Orbital Park
Si Howard Hendrix n'a signé son premier roman qu'à 39 ans, il ne s'agit pas pour autant d'une vocation tardive. Diplômé tout à la fois en biologie et en littérature anglaise, c'est au début des années 80 que ses nouvelles ont commencé à paraître dans les revues spécialisées américaines. Il lui aura toutefois fallu un peu plus de quinze ans et le décès de son frère pour qu'il se lance dans l'écriture de cet Orbital Park. Un baptême du feu ambitieux, très ambitieux même, et qui a valeur d'exorcisme.
Si le fan de SF se retrouve a priori dans un schéma familier, celui d'une station orbitale aux premiers temps de la conquête spatiale, le propos va très vite s'élever vers des hauteurs tout aussi orbitales. Mettant en parallèle la condition privilégiée de l'Orbital Park et celle bien moins enviable de la Terre aux prises avec un ultra libéralisme outrancier, Hendrix se hasarde sur le thème de l'utopie. Un thème qu'il va tenter d'explorer à fond en tirant tout le parti possible de sa double casquette de scientifique et de littéraire.
De bonnes idées noyées sous les mots et les effets de style...
Si au niveau de la trame narrative on sent la tentation John Brunner, c'est sans doute à Greg Egan que l'on pense le plus. Une sorte de Greg Egan littéraire, avec tout ce que ça comprend ! On se perd facilement dans les longues digressions épistémologiques. Entre PIQs, RATs, VAJRA, CONFORT, SDIQs, on croule sous les acronymes. Si les problématiques sont pertinentes, elles sont souvent noyées dans un verbiage pas toujours utile à la progression du récit. A tel point qu'on a la très nette impression de consulter le catalogue des angoisses de l'auteur. Débordé par ses propres doutes il nous livre le fruit érudit de ses cogitations, et on a parfois l'impression de se trouver dans le cabinet d'un psy new-yorkais qui ressemblerait à Woody Allen. Une crise de la quarantaine qui se focalise sur des questions d'ordre général, telles que l'environnement, l'avenir de l'homme…bref on cause meaning of life ! Certes c'est bien fait, érudit, documenté, mais pour tout dire - soyons franc - c'est un peu chiant.
On s'agace au final du grave déficit dramaturgique de l'ensemble, et surtout on le déplore. Car si l'intrigue ne s'emballe guère qu'au dernier tiers du bouquin, une fois que l'affaire est enclenchée on sent tout le potentiel gâché par ce long préambule. Dès que les choses se mettent enfin en mouvement, Hendrix fait montre d'un vrai sens du rythme, et on retrouve dans son histoire la même ambition que celle qui habite ses précédentes digressions. Si les 200 premières pages ressemblent parfois à un chemin de croix, on dévore littéralement les derniers chapitres, porté par une dimension du récit qui pourrait bien être la marque d'un grand auteur.
Deux suites...
Ecrit à l'origine comme un "one shot", Orbital Park a déjà connu deux suites qui forment Outre-atlantique la série du Tetragrammaton. Suites qui, avouez tout de même que la vie est bien faite, sont à paraître prochainement aux Editions Payot. Des suites à suivre, car si Howard Hendrix a suffisamment exorcisé ses petits démons domestiques, on pourrait bien se retrouver en présence d'un futur Franck Herbert. Vous dire donc si Orbital Park mérite sa chance, même s'il est à réserver aux lecteurs chevronnés.