apprentissage de la petite Claire, médium qui tient son don d'une mère acariâtre. Ce qui aurait pu être le départ d'un roman est là encore une belle nouvelle que l'on pourrait juger incomplète tant on s'est attaché à Claire, partagée entre son devoir de médium imposé par sa mère, sa peur du surnaturel et l'amour d'un père alcoolique qu'elle ne peut plus voir.
Et il en reste encore !
La Touche finale, La Presque Disparue et Mon Royaume pour un verre d'eau restent dans la veine plus classique de l'auteur. On y retrouve la montée en puissance de la tension et le dénouement théâtral. Bref, dix textes inédits de très haute tenue. Si vous aviez déjà toutes les autres nouvelles de l'auteur, seule raison qui pouvait jusqu'ici vous dispenser de faire l'acquisition des quatre premiers volumes, cette fois-ci, avec son tiers d'inédits, vous ne pouvez pas passer à côté de ce dernier volet.
Une intégrale exemplaire
Agrémentée de deux essais hautement instructifs, de préfaces dithyrambiques de King, Bradbury, Ellison, Bloch et Matheson Jr. et d'un petit mot du maître, une chose est sûre : cette intégrale est absolument indispensable. Mais attention, il faut déguster car on n'en a jamais assez et ces 94 nouvelles ont un seul défaut commun : elles se lisent trop vite. La seule ombre au tableau est l'illustration qui n'est pas à la hauteur des textes, mais c'est un défaut somme toute mineur.
Richard Christian Matheson : la relève
Et lorsque vous aurez achevé le cinquième volume de cette intégrale, vous pourrez vous consoler en allant lire Richard Christian Matheson qui marche dans les traces de son père. Avec Dystopia (aussi chez Flammarion), il nous prouve que le maître n'a pas à rougir de son élève.